GUYANE. Confort thermique et construction scolaire : ce que révèle le projet Lékol Lojik

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confort thermique école Guyane

Dans un territoire où la croissance démographique se conjugue à une crise persistante des infrastructures scolaires, la construction d’écoles en Guyane s’est intensifiée au fil des dernières années. Pourtant, derrière les chiffres encourageants de nouveaux bâtiments livrés, se cachent des réalités moins visibles : surchauffe des classes, inconfort acoustique, consommation énergétique élevée, usage inadéquat des dispositifs techniques.

C’est dans ce contexte que le projet Lékol Lojik a vu le jour. Lauréat de l’appel à projet OMBREE, il propose une grille d’analyse et des outils simples à destination des communes, pour les aider à programmer, suivre et réussir la construction d’écoles bioclimatiques, adaptées aux conditions guyanaises.

Le premier livrable de cette démarche livre un état des lieux précis de quinze établissements scolaires du 1er degré, situés sur le littoral de Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni.

Méthodologie : 15 écoles passées au crible

Les 15 écoles analysées, réparties sur 8 communes, couvrent un large éventail de typologies : 7 ont moins de dix ans, 4 entre dix et cinquante, et quatre autres ont plus d’un demi-siècle. Certaines ont fait l’objet de rénovations partielles, souvent limitées à la toiture. Toutes ont été explorées selon une double grille d’analyse qualitative et quantitative.

Le dispositif d’enquête s’est appuyé sur des visites techniques, des entretiens avec les maîtres d’œuvre, ainsi que des questionnaires adressés aux chefs d’établissement, personnels enseignants et agents techniques. 3 axes structurent la lecture des résultats :

  • les caractéristiques techniques et architecturales,
  • les usages et perceptions sociologiques,
  • et les conditions paysagères du site.

Constats clés : là où ça coince (et pourquoi)

Le premier élément saillant concerne le confort thermique. Dans les écoles ventilées naturellement, 45 % des usagers interrogés jugent ce confort « mauvais » en saison sèche comme en saison des pluies.

Les raisons sont multiples : orientation des bâtiments non alignée sur les alizés, porosité insuffisante des façades, effet de masque créé par des constructions voisines, ou encore brasseurs d’air sous-dimensionnés ou mal placés.

La climatisation, loin d’apporter une solution systématique, souffre d’un usage peu maîtrisé. Températures de consigne trop basses, absence d’herméticité des bâtiments, fonctionnement en continu même la nuit : autant de pratiques qui alourdissent les charges d’exploitation et nuisent à la qualité de l’air intérieur.

Certaines solutions bioclimatiques, bien que prévues à la conception, se révèlent inopérantes une fois livrées. Ainsi, les protections solaires sont parfois trop petites, les jalousies deviennent défectueuses rapidement, et les toitures légèrement isolées ne suffisent pas à contenir les apports solaires.

Ventilation naturelle en question « Une vitesse d’air de 1 m/s permet de réduire de 4 à 6 °C la température ressentie, à condition que la porosité des façades soit suffisante et bien orientée. Or dans les écoles où le confort est jugé mauvais, la ventilation naturelle est défaillante dans 80 % des cas. » (Source : livrable Lékol Lojik, p.27)

Focus détaillé : l’exemple contrasté de l’école Gaëtan Hermine à Cayenne

Conçue initialement en ventilation naturelle, l’école Gaëtan Hermine a dû être climatisée a posteriori. Située dans une zone urbaine dense, bitumisée et sujette aux îles de chaleur, l’établissement souffrait de fortes surchauffes, notamment en saison sèche. Les locaux, mal orientés, étaient exposés aux apports solaires toute la journée. L’absence de masques végétaux et la faible porosité des façades ont rendu inefficace la ventilation naturelle initialement prévue.

« Dans les salles en rez-de-chaussée, la surchauffe était permanente, malgré la présence de brasseurs d’air. Les enseignants rapportent un usage quotidien de la climatisation même hors présence élèves. » (Annexe école G. Hermine)

Cet exemple illustre comment une intention bioclimatique, mal calibrée ou mal située, peut s’avérer inefficace, voire contre-productive.

Confort global : au-delà de la technique

L’analyse du confort global intègre également des dimensions moins visibles mais déterminantes. Le confort acoustique, par exemple, est dégradé dans les bâtiments ventilés naturellement exposés aux bruits de la ville, ou dans les cantines aux matériaux réverbérants. Les bruits mécaniques des brasseurs ou climatiseurs accentuent cet inconfort.

Les usages observés montrent par ailleurs que la fonctionnalité des espaces est très inégale. Certaines classes sont trop petites pour accueillir le nombre d’élèves, les plafonds sont bas, les espaces communs mal dimensionnés. Le mobilier, les zones de jeux ou les accès véhiculés sont rarement pensés pour le climat équatorial.

Quant à la gestion des déchets ou l’approche paysagère, elles sont encore trop peu considérées. Seules 14 % des écoles triens leurs déchets, et l’emprise végétalisée du site est souvent inférieure à 25 %. Dans ces cas, les cours sont bitumées, les espaces ombragés sont rares, et les élèves évoluent dans des zones de surchauffe persistante.

Enfin, la sécurité face aux nuisibles (chauves-souris, serpents, moustiques) devient un enjeu quotidien pour les personnels, avec des répercussions sur l’usage des locaux et la tranquillité des enseignants.

Des leviers concrets pour mieux construire

Les établissements présentant les meilleurs résultats partagent plusieurs caractéristiques : une orientation soigneusement calée sur les vents dominants, une forte porosité des façades, des protections solaires horizontales et verticales bien dimensionnées, ainsi qu’une emprise végétalisée supérieure à un tiers de la parcelle.

Le projet Lékol Lojik propose de s’appuyer sur ces constats pour définir une grille de recommandations adaptées : capter les alizés, éviter les masques, soigner la conception des toitures, choisir des brasseurs d’air robustes, intégrer les usagers dans la démarche de prise en main du bâti.

Les 5 fondamentaux pour une école confortable en Guyane

  1. Orientation Est/Nord-Est, avec ouverture traversante
  2. Toiture claire, ventilée et bien isolée
  3. Brasseurs d’air silencieux et bien dimensionnés
  4. Emprise végétalisée ≥ 30 % avec ombrage naturel
  5. Formation des usagers aux bons gestes énergétiques

Les fiches de synthèse par école, annexées au livrable, fournissent un matériau précieux pour les programmistes, AMO et maîtrises d’ouvrage locales. Elles peuvent aussi alimenter les formations des acteurs publics, souvent isolés face à la complexité des projets.

 


À consulter

confort thermique école Guyane

Synthèse d’état des lieux du bâti scolaire guyanais du 1er degré – technique & architectural, sociologique, paysager (livrable intermédiaire Lékol Lojik)


 

L’état des lieux réalisé dans le cadre du projet Lékol Lojik montre clairement que la qualité du confort thermique et environnemental des écoles ne peut reposer uniquement sur la technique ou les dispositifs. C’est l’articulation entre conception, site, usage et entretien qui permet d’obtenir des résultats durables. En ce sens, les enseignements tirés de ces 15 écoles offrent un socle robuste pour éviter les erreurs passées et guider les futures constructions scolaires en climat tropical. Un modèle dont pourraient s’inspirer d’autres territoires ultramarins confrontés à des enjeux similaires.

 

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