Jérôme Koechlin Spécialiste en communication et en management

Darwin Smith, qui en fut le CEO de 1971 à 1991, était un homme introverti et maladroit. Il était aussi modeste qu’entêté. Il détestait la communication et fuyait les médias comme la peste. Interrogé un jour par un journaliste sur son style de management, il lui répondit : « excentrique ». Issu de milieu paysan, il était simple, voire même stoïque et spartiate, et avait travaillé pour se payer des cours du soir à l’Université de l’Indiana puis des études de droit à Harvard. A peine installé comme CEO de son entreprise, un cancer de la gorge lui fut diagnostiqué et les médecins lui annoncèrent qu’il n’avait plus qu’un an à vivre. Sans sourciller, il a redoublé de travail, et vécu encore vingt-cinq ans.

Année après année, il a relancé la société avec une détermination et une volonté de fer pour délivrer un rendement plus de quatre fois supérieur à ses concurrents. Ces deux compétences à priori paradoxales – modestie et détermination – ont permis à son entreprise d’atteindre un degré d’efficacité exceptionnelle. Ne parlant jamais ou très peu de lui-même, il était tout entier dédié à son entreprise et à ses équipes. Il était persévérant, convaincu, volontaire, presque acharné, et impavide. Pourtant personne ne connait Darwin Smith, décédé en 1995, et il en aurait été certainement ravi !

Le leadership de « niveau 5 » correspond ainsi, selon les auteurs, au niveau le plus élevé dans la hiérarchie des compétences des dirigeants qui s’inscrivent dans la durée. Outre Darwin Smith, les auteurs citent notamment Colman Mockler, PDG de Gilette durant seize ans, ou encore Georges Cain, patron d’Abott Laboratories. Abraham Lincoln était également un leader de ce type. Les niveaux inférieurs sont certes satisfaisants, mais n’ont pas la puissance de résultat du niveau 5 qui doit avoir également les compétences des autres niveaux.

Le niveau 5 n’est certes pas le seul requis pour qu’un leader puisse promouvoir son entreprise d’une bonne à une remarquable performance, mais c’est un élément essentiel. Le niveau 5 est-il acquis ou inné ? Selon les auteurs il y deux catégories d’individus : ceux qui ont le germe du niveau 5 en eux et ceux qui ne l’ont pas. Les leaders de niveau 5 sont comme obsédés par ce qu’ils construisent et contribuent à créer. Les autres sont concentrés avant tout sur la renommée, la rémunération et le pouvoir.

La détermination professionnelle est un moteur qui met tout en œuvre pour produire les meilleurs résultats sur le long terme, en dépit des obstacles et des difficultés, n’accepter rien d’autre que l’excellence, et reconnaître aux autres les mérites du succès. Dans le même temps, l’humilité est l’autre moteur indispensable pour atteindre les sommets sans jamais se mettre en avant, en s’appuyant sur son niveau élevé d’exigence et non sur son charisme, et sur ses successeurs potentiels les plus capables, précisément pour que l’excellence se poursuive.

C’est le fameux principe de la « circulation des élites » défini par le sociologue Pareto pour revigorer une société. Toute élite qui n’est pas prête à se mesurer à celles en devenir se sclérose et se condamne à la décadence. Face à ces nouveaux leaders qui souhaitent prendre la relève, la classe dirigeante en place a le choix de les combattre ou de les intégrer, jusqu’à ce qu’elle-même soit finalement défaite et remplacée. Un leader de niveau 5 s’inscrit dans la durée, mais son humilité et sa détermination le conduisent à reconnaître lui-même le moment où il doit s’effacer et passer le flambeau à son successeur.

Qu’est-ce qu’un leader ?

Un leader est un manager, un dirigeant qui a une grande capacité à mobiliser, à entrainer, à rassembler. On suit un leader. Il a, par définition, des « followers » … des collaborateurs qui le suivent, non pas par obligation, mais par envie, parce qu’il inspire et qu’il guide.

Quel leader je veux être ?

Cette question est essentielle pour donner du sens à son action, développer une posture en ligne avec ses valeurs. C’est une question identitaire qui sous-entend une bonne connaissance de soi, de la maîtrise de soi et de l’alignement, un véritable projet personnel pour soi-même.

Cette question touche la valeur profonde que vous voulez avoir, une valeur intérieure et très personnelle. La réponse à cette question va vous apporter de la sécurité intérieure et une liberté d’action.

C’est comme la quille d’un bateau qui vous permet de garder une stabilité, de garder le cap, malgré les turbulences extérieures, le vent dans les voiles, le chaos de l’environnement. Vous êtes serein car vous êtes au clair sur votre valeur, sur votre cap, sur vos principes d’action, sur votre raison d’être.

Le leadership de niveau 5

Le leadership puissant vient donc de l’intérieur et se voit à l’extérieur. Et ce sont les autres qui vous donnent du crédit, votre légitimité en tant que leader.

Pour vous amener à réfléchir sur votre leadership, je partage avec vous le concept de leader de niveau 5, développé par Jim Collins dans son livre « Good to Great ».

Dans ce livre, il apporte un éclairage sur ce qui fait la différence entre une bonne entreprise et une entreprise performante. Il présente plusieurs leviers et je zoome sur le leader de niveau 5.

Voici les 5 niveaux de leadership proposés.

Ce que j’aime dans cette proposition est que le leader de niveau 5 est un leader humble, qui n’a pas besoin de montrer son pouvoir pour avoir du leadership.

Il conjugue une très grande humilité personnelle avec une très grande ambition sur le plan professionnel. Le niveau 5 intègre les niveaux précédents.

Ce mélange d’humilité et de détermination est très inspirante. Ces leaders sont incroyablement ambitieux, mais leur ambition est premièrement et d’abord orientée vers l’institution et non vers eux-mêmes.

Cette définition de Jim Collins est soutenue par d’autres.

Par exemple, toutes les vidéos de Simon Sinek donnent des clés pour incarner ce type de leadership éveillé.

Si vous lisez le livre sur Netflix, « La règle ? Pas de règles ! (Netflix et la culture de la réinvention) », vous découvrirez comment le CEO de Netflix, Reed Hastings illustre ce type de leadership moderne et puissant. Quand je dis puissant, je ne fais pas référence à la notion de pouvoir, mais à la notion de puissance au service des autres et non de son Ego.

J’aimerais aussi faire le parallèle avec le travail de Frédéric Laloux sur les nouvelles organisations de type Opale, dans son livre « Reinventing organisations ». Il insiste sur le fait que seuls les dirigeants qui effectuent un travail de développement personnel poussé et continu, développent cette identité de leader de niveau 5 et réussissent dans la mise en œuvre de ce type d’organisation exigeante et innovante.

Je vous invite donc à vous poser ces 3 questions :

• En toute honnêteté avec moi-même, à quel niveau je me situe dans l’échelle du leadership proposé par Jim Collins ?
• Si je demandais à mes collaborateurs, mes pairs, où me situeraient-ils ?
• En quoi développer une posture de leader de niveau 5 peut faire sens pour moi ? Je note 2 à 3 raisons.

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