Le secteur du bâtiment représente aujourd’hui 25 % de l’empreinte carbone annuelle de la France, soit 153 MtCO2e en 2019. Parmi ces émissions, le carbone incorporé — celui lié aux phases de construction, de rénovation, et de fin de vie — constitue 33 % du total, soit 50 MtCO2e.
Conscientes de ces enjeux, les métropoles de Bordeaux, Lille et Nantes se sont associées au projet européen Dramatically Reducing Embodied Carbon (DREC), piloté par la Carbon Neutral Cities Alliance (CNCA).
Le résultat : un livre blanc proposant une vision stratégique et 25 recommandations pour accélérer la transition.
4 axes stratégiques et 25 recommandations pour réduire le carbone incorporé
Le livre blanc du projet Dramatically Reducing Embodied Carbon (DREC) propose une vision globale pour réduire le carbone incorporé dans les bâtiments. Organisée autour de 4 axes stratégiques, cette vision se décline en 25 recommandations pratiques pour guider les acteurs du bâtiment dans leurs actions. Voici comment ces axes structurent les priorités et actions concrètes à mettre en œuvre.
1. Cultiver une démarche de réduction
L’objectif principal est de réduire l’empreinte carbone des bâtiments sur l’ensemble de leur cycle de vie, en intégrant une approche systématique et planifiée.
- Actions prioritaires :
- Fixer des objectifs chiffrés, alignés sur les accords climatiques et la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), par exemple une réduction de 40 % des émissions de carbone incorporé d’ici 2030.
- Réaliser des bilans carbone systématiques pour chaque projet, en évaluant les impacts depuis la phase de conception jusqu’à la fin de vie.
- Introduire des critères environnementaux dans les documents de planification (Plans Climat, SCOT) pour orienter les projets vers des solutions bas-carbone.
2. Prioriser l’acte de rénover
La rénovation est souvent moins émissive que la construction neuve, tout en permettant de préserver les ressources et de réduire les déchets.
- Actions prioritaires :
- Imposer un audit carbone avant toute démolition, afin de comparer les options entre rénovation, réhabilitation ou démolition/reconstruction.
- Soutenir le réemploi des matériaux, en favorisant leur récupération sur site ou via des filières locales organisées.
- Développer des réglementations spécifiques pour la rénovation bas-carbone, avec des exigences comparables à celles de la RE2020 pour les bâtiments neufs.
- Identifier et prioriser les bâtiments les moins performants à rénover en évaluant les parcs immobiliers existants.
3. Optimiser les modèles constructifs
Pour réduire l’impact environnemental des bâtiments, il est nécessaire de repenser les méthodes de conception et de construction.
- Actions prioritaires :
- Privilégier les matériaux à faible empreinte carbone, comme les matériaux biosourcés (bois, chanvre) ou recyclés.
- Favoriser les approvisionnements locaux pour réduire les émissions liées au transport. Une étude montre qu’un transport de matériaux sur 100 km peut doubler l’empreinte carbone de fabrication.
- Promouvoir la modularité et la préfabrication, qui réduisent les déchets et facilitent le réemploi des éléments en fin de vie.
- Intégrer dès la conception une réflexion sur la déconstruction future pour maximiser le potentiel de réemploi des matériaux.
4. Accompagner le changement
Le succès de la transition bas-carbone repose sur la mobilisation de tous les acteurs de la chaîne de valeur, soutenue par des incitations adaptées.
- Actions prioritaires :
- Former et sensibiliser les professionnels aux nouvelles techniques et aux outils d’évaluation comme l’analyse de cycle de vie (ACV).
- Mettre en place des incitations financières et réglementaires, telles que des subventions conditionnées à l’utilisation de matériaux durables ou des bonus de constructibilité.
- Favoriser les collaborations territoriales pour partager les bonnes pratiques et mutualiser les outils, créant ainsi des dynamiques locales fortes.
Une vision cohérente et actionnable
Cette organisation des 25 recommandations sous les 4 axes stratégiques démontre une complémentarité essentielle : les axes fournissent une vision globale et structurée, tandis que les recommandations apportent des outils pratiques et concrets pour transformer le secteur. En combinant stratégie et action, le livre blanc répond aux défis posés par l’urgence climatique et trace une feuille de route claire pour les collectivités et les professionnels.
Étude de cas : l’engagement des métropoles françaises
Bordeaux Métropole
Dès 2017, Bordeaux a intégré la mesure du poids carbone dans toutes ses opérations, y compris les rénovations. Le recours systématique aux matériaux biosourcés et recyclés dans les bâtiments publics fait partie intégrante de son Plan Climat.
Lille Métropole
Lille a développé un Plan Climat Air Énergie Territorial 2021-2026 qui fixe des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le projet de réhabilitation de Blanchemaille illustre cette ambition, avec une priorité donnée au réemploi de matériaux locaux.
Un appel à l’action collective…
Le livre blanc du projet DREC offre une feuille de route claire pour réduire le carbone incorporé dans le secteur du bâtiment. Les 4 axes stratégiques, associés à des recommandations concrètes, soulignent l’importance d’unir les efforts locaux et nationaux pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Face à l’urgence climatique, ce document se présente comme une invitation à agir, en conjuguant innovation, collaboration et ambition réglementaire.
Consultez le Livre blanc ici.