Les dégâts laissés par le cyclone Chido ont mis en lumière des failles majeures dans les constructions de Mayotte. Pour aller au-delà du constat, une étude approfondie a été réalisée afin d’analyser les causes structurelles des effondrements et proposer des solutions concrètes. Conduit par l’agence d’architecture Harappa, en collaboration avec Likoli Dago et soutenu par la Fondation de France, ce rapport identifie les erreurs de conception récurrentes et fournit des recommandations précises pour rendre les bâtiments plus résistants aux futurs cyclones.
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Constat : Destruction massive et vulnérabilités révélées
Selon l’analyse, plus de 60 000 bâtiments ont été endommagés à divers degrés dans 200 villages et quartiers.
La majeure partie des dommages concerne les toitures arrachées, les façades endommagées et les installations de première nécessité. Le réseau électrique aérien, très exposé, a été totalement détruit, retardant le retour à la normale pour les habitants.
En outre, la végétation a subi de lourds dommages sur 200 km², avec l’arrachage d’arbres fruitiers et la destruction de sols agricoles.
Les typologies de bâtiments les plus touchées sont :
- Les habitats précaires et bidonvilles, qui ont été détruits presque entièrement en raison de structures légères et mal ancrées.
- Les constructions en rez-de-chaussée avec toiture en tôle, dont la plupart ont perdu leur couverture sous l’effet des rafales.
- Les bâtiments en étage avec toiture en tôle, particulièrement exposés aux vents en raison de leur hauteur et de la faiblesse de leurs fixations.
En revanche, les constructions avec dalle en béton ont montré une meilleure résistance, bien que certaines aient présenté des infiltrations d’eau et des affaiblissements structurels dus à la force du vent.
Les enseignements techniques : Pourquoi les bâtiments ont-ils cédé ?
L’analyse technique a permis d’identifier les principales failles ayant entraîné la destruction de nombreux ouvrages. Parmi elles, trois facteurs majeurs se dégagent :
Fixations insuffisantes des toitures
Les points de fixation des éléments de couverture se sont avérés défaillants :
- Les faîtières, rives et arêtiers mal ancrés ont laissé s’envoler les premières plaques de tôle, facilitant la propagation du sinistre.
- L’absence de fixations traversantes renforcées a amplifié le phénomène d’arrachement en chaîne.
Mauvaise coordination entre charpente et couverture
De nombreuses charpentes, bien que correctement dimensionnées, n’étaient pas associées à des systèmes de fixation adaptés aux contraintes cycloniques. La liaison entre les charpentes en bois et les couvertures en tôle s’est avérée trop fragile pour supporter des vents extrêmes.
Ancrage superficiel des charpentes aux fondations
Un grand nombre de charpentes ont été fixées avec des attaches superficielles, sans véritable intégration à la structure porteuse du bâtiment. Lorsque la toiture a commencé à se soulever, l’ensemble de la structure a cédé sous l’effet des forces latérales exercées par les rafales de vent.
Recommandations pour une reconstruction plus résiliente
Le rapport met en avant plusieurs recommandations essentielles pour améliorer la résistance des constructions à Mayotte :
- Renforcer les ancrages des charpentes aux chaînages et fondations en utilisant des fixations en acier galvanisé, des ancrages boulonnés et des scellements profonds pour assurer une liaison optimale avec la structure porteuse.
- Optimiser la fixation des toitures :
- Limiter les débords des plaques de tôle à un maximum de 20 cm pour réduire la prise au vent.
- Fixer solidement les bandes de rives et faîtières à l’aide de vis haute résistance et de colliers de fixation renforcés.
- Utiliser des pannes intermédiaires supplémentaires et renforcer la liaison entre couverture et charpente en intégrant des contreventements métalliques.
- Réévaluer la conception des toitures à quatre pentes, particulièrement vulnérables aux cyclones, en favorisant des structures plus compactes et aérodynamiques.
- Former les artisans et entreprises locales aux techniques de construction résilientes face aux cyclones, en mettant l’accent sur l’ancrage des structures et la résistance des matériaux.
- Adopter une réglementation adaptée, incluant des normes constructives plus strictes pour la pose des charpentes et couvertures, en intégrant des obligations de contrôle sur chantier et des certifications pour les artisans intervenant sur les bâtiments exposés aux cyclones.
- Encourager l’utilisation de matériaux alternatifs tels que les composites renforcés et les fixations en acier inoxydable pour limiter la corrosion due au climat tropical humide de Mayotte.
Analyse technique des dégâts du cyclone Chido sur les constructions – Réapprenons à bien construire
Extrait du rapport en cours d’élaboration :
Diagnostic et propositions, Réponses techniques à la suite du passage du cyclone CHIDO à Mayotte, – piloté par l’association LikoliDago, étude soutenue par la Fondation de France
Réapprendre à bien construire
Le cyclone Chido a révélé des failles majeures dans les pratiques constructives à Mayotte. Une reconstruction à l’identique signifierait reproduire les mêmes erreurs et exposer les habitants aux mêmes risques.
Pour éviter cela, il est essentiel d’adopter des normes plus strictes, de mieux coordonner les acteurs du BTP et de renforcer la formation des professionnels.
En intégrant ces recommandations, Mayotte pourra améliorer la résilience de ses bâtiments et limiter les dommages lors des prochains cyclones.