– Vivre dignement est un droit, pas un privilège – Pourtant, dans les territoires ultramarins, ce droit semble trop souvent bafoué. Entre logements insalubres, sur-occupation chronique et difficultés d’accès aux services essentiels, la situation est alarmante.
Face à ces réalités, le Conseil national de l’habitat (CNH) a tiré la sonnette d’alarme dans un rapport publié en 2023. Objectif : proposer un véritable plan de rattrapage pour garantir aux ultramarins les mêmes conditions d’habitat que leurs concitoyens de l’Hexagone.
—
Un constat implacable : vivre entre précarité et urgence climatique
La pauvreté touche une part écrasante de la population ultramarine : 8 enfants sur 10 à Mayotte, 6 sur 10 en Guyane. Parallèlement, près de 170 000 logements ne disposent toujours pas d’eau chaude.
Les habitations de fortune, faites de tôles ou de bois, se multiplient, avec un taux de sur-occupation qui atteint 23,1 % contre 5 % en métropole.
Mais ce n’est pas tout. Le changement climatique, avec son lot de tempêtes et d’inondations, menace directement les infrastructures d’habitat.
L’état des lieux dressé par le CNH est sans appel. Ces territoires n’ont pas les outils nécessaires pour faire face à ces défis colossaux. Le moment est venu d’agir.
La boîte à outils de l’habitat : efficace ou en panne ?
Des dispositifs existent, comme la Ligne Budgétaire Unique (LBU), mais ils sont largement insuffisants ou inadaptés. Les aides à la pierre, les subventions de l’Anah et les différents programmes d’aménagement souffrent d’une absence criante de coordination.
Résultat : une lourdeur administrative qui freine les projets de réhabilitation et de construction.
En outre, les besoins locaux sont mal pris en compte.
Par exemple, à Mayotte et en Guyane, où les familles nombreuses sont majoritaires, la demande porte sur des logements de type T5 ou T6. Pourtant, les politiques actuelles continuent de produire des logements standards, souvent inadaptés aux réalités du terrain.
15 propositions pour bâtir un avenir solide
Le rapport avance 15 recommandations pour transformer durablement les politiques de logement. Voici les propositions complètes :
- Création d’une agence dédiée : Cet organisme serait chargé de coordonner les financements et projets entre les différents acteurs publics (Anah, ANRU, Action Logement, etc.) pour accélérer les opérations.
- Accélération de la production de logements très sociaux : L’objectif est d’augmenter la part de logements destinés aux populations les plus modestes.
- Adaptation des stratégies locales : Les politiques doivent être modulées en fonction des particularités de chaque territoire.
- Relance de l’accession sociale à la propriété : Des dispositifs adaptés, comme le Logement Évolutif Social (LES), doivent être mis en place.
- Résorption des bidonvilles : Cela passe par des aménagements fonciers spécifiques et des solutions de relogement.
- Renforcement de l’ingénierie locale : Les collectivités doivent disposer de ressources suffisantes.
- Simplification des procédures administratives : Alléger les délais et les contraintes bureaucratiques est essentiel.
- Soutien au développement des filières locales de construction : Promouvoir les matériaux biosourcés pour réduire les coûts.
- Amélioration de la gestion du foncier : Mettre en place une régulation foncière plus efficace.
- Encouragement à la réhabilitation des centres-villes : Revitaliser les centres anciens avec des aides spécifiques.
- Développement d’une offre de logements pour les jeunes : Adapter l’offre aux besoins des jeunes actifs et familles monoparentales.
- Renforcement de la résilience climatique : Les nouvelles constructions doivent être mieux protégées.
- Amélioration des dispositifs de formation professionnelle : Former davantage d’artisans qualifiés.
- Renforcement de la coopération avec les partenaires privés : Encourager les partenariats publics-privés.
- Suivi et évaluation régulière des politiques : Mettre en place des indicateurs de performance.
Ces propositions, si elles sont appliquées, pourraient amorcer un véritable changement de paradigme.
Quand les réalités locales dictent les solutions
Le rapport insiste sur une territorialisation des politiques d’habitat. Pourquoi ? Parce que chaque territoire présente des contraintes uniques.
- À La Réunion, l’adaptation des logements existants au vieillissement de la population est une priorité. La réhabilitation et l’aménagement d’espaces communs sont des solutions envisagées.
- En Guyane, où la démographie explose, le défi majeur est de construire rapidement des logements durables. Le rapport recommande de s’appuyer sur des projets pilotes utilisant des matériaux locaux pour répondre à la demande croissante.
- Mayotte se distingue par la pratique d’ajouter des étages aux habitations familiales. Cette coutume n’est pas intégrée dans les dispositifs de financement actuels, ce qui freine la modernisation des logements. Le CNH préconise d’adapter les aides et prêts à cette réalité culturelle pour améliorer l’offre de logement.
Construire pour demain : l’innovation au service de l’habitat
La réhabilitation durable et la neutralité carbone sont au cœur des propositions. Le rapport recommande l’intégration de solutions innovantes comme les villages relais ou les dispositifs d’auto-construction encadrée.
Ces initiatives pourraient à la fois revitaliser les centres-villes et répondre aux besoins urgents de décohabitation.
Cependant, des obstacles subsistent. Le coût élevé des matériaux, l’accès difficile au foncier et le manque de main-d’œuvre qualifiée freinent ces ambitions. C’est là que des acteurs comme Action Logement ou CDC Habitat peuvent jouer un rôle clé.
Consulter ici : Pour des politiques de l’habitat plus efficientes dans les Outre-mer (synthèse)
Un défi colossal, mais incontournable
Pour conclure, le Conseil national de l’habitat appelle à une mobilisation générale. La situation actuelle des DROM rappelle celle de la France hexagonale dans les années 1990.
Réduire cet écart nécessite un plan stratégique sur dix ans, soutenu par une volonté politique forte.
La route sera longue, mais les solutions sont sur la table. La question reste : qui aura le courage de les appliquer ?
En lisant cet article, j’ai le sentiment de retrouver ce qui a été écrit il y a 30 ou 40 ans, propositions qui ont connu l’issue que l’on peut mesurer aujourd’hui.
Mais il me semble que l’une des difficultés réside dans le fait que les familles auxquelles s’adressent ces propositions peuvent voir leur situation évoluer considérablement en 30 ou 40 ans ce qui est une excellente chose. Bien des quartiers qualifiés autrefois de bidonvilles ont complètement changé, grâce aux efforts de ceux qui y vivaient et qui y vivent.
Or il me semble que les politiques misent en placent en faveur du logement ne prennent pas toujours en compte les effets d’e l’ascenseur social. Ne faudrait-il pas l’inclure?