Le projet de loi de simplification de la vie économique arrive en séance publique à l’Assemblée nationale le 8 avril 2025. S’il propose des mesures ciblées en faveur des entreprises, une modification récente du dispositif Stratégie du Bon Achat (SBA) suscite de fortes inquiétudes dans le secteur du BTP outre-mer. La FEDOM alerte sur les risques de vider ce levier d’impact pour les sous-traitants locaux.
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Une relance attendue pour le BTP ultramarin
Dans les départements et collectivités d’outre-mer, les entreprises du bâtiment peinent à retrouver leur niveau d’activité d’avant les années 2010. L’accumulation de crises – pandémique, inflationniste, logistique – combinée à la baisse de la commande publique, a considérablement affaibli la filière.
À cela s’ajoutent des délais de paiement structurellement longs et une raréfaction des investissements publics.
Le projet de loi de simplification de la vie économique, présenté comme un levier pour alléger les contraintes pesant sur les entreprises, aurait pu représenter un point d’appui pour relancer le secteur.
C’est dans cette optique que la FEDOM a soutenu la réintroduction du dispositif SBA, orienté vers les marchés publics. L’idée : rétablir un cadre permettant aux TPE et PME locales du BTP d’accéder plus efficacement à la commande publique.
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Le SBA, un levier taillé pour les PME locales du bâtiment
La version du dispositif votée au Sénat fin 2024 proposait une réintégration du SBA jusqu’en 2029, dans une forme révisée et mieux calibrée que celle introduite en 2017 dans la loi Égalité réelle outre-mer.
Ce texte prévoyait que, pour les marchés publics dont le montant dépasse 500 000 € HT, l’acheteur pouvait définir une part minimale d’exécution du contrat devant être confiée à des PME locales ou à des artisans locaux.
Inspirée des pratiques déjà admises pour les marchés globaux ou de partenariat, cette formule offrait un équilibre entre liberté contractuelle et orientation stratégique de la commande. Elle respectait également les exigences du droit communautaire.
Ce mécanisme visait directement les chantiers d’envergure dans les territoires ultramarins, où les PME du BTP peinent à accéder aux marchés, non pas tant en raison de leur attribution que de leur exécution réelle.
En fléchant l’activité vers les sous-traitants locaux, cette mesure répondait aux besoins structurels du secteur : maintien de l’emploi, soutien à la trésorerie, activation des circuits courts.
Une réécriture qui inquiète les acteurs du BTP
Mais le 27 mars, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a adopté l’amendement CS1194, contre l’avis du Gouvernement et du rapporteur. Ce texte modifie profondément l’architecture du SBA, en remplaçant la logique d’exécution par une logique d’attribution. Il autorise les acheteurs publics à réserver jusqu’à 30 % de la valeur estimée des marchés, sous les seuils européens, à des microentreprises ou PME dont le siège est situé dans un DCOM au 31 décembre 2024.
En pratique, ce recentrage soulève plusieurs critiques de fond.
D’abord, la FEDOM rappelle que plus d’un tiers des marchés sont déjà attribués à des TPE/PME locales, ce qui rend cette nouvelle version peu opérante. Le véritable enjeu, dans les territoires ultramarins, n’est pas l’attribution théorique des marchés, mais la capacité effective des entreprises locales à participer à leur exécution.
Ensuite, l’exclusion des marchés supérieurs aux seuils européens réduit considérablement le champ d’application. Dans un secteur comme le BTP, où de nombreux appels d’offres dépassent ces seuils, cette restriction prive les entreprises locales d’un levier essentiel.
Par ailleurs, la modification de la notion d’entreprise locale (ancrée dans un territoire) par celle d’entreprise ultramarine (définie par un siège social dans un DCOM à une date donnée) affaiblit l’objectif de développement économique local. Par exemple, une entreprise immatriculée en Guyane pourrait bénéficier de la mesure pour un marché en Guadeloupe, sans lien territorial direct.
En l’état, l’article amendé reprend les limites du dispositif de 2017, qui n’avait été utilisé que par 4 % des acheteurs publics. Faute d’un encadrement clair et sécurisé, les collectivités avaient alors hésité à le mobiliser, en raison des risques juridiques et du flou sur les secteurs éligibles.
D’autres simplifications attendues sur le terrain
Au-delà du SBA, la FEDOM propose plusieurs mesures complémentaires de simplification qui répondent à des blocages concrets rencontrés par les entreprises du BTP.
- La première concerne le recouvrement des cotisations sociales. Le cadre actuel punit lourdement les entreprises même lorsqu’elles acceptent des plans d’apurement. La FEDOM recommande l’instauration, jusqu’en 2026, de plans pouvant aller jusqu’à 60 mois, suspendant automatiquement les pénalités et poursuites dès signature, à l’image de ce qui est déjà en vigueur pour certaines filières comme la banane ou à Mayotte.
- La deuxième mesure cible les délais de paiement excessifs des collectivités publiques. La FEDOM propose d’en faire un motif légal de déclenchement du contrôle budgétaire par la chambre régionale des comptes, afin d’inciter les collectivités à respecter leurs engagements contractuels, et ainsi préserver la trésorerie des prestataires du BTP.
- Troisième point : la défiscalisation. Dans les COM et à Saint-Martin, les délais d’instruction des dossiers d’agrément dépassent parfois deux ans. La FEDOM recommande de formaliser la déconcentration de ces procédures, déjà instruits de fait par les services déconcentrés, pour accélérer le traitement des projets.
Enfin, une évolution du TESE (Titre Emploi Service Entreprise) est souhaitée. L’outil, pourtant adapté aux contrats courts fréquents dans le secteur, est aujourd’hui inutilisable pour les employeurs ayant aussi des salariés permanents, en raison d’un verrou technique. Un assouplissement du dispositif est attendu pour relancer son usage.
À quelques jours de l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale, la FEDOM appelle les parlementaires à revenir à la version initialement adoptée au Sénat du SBA, plus adaptée aux réalités du BTP ultramarin. L’enjeu dépasse la simplification administrative : il s’agit d’un soutien structurel au tissu économique local, en particulier dans les territoires où les entreprises du bâtiment constituent l’un des principaux moteurs de l’emploi.
a la Reunion il se passe exactement le contraire .j’ai déjà attiré l’attention. de certains maîtres d’ouvrages publics à ce propos.le montage des appels d’offres sont fait de sorte que seuls les majors peuvent y répondre.
alors que dans l’intérêt même de la collectivité un intérêt apparent pour la collectivité comme pour les entreprises le partage des lots.il n’y a aucun prétexte de problème de coordination
bien au contraire !!! il y a une mauvaise connaissance des Élus en la matière