Depuis janvier 2025, le guide V3 du CSTB sur la mise en œuvre des douches accessibles « zéro ressaut » est devenu la référence technique en travaux neufs. Pensé pour accompagner l’application de l’arrêté du 11 septembre 2020, ce document de la DHUP clarifie non seulement les exigences réglementaires mais aussi les solutions concrètes à mettre en œuvre selon les configurations. Dans la pratique, les professionnels sont confrontés à des contraintes multiples : type de plancher, choix du revêtement, respect des pentes, acoustique, coordination des corps d’état… Pour répondre à ces enjeux, ce second article propose un décryptage technique approfondi des trois solutions reconnues par le guide et des conditions de leur bonne mise en œuvre.
—
Trois solutions techniques, trois logiques de mise en œuvre
Dans les salles d’eau à usage individuel, la douche zéro ressaut peut se concrétiser selon trois approches distinctes. Chacune a ses propriétés, ses contraintes, et un niveau de maturité technique différent.
1. La douche maçonnée : C’est la solution « artisanale » par excellence, entièrement réalisée sur chantier. Elle repose sur une chape pentée couplée à un revêtement de sol (carrelage ou PVC), avec un dispositif d’évacuation intégré. L’étanchéité est assurée par un système sous Avis Technique. Cette solution offre une grande flexibilité, mais demande une réservation adaptée et une exécution rigoureuse.
2. Le receveur prêt à revêtir : Il s’agit de panneaux rigides avec pente préformée, recouverts d’une couche étanche, prêts à recevoir du carrelage. Ils intègrent un siphon ou caniveau. Cette solution industrielle simplifie le travail sur chantier, mais sa compatibilité avec l’acoustique et les sous-couches reste limitée. De plus, les AT disponibles ne couvrent pas toutes les configurations (notamment les douches ouvertes avec SCAM).
3. Le receveur fini zéro ressaut : Produit préfabriqué en usine, il est installé avec bonde et pente intégrées. Il présente l’avantage d’une pose rapide et sécurisée, à condition d’assurer un raccord étanche parfaitement maîtrisé. Un système fermé (receveur + bande d’étanchéité + colle + carrelage) validé par ATEx est requis dans les configurations les plus sensibles. Le moindre écart dimensionnel peut compromettre la continuité altimétrique, d’où la nécessité d’une anticipation millimétrée.
Comparatif technique : avantages, limites, éligibilité
Si toutes les solutions peuvent répondre aux exigences d’accessibilité, elles n’offrent pas les mêmes garanties en termes de confort d’usage, de durabilité ou de facilité de mise en œuvre. Le guide les distingue également selon leur éligibilité technique.
Douche maçonnée :
- ✓ Compatible avec toutes les configurations (ouverte ou fermée)
- ✓ Adaptable à tous types de planchers
- ✗ Exige une coordination précise (chape, siphon, étanchéité, revêtement)
- ✗ Points singuliers nombreux à traiter (raccord sol/mur, siphon/SCAM)
Receveur à revêtir :
- ✓ Pose simplifiée, réduction des erreurs de pente
- ✓ Bon compromis esthétique et technique
- ✗ Solutions validées uniquement en cloisonné à ce jour
- ✗ Peu compatible avec les sous-couches acoustiques en douche ouverte
Receveur fini :
- ✓ Mise en œuvre rapide, peu de réservations nécessaires
- ✓ Garantie de pente et d’écoulement optimale
- ✗ Raccords exigeants avec le carrelage et l’étanchéité
- ✗ Forte dépendance aux produits de la gamme (système fermé)
Le guide souligne que certaines solutions, bien que déployées sur le terrain, ne bénéficient pas encore d’évaluation technique. Dans ces cas, la responsabilité du maître d’ouvrage est engagée.
Mise en œuvre : les points de vigilance techniques
La réussite d’une douche zéro ressaut ne se joue pas uniquement sur le choix de la solution. Plusieurs détails d’exécution peuvent compromettre la conformité si mal anticipés.
Position du siphon : Il doit être placé à proximité des murs et de la gaine technique pour limiter les réservations et assurer un écoulement efficace. Dans les planchers minces, un siphon compact est préférable.
Pente et planimétrie : La pente doit être uniforme (au moins 1 %) et couvrir soit toute la salle d’eau (zone ouverte), soit la zone de douche uniquement (cloisonné). Des décalages de niveaux peuvent être admis si prévus avec un joint de fractionnement. Référence : NF DTU 26.2.
Raccords d’étanchéité : Chaque jonction (sol/mur, siphon/revêtement, receveur/pièce) doit être traitée avec un système validé. Les règles d’exécution doivent suivre les prescriptions des NF DTU 43.5 ou 43.6 (étanchéité liquide ou complexe). Une bande d’étanchéité flexible est recommandée, notamment en pose flottante sur SCAM.
Acoustique : Dans les logements collectifs, l’isolation aux bruits d’impact impose souvent une SCAM sur toute la pièce. Le siphon doit alors être découplé acoustiquement (corps/rehausse), selon les principes définis dans l’arrêté du 30 juin 1999.
Coordination inter-lots : Une fiche de préparation précise est indispensable : références exactes des receveurs, épaisseur de carrelage, type de mortier-colle (NF DTU 52.2), plan de calepinage, points d’arrêt de l’étanchéité. Tout écart peut compromettre la hauteur finale et créer un ressaut involontaire.
Revêtements : Les sols doivent être conformes à la norme NF P 05-011 (glissance pieds nus, PN12 minimum). Les carrelages collés relèvent du NF DTU 52.2, les sols PVC de la norme NF DTU 53.12.
Cas fréquents de défaillance ou de mauvaise anticipation
Les erreurs observées sur le terrain ne sont pas toujours spectaculaires, mais elles suffisent souvent à remettre en cause la conformité de l’installation.
Mauvais calepinage du siphon : En cas de plancher trop mince ou de mauvaise réservation, le siphon ne peut pas être encastré correctement. Cela oblige à une reprise de dalle ou à une surépaisseur non prévue.
Incompatibilité de produits : L’utilisation d’une bande d’étanchéité non adaptée au receveur peut provoquer des infiltrations. Le choix des produits doit être homogène et validé par un AT/ATEx.
Ressaut à la jonction receveur/carrelage : Un mauvais contrôle de l’altimétrie (carrelage trop épais, colle mal dosée) peut annuler le caractère « zéro ressaut ». Il est alors nécessaire de déposer et de reprendre l’ensemble.
Absence de SCAM alors qu’elle est exigée : L’oublier ou la poser uniquement en partie peut entraîner un rejet au contrôle acoustique, voire des dégradations à moyen terme.
Pour une présentation complète des obligations réglementaires, des configurations possibles et des principes généraux de la douche zéro ressaut, vous pouvez consulter : Douches zéro ressaut : le guide 2025 détaille les règles à respecter en construction neuve
Enjeux spécifiques en Outre-mer
Dans les territoires ultramarins, certaines contraintes renforcent la nécessité d’une planification rigoureuse. Le guide, bien que national, est également conçu pour tenir compte de ces réalités.
Supports fragiles ou minces : En économie de matière, les planchers préfabriqués légers sont fréquents. L’encastrement du siphon peut s’avérer complexe sans précaution dès la phase gros œuvre.
Climat humide : Les risques de décollement de revêtement ou d’infiltration sont accrus. Le choix de systèmes sous ATEx devient ici un levier de sécurité technique.
Bruits d’impact amplifiés par les structures légères : La SCAM n’est pas un luxe mais une mesure de base. Il faut l’intégrer à toute planification même sur des surfaces modestes.
Coordination inter-métiers parfois fragmentée : En habitat social ou diffus, les lots techniques sont parfois réalisés par des opérateurs distincts sans réunion de synthèse. Il est recommandé de fournir des fiches de référence chantier avec des coupes type et une répartition claire des responsabilités.
Le guide 2025 ne se limite pas à une lecture normative. Il constitue un cadre exigeant mais adapté à la réalité des chantiers. Les solutions techniques existent. Ce sont leur maîtrise, leur compatibilité et leur exécution coordonnée qui font la différence.