Le tribunal judiciaire de Mamoudzou a condamné, vendredi, la société mahoraise des eaux à verser 1 000 euros de « réparation d’un préjudice moral » à six de ses clients.
Par Jérôme Talpin (Saint-Denis (La Réunion), correspondant)
C’est une victoire partielle mais une première pour des abonnés de l’eau à Mayotte où, en raison d’une sécheresse exceptionnelle, les coupures d’eau peuvent durer 54 heures d’affilée. Le tribunal judiciaire de Mamoudzou a condamné, vendredi 8 décembre, la société mahoraise des eaux (SMAE) à verser 1 000 euros de « réparation d’un préjudice moral » à six de ses clients. La chambre civile ordonne en outre une « réduction à hauteur de 70 % du prix de l’abonnement et du montant de la consommation en eau » en leur faveur à compter de leur mise en demeure, début novembre.
Ces six abonnés, membres du collectif Mayotte a soif, ont attaqué en justice cette filiale de Vinci, exploitante du marché public de production et de distribution de l’eau dans le département français de l’océan Indien, en lui reprochant de fournir de l’eau non potable au robinet et de façon « discontinue ».
Selon les recommandations de l’agence régionale de santé, les usagers doivent la faire bouillir « par précaution ». « Il est établi, tranche le juge dans sa décision, que les demandeurs subissent un préjudice moral résultant pour l’abonné de l’inexécution partielle de l’obligation de la SMAE qui délivre une eau dont la potabilité n’est ni avérée ni constante, et, pour les membres du foyer, de la mise à disposition dans le cadre de l’exploitation du service public de l’eau, d’une eau comportant d’importants risques de contamination bactériologique. »
« Des précurseurs ayant du courage »
Le juge civil retient également, en ordonnant une réduction du prix de la facture, que la distribution d’eau « correspond à peine à un tiers du temps au cours duquel l’eau devrait être distribuée ». « Il importe peu que l’Etat ait annoncé la prise en charge des factures d’eau des abonnés », ajoute-t-il.
« Mes clients sont des précurseurs ayant eu le courage de s’en prendre au responsable du marché de l’eau », observe MeGuillaume de Géry, leur avocat, en déplorant toutefois que le juge « ne soit pas allé au bout de son raisonnement ».
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Le tribunal ne donne en effet pas totalement gain de cause aux six abonnés qui demandaient à titre principal l’obligation sous astreinte pour la SMAE de livrer de l’eau en bouteilles (2,5 litres par personne et par jour) à leur domicile, l’obligation de livrer de l’eau au robinet sans coupures, ou encore le versement d’un préjudice d’anxiété de 3 000 euros correspondant au risque d’être infecté par une bactérie ou au stress lié à l’attente des résultats des analyses de potabilité de l’eau du robinet absorbée par inadvertance.
Sécheresse exceptionnelle
Le juge considère qu’il n’existe pas dans le contrat avec l’abonné une obligation de livraison de bouteilles en cas de rupture d’alimentation du réseau. Et selon lui, les coupures d’eau sont ordonnées par un arrêté préfectoral et sont provoquées par une sécheresse exceptionnelle.
« Le juge reconnaît bien que la SMAE est confrontée à un cas de force majeure, souligne son avocat, Me Iqbal Akhoun. Ce n’est pas en attaquant l’Etat ou une société privée que l’on va régler le problème de l’eau à Mayotte. Il faut plutôt s’intéresser aux causes. » La SMAE dit réfléchir à faire appel.
« Ce jugement ne répond pas à toutes nos revendications mais il est porteur d’espoir pour les habitants de Mayotte, se félicite de son côté Racha Mousdikoudine, présidente de Mayotte a soif. J’invite la population à sortir de son silence pour que justice soit faite et pour défendre les droits d’accès à l’eau potable. » Plusieurs des six abonnés sont « déterminés à aller plus loin », assure Me de Géry, en interjetant appel pour obtenir entièrement satisfaction.