Depuis plusieurs années, le secteur du logement social fait face à une hausse constante des coûts. Dans sa dernière étude Éclairages n°33, la Banque des Territoires analyse cette tendance en s’appuyant sur des données collectées entre janvier 2019 et mai 2024.
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Résultat : le prix de revient moyen d’un logement social a augmenté de 11 % en quatre ans, passant de 2 300 €/m² à 2 550 €/m². Une hausse qui s’accélère depuis 2022, alimentée par la flambée des coûts de construction.
En parallèle, la croissance de l’indice des prix à la consommation (+12 % sur la même période) montre que le logement social subit une pression inflationniste comparable à d’autres secteurs, avec des conséquences directes sur le financement des opérations.
Des écarts marqués selon les territoires
La hausse des coûts n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Le rapport met en évidence de fortes disparités, révélant que certaines zones sont bien plus affectées que d’autres :
- Zone A bis (Paris et proches banlieues) : +24 % en cinq ans, un record lié à la rareté du foncier et à la forte demande.
- Zone A (grandes métropoles et zones tendues) : +10 %, une hausse modérée mais qui pèse sur les projets immobiliers.
- Zone B1 (villes moyennes et zones attractives) : +11 %, reflétant l’augmentation de l’intérêt pour ces marchés secondaires.
- Zone B2 et C (secteurs moins tendus) : +15 % et +11 %, des hausses surprenantes pour des territoires considérés comme plus accessibles.
L’écart entre la zone A bis et les autres zones s’est creusé, compliquant encore davantage l’accès au logement dans ces territoires fortement demandés. Dans ce contexte, la part des logements sociaux produits en Vente en l’État Futur d’Achèvement (VEFA) continue d’augmenter.
Cette tendance est particulièrement marquée en zone tendue, où la VEFA permet de sécuriser la production malgré les contraintes foncières et la hausse des coûts de construction. Les organismes de logement doivent ainsi adapter leurs stratégies pour faire face à ces nouvelles réalités du marché.
La construction, principal moteur de l’inflation
Le rapport montre que les coûts de construction ont progressé de 22 % entre 2019 et 2023, une augmentation bien supérieure à l’inflation générale. Cette hausse repose sur plusieurs facteurs qui pèsent différemment selon les territoires et les types de projets.
Dans le détail, les postes les plus impactés sont :
- Travaux de construction : +22 % en quatre ans, fortement influencés par l’augmentation des coûts des matériaux, notamment le bois, l’acier et le béton, ainsi que par la revalorisation des salaires dans le secteur du BTP.
- Foncier : une hausse plus modérée, bien que très variable selon les régions. En zones tendues, l’envolée des prix du foncier limite la capacité des bailleurs à développer de nouveaux projets.
- Autres charges (assurances, taxes, honoraires, révisions de prix…) : +10 % en 2023, notamment en raison de l’indexation automatique des contrats et de la hausse des coûts administratifs liés aux nouvelles réglementations.
Face à cette inflation, de nombreuses opérations ont dû être reportées, voire abandonnées, faute de financements suffisants.
Pour contenir cette tendance, certains bailleurs sociaux privilégient désormais des conceptions plus sobres, favorisant l’optimisation des matériaux et des techniques constructives.
Toutefois, l’intégration des nouvelles normes environnementales ajoute une contrainte supplémentaire, augmentant encore la pression financière et complexifiant la viabilité économique des projets.
Un effet retard dans la répercussion des coûts
Le rapport souligne que l’impact de l’inflation sur les prix de revient pourrait encore s’intensifier. En effet, les prêts signés en 2023 concernent des agréments de 2021 ou 2022, avant que la hausse des coûts ne se fasse pleinement sentir.
Ce décalage peut masquer des hausses futures. Les tensions inflationnistes ne se sont peut-être pas encore pleinement propagées aux coûts finaux, ce qui laisse craindre de nouveaux ajustements à venir sur le financement des opérations.
ZAN, RE 2020 : de nouvelles contraintes en vue ?
Outre la hausse des coûts, le logement social doit composer avec des évolutions réglementaires majeures qui influencent directement les stratégies de construction et d’aménagement.
- Le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) réduit l’accès au foncier en limitant les possibilités de construction sur des terrains non urbanisés. Cette raréfaction contraint les acteurs du secteur à privilégier la densification et la réhabilitation du bâti existant, un défi nécessitant des investissements lourds et une refonte des approches architecturales.
- En parallèle, la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020) impose des standards plus exigeants en matière de performance énergétique et de réduction des émissions carbone. Ces exigences engendrent une hausse des coûts estimée entre 5 et 8 % à court terme, avec une projection pouvant atteindre 15 % à long terme. L’utilisation accrue de matériaux biosourcés et les innovations en matière d’isolation et de chauffage deviennent incontournables, mais leur mise en œuvre représente un défi financier pour les bailleurs sociaux.
Ces contraintes impliquent une transformation structurelle du secteur, nécessitant des financements adaptés et une meilleure anticipation des mutations réglementaires.
Un plan de soutien pour amortir le choc
Face à ces difficultés, plusieurs mesures ont été mises en place pour éviter un ralentissement du marché du logement social.
En 2023, Action Logement et CDC Habitat ont acquis 47 000 logements afin de sécuriser la production et limiter l’impact de l’inflation sur les opérations en cours.
Parallèlement, un objectif de 75 000 logements intermédiaires d’ici 2026 a été fixé, avec une priorité donnée aux zones les plus tendues. Ces logements, destinés aux ménages dépassant les plafonds du logement social mais aux revenus insuffisants pour le marché privé, visent à atténuer la pression immobilière.
Pour soutenir ces initiatives, 3,1 milliards d’euros de prêts ont été mobilisés en 2024. Ce financement doit assurer la continuité des projets et stabiliser le secteur dans un contexte économique difficile.
L’objectif est clair : maintenir une offre abordable tout en s’adaptant aux nouvelles contraintes réglementaires.
Vers un modèle à adapter
Les conclusions du rapport sont claires : le logement social fait face à une augmentation durable de ses coûts. Entre tensions inflationnistes, hausse des coûts de construction et nouvelles réglementations, les acteurs du secteur doivent trouver des solutions pour maintenir la production tout en assurant la viabilité économique des projets.
L’avenir du logement social passera par une adaptation des modèles de financement, une optimisation des coûts et un soutien renforcé des pouvoirs publics.