GUYANE. Comment lutter contre l’habitat indigne ? Cadre réglementaire et procédures concrètes

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logement indigne Guyane

En Guyane, plusieurs milliers de logements sont aujourd’hui encore impropres à l’habitation. Ces situations ne sont pas seulement des problèmes de confort : elles relèvent d’enjeux sanitaires, sociaux et juridiques majeurs. Pour y répondre, les pouvoirs publics ont conçu en 2024 un guide complet de lutte contre l’habitat indigne. Cet article en propose une lecture claire et utile, à travers deux axes : d’une part, comprendre les fondements et les outils institutionnels ; d’autre part, savoir comment agir concrètement selon les situations rencontrées sur le terrain.

Habitat indigne en Guyane : un enjeu sanitaire et social majeur

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En Guyane, le mal-logement ne se résume pas à une problématique marginale. C’est une question centrale de politique publique, qui touche en profondeur la structuration urbaine et sociale du territoire. Selon un recensement de la DEAL réalisé en 2014, on comptait plus de 8 800 logements insalubres, dont près de 4 500 en insalubrité irrémédiable.

Le phénomène s’est depuis accentué dans certaines zones, en particulier dans les quartiers informels en périphérie de Cayenne, Saint-Laurent ou Maripasoula. Le guide indique que 15 % de ces habitats relèvent même de la catégorie de bidonville.

Les causes sont multiples : urbanisation rapide, foncier non viabilisé, coûts du matériel et du logement, difficultés d’accès au logement social... Les conséquences, elles, sont bien identifiées : atteintes à la santé, insécurité, exclusion sociale et blocage des parcours d’insertion.

Une définition encadrée par la loi

Le concept d’habitat indigne est juridiquement défini par la loi du 31 mai 1990 comme tout local impropre par nature à l’habitation, ou dont l’état fait courir des risques manifestes à la santé ou à la sécurité de ses occupants. Cette définition a été complétée par la loi ELAN de 2018, qui a clarifié les différents types de polices administratives et renforcé les pouvoirs du maire et du préfet.

En Guyane et dans les autres départements d’outre-mer, la loi Letchimy (2011) introduit des dispositifs spécifiques, notamment la création d’observatoires locaux de l’habitat indigne, des aides à la rénovation ciblées (OGRAL) et des opérations publiques lourdes de réhabilitation ou de relogement (RHI, RHS).

Le guide rappelle que la qualification juridique du logement (non-décence, insalubrité, péril) détermine les compétences mobilisables et les voies de traitement. C’est pourquoi la précision du diagnostic est essentielle.

Un dispositif structué pour répondre à l’urgence habitat

La Guyane dispose depuis 2019 d’un Pôle Départemental de Lutte contre l’Habitat Indigne (PDLHI), présidé par le préfet, et coanimé par la DGCOPOP, la DGTM et l’ARS. Ce pôle coordonne les actions des collectivités, des services d’État, de la CAF, de l’ADIL, des CCAS et d’autres partenaires.

Dans ce cadre, plusieurs plans intercommunaux ont été engagés. Le plus avancé est celui de la CACL (Communauté d’Agglomération du Centre Littoral), dont le PILHI 2024–2029 prévoit d’intervenir sur 22 secteurs prioritaires, avec des opérations de type OPAH, MOUS, et RHI. Les études sont en cours pour le PILHI de la CCOG (Ouest) et un marché d’étude est prévu pour la CCDS (Savanes).

L’échelle intercommunale permet une mutualisation des moyens techniques et juridiques. Elle offre aussi une meilleure visibilité sur l’ensemble des quartiers touchés par le mal-logement, facilitant ainsi les programmations pluriannuelles.

Les outils mobilisables sur le terrain

Le guide identifie plusieurs outils de traitement selon le degré de dégradation :

  • OPAH et OPAH-RU pour la réhabilitation des logements individuels ou en quartiers denses ;
  • OGRAL pour les situations d’urgence dans des secteurs à régulariser ;
  • RHI/RHS pour la restructuration lourde de quartiers insalubres ou spontanés ;
  • PDALHPD 2019–2024, en voie de renouvellement pour 2025, pour coordonner l’accès au logement des publics défavorisés.

Autre nouveauté importante : la plateforme Histologe, outil numérique national de signalement. Elle permet de centraliser les alertes, de les orienter vers les bons services, et de suivre le traitement des dossiers. Son déploiement progressif est prévu sur le territoire guyanais courant 2024–2025.


 

Que faire face à un logement dégradé ? Mode d’emploi pratique

Lorsqu’un logement présente des signes de dégradation, le type de désordre observé détermine la marche à suivre. Le guide en distingue quatre :

  1. non-décence
  2. non-respect des règles sanitaires
  3. insalubrité et péril.

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Chaque cas nécessite l’intervention d’acteurs spécifiques et une réponse adaptée à la gravité constatée.

Cas de non-décence (logement loué non conforme)

Un logement est considéré comme non décent s’il ne respecte pas les normes minimales de confort, de surface, d’équipements ou de performance énergétique. Cela peut concerner, par exemple, un appartement dépourvu de chauffage, présentant une installation électrique vétuste, ou encore un logement sans accès à l’eau potable.

Prenons le cas d’un locataire dans une maison à Rémire-Montjoly : l’unique salle d’eau est inutilisable depuis plusieurs mois en raison d’une fuite importante non réparée, malgré des relances.

Ce type de situation relève clairement de la non-décence. Le locataire doit d’abord adresser une lettre recommandée à son propriétaire pour exiger la réalisation des travaux. En cas de refus ou d’inaction, il peut se tourner vers l’ADIL pour être conseillé, informer la CAF (s’il perçoit des aides au logement), ou saisir le tribunal compétent.

Depuis la loi Climat et Résilience, la performance énergétique est devenue un critère de décence : à partir de 2028, un logement classé G au DPE (diagnostic de performance énergétique) ne sera plus considéré comme décent. Par exemple, un studio sous les toits à Cayenne, mal isolé, affichant une consommation énergétique excessive, pourra faire l’objet d’un signalement, même s’il semble en bon état visuel.

Cas de non-respect des règles sanitaires d’hygiène et de salubrité

Ce type de situation concerne les logements dont l’état compromet les conditions sanitaires de base : présence de moisissures, défaut d’aération, infestations de nuisibles (cafards, rats), eaux usées stagnantes, etc.

À Matoury, par exemple, une famille installée dans une maison auto-construite signale une invasion persistante de punaises de lit aggravée par l’humidité constante dans les chambres. Le maire peut être saisi en priorité : il mandate une visite et, si nécessaire, adresse une mise en demeure au propriétaire pour effectuer les travaux nécessaires.

Le décret de 2023, qui harmonise désormais les règles sanitaires à l’échelle nationale, facilite ce type de constat. Si le propriétaire ne réagit pas ou nie la réalité des désordres, la commune peut appliquer des sanctions, et la CAF peut suspendre les aides si la non-conformité est avérée. Ces infractions peuvent aussi être portées devant un juge de proximité ou devant le tribunal administratif, selon le contexte.

Cas d’insalubrité ou de péril (danger grave)

L’insalubrité est constatée lorsqu’un logement présente un danger direct pour la santé des occupants. Cela peut inclure, par exemple, une habitation construite sur une zone inondable, sans assainissement, ou un immeuble dont les fondations sont endommagées, menaçant l’effondrement partiel. À Saint-Laurent-du-Maroni, plusieurs signalements ont concerné des logements en bois reposant sur des pilotis rongés par l’humidité, avec des planchers déformés et instables.

Dans ces cas, l’ARS est saisie pour effectuer un constat. Si le danger est confirmé, le préfet prend un arrêté d’insalubrité, remédiable ou non. Des mesures peuvent alors s’imposer : interdiction d’habiter, relogement à la charge du propriétaire, suspension des loyers, voire démolition encadrée.

La procédure implique aussi l’avis du CODERST (Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques), garant d’une évaluation technique impartiale.

Le péril, quant à lui, vise des situations d’effondrement ou de danger structurel imminent. Un exemple typique : un immeuble ancien à Cayenne dont la toiture s’est partiellement effondrée après des intempéries, laissant les occupants exposés.

Dans ce cas, le maire peut enclencher une procédure de péril imminent, ordonner l’évacuation, puis, en cas d’inaction du propriétaire, faire réaliser les travaux d’office avec mise en recouvrement des frais. Une astreinte journalière peut également être appliquée jusqu’à exécution des travaux.

Dans tous ces cas, la réactivité des autorités locales et la clarté des procédures prévues dans le guide sont essentielles pour protéger efficacement les habitants concernés.


 

Tableau pratique : qui fait quoi selon le type de désordre ?

 

Type de désordre Premier réflexe Acteurs compétents Suites possibles
Non-décence Lettre au propriétaire, contacter ADIL ADIL, CAF, CDC, juge judiciaire Conciliation via CDC, suspension APL, travaux, réduction de loyer
Règles sanitaires non respectées Signalement au maire Mairie, ADIL, procureur Mise en demeure, amende, contravention, signalement à la CAF
Insalubrité Saisine de l’ARS ARS, préfet, CODERST Arrêté préfectoral, relogement, travaux d’office, astreinte
Péril Signalement à la mairie Maire, DGTM, CODERST Arrêté de péril (ordinaire ou urgent), travaux, expulsion, astreinte

 


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GUIDE DE LUTTE CONTRE L’HABITAT INDIGNE EN GUYANE

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Coordonnées utiles et ressources locales


 

La Guyane dispose aujourd’hui d’une boîte à outils complète pour lutter contre l’habitat indigne, mais la mise en œuvre repose sur une coordination fine entre acteurs, une bonne connaissance des procédures, et la mobilisation des outils comme Histologe ou les plans intercommunaux. Le guide 2024 constitue à ce titre une référence utile pour passer à l’action sur le terrain.

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