Transformer le logement social : un enjeu d’aménagement durable. L’interview de Bruno Arcadipane

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    « Répondre aux défis du logement, c’est bâtir un cadre de vie durable et attractif »

    Président du groupe Action Logement, Bruno Arcadipane porte une vision ambitieuse du logement social et du renouvellement urbain. Nous l’avons rencontré à l’occasion d’un échange sur les enjeux de l’aménagement durable et du cadre de vie.

    Bâtisseurs : Nous avons récemment vu un reportage sur les Tours Gabarre qui illustre bien les grands défis auxquels font face les bailleurs sociaux et les acteurs du logement. Pourquoi est-il aujourd’hui essentiel de prioriser l’humain dans l’aménagement urbain ?

    Bruno Arcadipane : Il est fondamental de replacer l’humain au centre de nos projets. Si nous voulons « faire société », agir pour la cohésion sociale en cohérence avec les valeurs de la République, nous devons concevoir des lieux de vie confortables, agréables et surtout acceptés par tous. Cela signifie bâtir des logements qui répondent aux besoins des habitants, mais aussi des infrastructures et des espaces partagés qui favorisent le lien social.

    L’exemple des Tours Gabarre est emblématique. À l’époque de leur conception et de leur construction, elles représentaient un modèle d’urbanisme censé accompagner le développement du territoire. Puis, au fil des ans, elles se sont révélées inadaptées aux besoins. La démolition de ces bâtiments symbolise la nécessité d’un urbanisme repensé, où la qualité de vie des habitants prime sur le volume de construction.

    Le projet de renouvellement urbain en Guadeloupe s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation du territoire. Quelle est la philosophie derrière ces projets ?

    Nous travaillons sur un projet global qui doit permettre de renforcer l’attractivité des territoires et d’adapter l’offre de logement aux évolutions démographiques et aux besoins des salariés des entreprises. Aujourd’hui, les typologies de ménages changent, la population vieillit et les attentes en matière d’habitat évoluent. Il faut donc proposer des logements adaptés, diversifiés, et intégrés dans un cadre de vie dynamique.

    Ce projet vise également à repenser l’espace urbain, en intégrant des équipements modernes et des espaces verts. L’objectif est d’offrir un environnement où il fait bon vivre, travailler et se divertir. L’une de nos priorités est de rendre ces quartiers plus attractifs, non seulement pour les habitants actuels, mais aussi pour de nouveaux arrivants qui souhaiteraient s’y installer.

    Le financement de ces transformations représente un enjeu majeur. Comment Action Logement accompagne-t-il ces mutations urbaines ?

    Action Logement est un acteur clé du financement du renouvellement urbain. Nous sommes le principal financeur du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), avec une implication forte dans les territoires ultramarins. En 2024, nous avons investi 383 millions d’euros dans les départements ultra-marin pour accompagner les salariés et améliorer l’habitat abordable.

    Il est important de comprendre que notre approche repose sur un modèle partenarial. Nous travaillons main dans la main avec les collectivités, les bailleurs sociaux et les acteurs économiques pour concevoir des projets durables. Ce qui compte, ce n’est pas seulement de reconstruire, mais de bâtir une ville résiliente, capable d’anticiper les défis climatiques et sociaux de demain.

    Justement, comment intégrez-vous la dimension environnementale dans ces nouveaux projets ?

    L’impact environnemental est au cœur de nos préoccupations. Le secteur du bâtiment est l’un des plus gros émetteurs de CO2, et nous avons un rôle majeur à jouer dans la transition écologique. Notre objectif est de réduire de 50 % les rejets énergétiques des logements que nous finançons. Pour cela, nous misons sur des matériaux innovants, une isolation performante et une gestion optimisée des ressources.

    Nous devons aussi nous adapter aux réalités locales. En Guadeloupe, comme dans d’autres territoires ultramarins, nous travaillons sur des solutions bioclimatiques qui exploitent les vents et l’orientation des bâtiments pour limiter l’usage de la climatisation. L’enjeu est double : améliorer le confort des habitants et réduire leur facture énergétique.

    Malgré ces efforts, la demande en logements sociaux reste largement supérieure à l’offre. Comment expliquer cette difficulté à répondre aux besoins ?

    La demande explose. En 2017, il y avait 1,8 million de demandeurs de logements sociaux en France. Aujourd’hui, ils sont 2,7 millions. Chaque année, nous enregistrons plus de 100 000 nouvelles demandes. Action Logement fait plus que sa part : nous avons financé 40 % des constructions neuves en 2023. Mais nous devons aller plus loin et mobiliser tous les acteurs du logement pour accélérer la production. Nous devons pour cela actionner tous les leviers, tous les dispositifs existants.

    Cela passe aussi par une meilleure gestion du foncier et des outils adaptés à chaque territoire. En Guadeloupe, par exemple, nous devons développer des solutions d’accession à la propriété, comme le PSLA (Prêt Social Location-Accession), qui permet aux familles modestes de devenir propriétaires progressivement.

    Quels sont, selon vous, les grands chantiers à venir pour l’avenir du logement en France ?

    L’avenir du logement passe par une transformation profonde de nos approches. Il ne suffit plus de construire, il faut repenser la ville dans son ensemble. Le logement est un levier majeur pour le développement économique et social des territoires.

    Comme je le dis souvent : « Répondre aux défis du logement, c’est bâtir un cadre de vie durable et attractif. » Cela demande de l’engagement, de l’innovation et une véritable coopération entre tous les acteurs du secteur.

    Propos recueillis par Philippe PIED


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