Reconstruire Mayotte après Chido : une vision globale pour un avenir durable. Rencontre avec Nizar Assanihanaffi

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    « Il faut laisser du temps au temps, mais quand on ne commence pas, on ne finit jamais. »

     

    L’événement Chido a révélé la vulnérabilité de Mayotte face aux catastrophes naturelles et aux défis structurels du territoire. Pour reconstruire durablement, il est essentiel d’adopter une vision globale qui intègre le BTP, l’éducation, la sécurité, l’économie et l’inclusion sociale. Nizar Assanihanaffi, président du comité territorial Action Logement Mayotte et chef d’entreprise, partage son analyse et ses propositions pour un avenir plus résilient.

    À l’occasion des Rencontres territoriales d’Action Logement en Guadeloupe. Remise du 1er prix territorial Mayotte – SOLAR MAMAS, pilote pour l’insertion sociale des femmes et le développement de l’énergie solaire.

    Nizar Assanihanaffi, vous êtes un acteur clé du développement immobilier et économique à Mayotte. Quel bilan tirez-vous de la situation actuelle du BTP après le passage de Chido ?

    Nizar Assanihanaffi : Mayotte a subi un choc majeur avec Chido, qui a mis en lumière la fragilité de nos infrastructures et notre manque de préparation face aux catastrophes naturelles. Tous les secteurs d’activité ont été impactés, et le BTP ne fait pas exception. Cependant, je crois que ce secteur a la capacité de se mobiliser rapidement pour proposer des solutions durables.

    Aujourd’hui, notre principal défi est de ne pas se contenter de reconstruire à l’identique, mais d’envisager une refonte totale de nos infrastructures en intégrant les réalités climatiques et sismiques du territoire. Trop souvent, nous avons adopté des normes venues d’ailleurs, inadaptées à nos spécificités locales. Il est temps de repenser notre manière de bâtir pour garantir des logements et des infrastructures plus résilientes et mieux adaptées à notre contexte insulaire.

    Vous insistez sur l’importance d’une vision globale pour reconstruire Mayotte. Pouvez-vous préciser votre approche ?

    N.A. : Absolument. Il serait une erreur de réduire la reconstruction de Mayotte à une simple question de BTP. Bien sûr, le secteur de la construction est central, mais il doit être pensé en lien avec d’autres priorités stratégiques : l’éducation, la formation professionnelle, la santé, la sécurité, la mobilité, l’environnement et le développement économique. Dans la reconstruction on doit aussi rééquilibrer pour développer d’autres bassins d’emploi en dehors de Mamoudzou.

    Si nous reconstruisons des infrastructures sans plan d’accompagnement pour la formation des jeunes ou sans anticiper les besoins futurs en emploi et en logement, nous créerons un déséquilibre qui aggravera les problèmes sociaux. Il faut donc une stratégie intégrée qui repose sur un développement territorial cohérent et durable. C’est en associant tous ces facteurs que nous pourrons bâtir une Mayotte plus forte.

    Quelle place doit occuper l’innovation dans ce processus de reconstruction ?

    N.A. : L’innovation doit être au cœur de notre démarche. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’intégrer des technologies avancées et des solutions écologiques pour optimiser nos constructions et limiter leur impact environnemental. Cela passe par l’utilisation de matériaux locaux, la mise en place de bâtiments bioclimatiques et la généralisation de l’autosuffisance énergétique.

    Nous devons également digitaliser la gestion du territoire pour mieux planifier et coordonner nos chantiers. Cela permettrait d’accélérer la construction tout en garantissant une meilleure qualité et une durabilité accrue des infrastructures. À Mayotte, nous avons une opportunité unique de combiner tradition et innovation pour répondre aux défis du 21e siècle.

    Vous évoquez souvent la nécessité de sortir de la « logique de résilience ». Que voulez-vous dire par là ?

    N.A. : La résilience est une qualité admirable, mais elle ne doit pas être une fatalité. Trop souvent, on considère que les Mahorais doivent s’adapter en permanence aux crises, comme si cela faisait partie de leur identité. Or, il est temps d’en finir avec cette mentalité. Mayotte ne doit pas être vue comme un territoire à part, toujours en mode survie, mais comme une région française à part entière qui mérite des infrastructures modernes et adaptées.

    Cela implique d’exiger des politiques publiques ambitieuses et des investissements conséquents pour garantir l’équité entre Mayotte et les autres territoires. Il ne s’agit pas de mendier, mais de revendiquer un développement juste et équilibré, basé sur des principes d’équité et non de simple résilience forcée.

    Un dernier mot pour conclure ?

    N.A. : Il est temps d’arrêter de parler et de passer à l’action. La reconstruction de Mayotte est un chantier colossal, mais elle représente aussi une opportunité unique de transformer notre territoire en un modèle de développement durable et inclusif. Comme je le dis souvent : « Il faut laisser du temps au temps, mais quand on ne commence pas, on ne finit jamais. »

    Article : Laurianne NOMEL ET Philippe PIED

     

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