La construction repose encore aujourd’hui sur des matériaux emblématiques, mais lourds de conséquences écologiques : le béton et l’acier.
En cause, des émissions de CO2 considérables générées par leur production et leur utilisation excessive. Pourtant, à l’ETH Zurich, une innovation prometteuse pourrait bien changer la donne.
Baptisée « Unfold Form », cette technique novatrice permet de construire des planchers en béton avec jusqu’à 60 % de matériau en moins. Voyons comment ce projet déjà testé en conditions réelles pourrait inspirer tout le secteur.
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Le pari réussi : moins de béton, moins d’acier
Le projet « Unfold Form » repose sur une transformation majeure des techniques de construction.
Le défi initial était clair : comment alléger les structures en béton tout en conservant leur capacité à supporter de lourdes charges ? Les résultats obtenus dépassent les attentes.
Voici les innovations majeures mises en œuvre :
- Optimisation de la structure : Les planchers adoptent une forme en voûte, conçue pour mieux répartir les forces, évitant ainsi l’usage intensif de renforts en acier.
- Matériaux innovants : Le système utilise un coffrage pliable, fabriqué à partir de contreplaqué fin et de charnières textiles résistantes, capables de supporter jusqu’à une tonne de béton tout en restant légers.
- Réduction significative des ressources : Les besoins en béton sont réduits de 60 %, et ceux en acier jusqu’à 90 %. Ces chiffres sont essentiels pour limiter l’empreinte carbone globale de la construction.
- Système réutilisable : Une fois le béton sec, le coffrage peut être replié et réutilisé, réduisant ainsi les déchets de chantier et les coûts d’approvisionnement.
Lotte Scheder-Bieschin, à l’origine de cette innovation, déclare : « Cette approche réduit l’utilisation de matériaux et rend le processus plus respectueux de l’environnement. »
Cette avancée ouvre de nouvelles perspectives pour des projets où l’accès à des ressources de construction conventionnelles est limité, comme dans certaines régions d’Afrique ou d’Asie.
Le système promet de devenir un modèle pour une construction plus responsable et adaptable aux besoins locaux.

Un coffrage inspiré de la nature… et de l’origami
L’idée clé de l’innovation repose sur l’optimisation de la géométrie. Le système « Unfold Form » utilise des lattes de contreplaqué assemblées en zigzag, inspirées des structures naturelles comme les coquillages. Cette conception offre à la fois légèreté et stabilité.
Scheder-Bieschin explique : « J’étais à la recherche d’une solution qui utilise la force par la géométrie, pas seulement pour la structure finale mais aussi pour le coffrage lui-même. »
Voici les caractéristiques essentielles de ce coffrage :
- Pliage actif : Les lattes de contreplaqué, très fines et flexibles, sont déformées lors de leur assemblage, ce qui augmente leur rigidité naturelle.
- Structure nervurée : Des nervures en zigzag renforcent la stabilité en rappelant les motifs présents dans certaines coquilles de mollusques.
- Répartition optimisée des forces : Inspirée de l’origami, cette structure courbée permet une meilleure gestion des contraintes.
- Légèreté et modularité : Le coffrage peut être replié et transporté facilement, ce qui facilite sa réutilisation.
Le processus s’inspire également des principes de l’origami, notamment du pliage en courbes contrôlées. Contrairement au pliage rectiligne, les plis courbes permettent de maintenir une meilleure répartition des forces tout en préservant la légèreté de l’ensemble.
Cette approche assure que le coffrage reste stable sous le poids du béton, tout en pouvant être facilement replié et transporté.
En préparation des tests, Scheder-Bieschin a réalisé plusieurs prototypes en papier avant de passer au contreplaqué. « La transition d’un matériau souple à un matériau rigide a été l’un des plus grands défis », déclare-t-elle.
Pour garantir la flexibilité tout en maintenant la robustesse, elle a utilisé des charnières textiles spécifiques, capables de supporter à la fois des déformations et des contraintes importantes.
Testé et approuvé en conditions réelles
Le projet a fait l’objet de plusieurs tests rigoureux afin de vérifier son efficacité dans des contextes variés.
- Le premier prototype a été installé au Robotic Fabrication Laboratory de l’ETH Zurich, où les chercheurs ont validé les performances mécaniques du coffrage sous différentes charges. Ces tests ont confirmé que la structure pouvait supporter jusqu’à une tonne de béton tout en préservant sa stabilité grâce à la conception nervurée.
- Un second test grandeur nature a été réalisé à Cape Town, en Afrique du Sud, avec la collaboration de l’entreprise NonCrete, spécialisée dans les solutions de construction durable. Le coffrage, transporté dans de simples sacs de surf, a permis de construire un plancher en bio-concrete, un matériau à base de végétation invasive locale. Cette réalisation a démontré que le système pouvait être adapté à des matériaux variés et être réutilisé sans dégradation de ses performances. NonCrete a salué les résultats en soulignant le potentiel de cette technique pour des projets de logement durable dans les régions défavorisées.
Ces différentes expérimentations mettent en évidence la capacité du système à répondre aux contraintes de terrain tout en favorisant une réduction significative des coûts et des ressources.
Cela ouvre la voie à un déploiement plus large, notamment en France, où l’optimisation des ressources locales et la réduction des coûts de construction constituent des enjeux majeurs.
Vers un déploiement global
Fort du succès des premiers prototypes, Scheder-Bieschin prévoit de commercialiser la solution via l’entreprise VAULTED AG.
Le projet inclut aussi des programmes de formation pour que les populations locales puissent fabriquer et utiliser ce coffrage de manière autonome.
Cette approche pourrait transformer les pratiques de construction, notamment dans les régions disposant de ressources limitées.
Avec « Unfold Form », l’ETH Zurich apporte une réponse concrète à la nécessité de réduire l’impact écologique du secteur de la construciton.
Ce projet montre qu’en repensant les méthodes et les matériaux, il est possible de construire de manière plus responsable tout en réduisant les coûts. Une innovation à suivre de près, car elle pourrait bien inspirer d’autres initiatives à travers le monde.
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