France 2030 : des projets concrets pour construire bas carbone

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construction bas carbone
(c)ADEME MAGAZINE - #176 PRINTEMPS 2025

Depuis son lancement en octobre 2021, le plan France 2030 affiche une ambition claire : réconcilier décarbonation de l’économie et réindustrialisation du territoire. Doté de 54 milliards d’euros, ce programme d’investissement massif accorde une place centrale à la transition écologique, notamment via l’ADEME, à qui l’État a confié 7,3 milliards d’euros. Sur ces fonds, 4,5 milliards sont spécialement dédiés à la décarbonation de l’industrie. Objectif : faire émerger des modèles locaux, sobres et réplicables, sans sacrifier ni la compétitivité ni la création d’emplois.

Aujourd’hui, les premiers projets financés livrent des enseignements concrets. Trois d’entre eux, portés respectivement par SILVAÉ, Vestack et Soprema, illustrent comment le secteur du BTP peut changer d’échelle, en conciliant circuits courts, innovation industrielle et efficacité carbone.

SILVAÉ : du tronc à la maison en circuit court

Dans la vallée du Grésivaudan (Isère), SILVAÉ construit une filière bois intégrée, du massif forestier à l’habitat bas carbone. Organisée en SCIC, cette initiative regroupe scieries, artisans, collectivités et habitants autour d’un objectif commun : valoriser les ressources forestières locales dans un rayon de 35 km.

Le projet, soutenu à hauteur de 8,9 millions d’euros par l’ADEME, vise la transformation de 40 000 m³ de bois par an, pour produire jusqu’à 1 200 logements.

La structuration de cette chaîne repose sur deux sites industriels : Goncelin, pour les bois feuillus, et La Mure, spécialisée dans les gros bois. Outre l’aspect environnemental, SILVAÉ agit sur le plan social (centre de formation, engagement de création de 12 emplois) et économique (tarification incitative pour les communes, filiale de construction AtticorA).

Le modèle coopératif s’affirme ici comme une réponse robuste aux déficits d’équipements ou de rentabilité dans certaines filières bois.

 

Vestack : construire hors-site sans exploser le budget

En Île-de-France, Vestack s’attaque à un autre levier essentiel : la construction hors-site, combinée à une conception numérique avancée. Lauréate de l’appel à projets « Construction et rénovation hors site« , l’entreprise industrialise la fabrication de modules en bois bas carbone, assemblés directement sur les chantiers.

Les gains sont mesurables : émissions de CO2 divisées par trois, délais réduits de moitié, coûts à parité avec le béton traditionnel.

Deux outils logiciels, développés dans le cadre du projet Sycomore, permettent de configurer et modéliser le bâti en amont, jusqu’au moindre détail de production. Le bénéfice ne se limite pas à l’efficacité industrielle : il s’agit aussi d’une stratégie de massification, capable de répondre aux exigences futures de la RE 2028 et RE 2031.

Pour les bailleurs sociaux et les collectivités, cette solution ouvre la voie à des projets vertueux sans surcoûts prohibitifs.

 

RizFlex : isoler avec de la paille, localement et efficacement

Dans un tout autre registre, l’entreprise Soprema a imaginé transformer un déchet agricole non valorisable – la paille de riz – en isolant biosourcé semi-rigide. Le projet RizFlex, soutenu par l’ADEME, vise à installer une unité de production en Camargue, au plus près des rizières. L’Objectif ? Valoriser jusqu’à 15 000 tonnes de paille par an.

Les panneaux produits répondent aux exigences thermiques du bâtiment méditerranéen, avec un bénéfice environnemental à double titre : éviter l’incinération en champ, et réduire l’empreinte carbone des chantiers.

Au-delà de l’innovation technique, c’est une économie circulaire territoriale qui se dessine, au croisement de l’agriculture, du bâtiment et de la transition écologique.

Trois projets, un même cap : autonomie, sobriété, ancrage local

Malgré leurs différences de taille, de secteur ou de technologie, ces trois projets partagent des logiques communes : ancrage territorial fort, sobriété des ressources, circuits courts, et retour sur investissement mesuré en carbone autant qu’en euros. Ils montrent que la décarbonation peut s’opérer sans renoncer à la rentabilité ni à la compétitivité.

Là où France 2030 joue un rôle clé, c’est dans la création d’un cadre de confiance.

En apportant un cofinancement, en s’adossant à une expertise technique solide, l’ADEME rend crédibles des projets parfois jugés trop risqués ou trop innovants pour les circuits financiers classiques. Ce levier public-privé est un catalyseur pour le BTP de demain.

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Outre-mer : un terrain stratégique pour une transition sur-mesure

Si ces projets se déploient aujourd’hui sur le territoire métropolitain, leur logique est pleinement transposable aux territoires d’Outre-mer. Les DROM font face à des enjeux cumulés : exposition accrue aux aléas climatiques, dépendance énergétique, surcoûts logistiques, tension sur les ressources locales, vulnérabilité du foncier. Ces contraintes, structurelles ou conjoncturelles, renforcent la nécessité d’un modèle de construction sobre, localisé et industrialisable.

Plusieurs matériaux ou gisements locaux restent aujourd’hui sous-exploités : la bagasse de canne à sucre (Guadeloupe, Réunion), le bambou et les bois tropicaux (Guyane, Mayotte), ou encore les déchets agricoles (bananeraies, cocotiers). Le développement d’une préfabrication hors-site adaptée aux réalités insulaires permettrait non seulement de réduire les coûts de chantier, mais aussi de stabiliser la qualité des ouvrages et de raccourcir les délais d’exécution, dans un contexte de forte tension sur le logement.

Ces stratégies impliquent toutefois un investissement initial sur la montée en compétence, la structuration de filières, et l’adaptation des normes techniques aux spécificités locales (résistance cyclonique, humidité, corrosion, etc.). Dans ce cadre, les projets comme SILVAÉ, Vestack ou RizFlex fournissent des modèles duplicables : filières intégrées, outils numériques de conception, valorisation des sous-produits.

Leur transposition supposerait un soutien politique ciblé – appels à projets Outre-mer, défiscalisation verte, commande publique exemplaire – mais les fondations techniques sont déjà en place.

 


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ADEME MAGAZINE – Le grand défi de la décarbonation / #176 PRINTEMPS 2025

 


 

France 2030 change déjà le visage du BTP, non pas par des déclarations d’intention, mais par l’émergence de projets ancrés, techniquement solides et économiquement viables. La transition bas carbone ne se résume plus à un coût à absorber. Elle devient un levier de compétitivité, de souveraineté et de relocalisation. Reste à l’étendre, l’accélérer, et surtout, à l’adapter aux spécificités de chaque territoire.

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