PANIQUE DANS LES ÉTAGES : LE SÉISME DU 29 NOVEMBRE 2007 À L’HOPITAL LOUIS DOMERGUE DE LA TRINITÉ

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    UN SÉISME PUISSANT MAIS HEUREUSEMENT TRÈS PROFOND

    Nous sommes le jeudi 29 novembre 2007 à 14h59. A l’hôpital Louis Domergue de la ville de la Trinité c’est une journée comme les autres qui se déroule. Le personnel hospitalier, les patients et les visiteurs sont partout dans les étages du bâtiment principal, la tour d’hospitalisation. Personne ne le sait à ce moment-là mais dans une minute cette routine va être bouleversée à jamais par un puissant séisme.

    Un séisme d’une magnitude 7.4 se déclenche en effet ce jeudi 29 novembre 2007 à 19 h 00 T.U. soit 15 h 00 heure locale. La secousse dure une cinquantaine de secondes. Selon l’observatoire volcanologique et sismologique de Martinique qui le confirmera après, l’épicentre est localisé à 25 km au nord de la Martinique (latitude 15° 03’ nord – Longitude 61° 03’ ouest) plus précisément dans le canal de la Dominique. Ce séisme d’origine tectonique se produit le long de la zone de subduction des Caraïbes où la plaque Amérique s’enfonce vers l’Ouest sud-ouest sous la plaque Caraïbes à une vitesse d’environ 2 cm / an. En raison de la profondeur de l’hypocentre (foyer) environ 150 km, le choc principal est ressenti sur un rayon supérieur à 500 kilomètres environ ; à Porto Rico à l’ouest, au Venezuela et au Surinam au sud, en Colombie, au Brésil, aux îles Vierges etc… Mais grâce à la profondeur du foyer, les effets sont heureusement atténués en surface.

    Localisation du séisme du 29 novembre 2007
    La Martinique a là une chance inouïe, ce séisme est plus puissant que celui qui frappe Haïti un peu plus de 2 ans plus tard, le 12 janvier 2010 (magnitude 7.2), en faisant entre 220 000 et 230 000 victimes.

    Les effets en surface de l’évènement sismique du 29 novembre 2007 ne sont cependant pas anodins, la secousse est fortement ressentie partout à la Martinique, et elle fait des dégâts.

    Dans le bâtiment principal de l’hôpital de Trinité, c’est la panique. Le bâtiment est fortement secoué, les ascenseurs se coincent. Les personnes valides évacuent le bâtiment par les cages d’escalier dans une panique indescriptible, laissant derrière elles les malades alités. La secousse passée, une partie du personnel aidée ultérieurement par les pompiers décide néanmoins de remonter dans les étages pour procéder à l’évacuation des 90 patients encore dans la tour. Ces évacuations sont conduites par les cages d’escalier, les ascenseurs étant hors d’usage. Les répliques sont toujours la crainte majeure des individus qui viennent de subir le traumatisme d’un séisme. Plusieurs soignants resteront marqués à vie, certains ne remettront jamais les pieds dans le bâtiment après ce jeudi 29 novembre 2007. Des docteurs partiront même de la Martinique ce qui dégrade l’offre de soin de cet établissement déjà en difficulté.

    A l’échelle de la Martinique, ce puissant séisme causera la mort par crise cardiaque d’une personne. Quelques blessés légers sont à signaler notamment causés par des défenestrations.

    POUR SAUVER LE BÂTIMENT DE L’HOPITAL, IL FAUT « L’AMPUTER » ET LUI METTRE DES « ATELES »

    Les dégâts au bâtiment principal de l’hôpital Louis Domergue sont importants.  Construit en 1974 le bâtiment se compose de 3 blocs séparés par des joints de dilatation. A cette époque l’application des règles parasismiques dites PS 69 n’était pas obligatoire. Ce n’est qu’après 1975 que l’on voit ces règles de construction parasismiques être appliquées plus couramment à la Martinique.

    La tour d’hospitalisation avant le séisme

    La « tour d’hospitalisation du centre hospitalier Louis Domergue se compose de 3 blocs :

    • Bloc B : 26.5 m x15.5 m, de type R+8 dont un étage partiel en toiture – hauteur totale 28.6 m.
    • Bloc C : 26.5 m x15.5 m, de type R+7 – hauteur de 24.5 m.

    La structure des blocs B et C est de type poteaux-poutre en béton armé dans le sens longitudinal. Dans le sens transversal, les blocs comportent des voiles en béton armé.

    Un troisième bloc (tour A, R+9) abrite des ascenseurs, un monte-charge et les escaliers ; il comporte des voiles en béton armé de 15 cm et des dalles de 23 cm d’épaisseur.

    Le séisme du 29 novembre 2007 n’est pas le premier séisme significatif que ce bâtiment a dû subir depuis sa construction. Un séisme d’intensité moyenne (magnitude 5,4 sur l’échelle de Richter) était intervenu le 8 juin 1999 ; il n’avait en revanche pas provoqué de dégâts notables. Les effets de ce type de séisme d’intensité moyenne, dont la période de retour est plus faible, sont également pernicieux. S’ils n’engendrent que peu de dommages visibles, ils ont un effet de fatigue sur les structures, augmentant leur fragilité vis-à-vis des séismes suivants.

    Pendant plusieurs mois l’avenir de l’établissement est mis en balance. Une décision de reconstruction est bien in-fine arrêtée, mais il faut encore pouvoir fonctionner dans les bâtiments existants pendant une durée inconnue.

    Pour envisager un renforcement à un coût raisonnable de la tour d’hospitalisation et après l’analyse de l’usage des tours B et C, il a été décidé d’enlever, de « raboter » 4 étages à la tour, tout en poursuivant l’activité aux étages inférieurs et en portant une attention particulière aux conditions de sécurité. Ces travaux en site occupé promettent d’être complexes.

    Plusieurs solutions de renforcement ont été étudiées. Bien que non calculés au séisme les blocs B et C se sont convenablement comportés lors des séismes du 8 juin 1999 et du 29 novembre 2007. La décision étant prise de renforcer les tours B et C, une réflexion commune avec la direction de l’hôpital a permis d’identifier les diverses possibilités de renforcement : réduction de la masse par la déconstruction des trois niveaux et mise en œuvre, par l’extérieur, d’une structure (treillis en charpente métallique) combinée avec une précontrainte verticale au droit des voiles transversaux. Les études ont été menées sous la direction du Professeur Victor Davidovici.

    Les travaux seront finalement réalisés conformément à ce choix technique.

    Travaux de déconstruction partielle en site occupé
    Vue de l’hôpital après travaux

    Depuis la fin des travaux, plusieurs séismes de moyenne intensité ont concerné la Martinique, sans conséquence pour l’immeuble et d’ailleurs personne n’est réellement intéressé à la réalisation d’un « test de terrain » au travers de l’expérience traumatisante d’un séisme majeur.

    VERS LA RECONSTRUCTION DE L’HOPITAL DE LA TRINITÉ

    Cet établissement hospitalier est depuis longtemps promis à la reconstruction sur un autre site. Ce projet très attendu par la communauté hospitalière fait l’objet d’un soutien affirmé des élus et des populations concernées. Le cadre normatif de la construction parasismique, l’Eurocode 8 « calcul des structures pour leur résistance au séisme » et les techniques de construction parasismique évoluent régulièrement.

    Ces techniques de construction parasismiques sont parfaitement maîtrisées par les entreprises de travaux locales susceptibles de réaliser ce nouvel hôpital.

    Dans ces conditions, nul doute que le prochain « hôpital de La Trinité » sera reconstruit pour éviter que les soignants, patients et visiteurs revivent un jour l’expérience traumatisante vécue par les personnes présentes à l’hôpital Louis Domergue le 29 novembre 2007 à 15h00.

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