Récemment, l’ADEME a publié une étude approfondie « Vers l’autonomie énergétique en zone non interconnectée (ZNI) à la Martinique à l’horizon 2050« , visant à explorer la transition énergétique de la Martinique.
Ce rapport identifie quatre scénarios possibles pour atteindre un mix électrique 100 % renouvelable, tout en évaluant les besoins techniques, organisationnels et économiques.
Avec une consommation énergétique prévue de 1 210 GWh en 2050, dont 40 % attribués aux véhicules électriques, cette étude met en avant les solutions locales et les investissements nécessaires pour garantir l’autonomie énergétique de ce territoire insulaire.
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Pourquoi viser un mix 100 % renouvelable en Martinique ?
La Martinique, comme les autres ZNI, reste fortement dépendante des énergies fossiles pour produire son électricité. En 2020, cette dépendance représentait encore une part majoritaire du mix énergétique, générant des émissions de CO₂ élevées et des coûts d’importation significatifs.
La transition vers un mix renouvelable vise à réduire ces impacts environnementaux et économiques tout en renforçant la sécurité énergétique locale.
En outre, l’insularité de la Martinique la rend particulièrement vulnérable aux aléas climatiques, comme les cyclones et les périodes de fortes chaleurs. Ces événements amplifient la pression sur les infrastructures énergétiques existantes, soulignant la nécessité d’un système énergétique plus résilient.
La transition énergétique représente ainsi une opportunité de répondre à ces enjeux tout en soutenant les objectifs nationaux de neutralité carbone fixés pour 2050.
Scénarios envisagés pour 2050
Le rapport de l’ADEME explore quatre scénarios principaux, chacun adapté aux particularités de la Martinique :
1. 100 % ENR – Potentiels favorables
Ce scénario repose sur les ressources renouvelables les plus accessibles, principalement le photovoltaïque et la biomasse. Avec 497 MW de capacité installée en photovoltaïque, ce scénario vise une exploitation rapide des surfaces disponibles pour des installations au sol et sur toiture. La biomasse, contribuant à hauteur de 51 GWh/an, proviendrait de résidus agricoles et de déchets verts locaux, offrant une source stable d’énergie.
Ce scénario est adapté pour un déploiement rapide avec des coûts modérés, mais il repose fortement sur des énergies variables comme le solaire, ce qui pourrait poser des défis pour garantir la stabilité du réseau. Il nécessite également une intégration efficace des systèmes de stockage d’énergie pour gérer
2. 100 % ENR – Potentiels élargis :
En allant au-delà des potentiels les plus accessibles, ce scénario inclut des sources d’énergie plus complexes à mobiliser, telles que la géothermie et l’éolien offshore. La géothermie, avec un potentiel de 60 MW, exploiterait les ressources volcaniques de la Martinique, offrant une énergie constante et décarbonée. L’éolien offshore, estimé à 128 MW, tirerait parti des vents marins réguliers autour de l’île.
Ce scénario diversifie le mix énergétique et réduit la dépendance aux sources intermittentes. Cependant, il nécessite des investissements plus conséquents, notamment pour les infrastructures offshore et les forages géothermiques. La coordination entre acteurs publics et privés sera essentielle pour surmonter les défis techniques et financiers.
3. Autonomie – Potentiels élargis :
L’objectif de ce scénario est de garantir une autonomie énergétique complète en intégrant un stockage massif. Avec des besoins en stockage évalués à 1 394 MWh, il mise sur des batteries à haute capacité et des STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) pour absorber les pics de production et répondre aux périodes de forte demande.
En plus des ressources incluses dans le scénario précédent, ce modèle prévoit un renforcement important des infrastructures de distribution pour répondre aux exigences d’un système 100 % autonome. Les coûts associés, bien qu’élevés, garantissent une résilience totale face aux aléas climatiques et économiques. Ce scénario est particulièrement adapté pour un territoire insulaire vulnérable comme la Martinique.
4. Autonomie optimale
Ce scénario vise un équilibre entre autonomie énergétique et optimisation des coûts. Avec un stockage avancé estimé à 436 MW et un renforcement réduit des réseaux à 72 MW, il privilégie une gestion intelligente des ressources disponibles. Les technologies de gestion de réseau, comme les systèmes intelligents, jouent ici un rôle clé pour optimiser la distribution et limiter les pertes.
Les ENR mobilisées incluent le photovoltaïque, la biomasse, la géothermie et l’éolien, mais avec une approche qui privilégie l’efficacité et la rentabilité. Ce scénario représente une voie réaliste et stratégique pour atteindre une autonomie énergétique tout en minimisant les investissements excessifs. Il combine les bénéfices des potentiels élargis et des technologies avancées pour une transition équilibrée et durable.
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Les scénarios diffèrent en termes de mix énergétique, de capacité de stockage et de renforcement des réseaux. Par exemple, le scénario « Autonomie optimale » prévoit un stockage énergétique à hauteur de 436 MW et un renforcement des infrastructures à hauteur de 72 MW, contre 133 MW pour le scénario favorables.
Technologies clés pour atteindre le 100 % renouvelable
1. Photovoltaïque
Avec un potentiel de 1 579 MW dans le scénario élargi, le photovoltaïque représente le pilier central du mix énergétique futur. Les installations se diversifient pour inclure :
- Centrales au sol : Exploitation des zones non urbanisées pour installer de grandes surfaces photovoltaïques.
- Toitures résidentielles et commerciales : Utilisation des infrastructures existantes pour réduire l’emprise au sol.
- Ombrières : Installées dans les parkings pour optimiser les espaces urbains tout en fournissant de l’énergie.
Des innovations comme l’agrivoltaïsme, qui combine agriculture et production d’énergie solaire, permettront également d’augmenter la production tout en soutenant les activités agricoles locales.
2. Biomasse
La biomasse jouera un rôle clé dans le mix énergétique grâce à son potentiel stable et prévisible. Avec une contribution estimée à 240 GWh/an, elle repose sur :
- Déchets agricoles : Résidus de la canne à sucre, paille, et autres sous-produits agricoles.
- Déchets verts : Valorisation des déchets de jardinage et de déforestation.
- Biométhanisation : Conversion des déchets organiques en biogaz pour une production d’électricité.
La biomasse permettra de fournir une base énergétique stable, réduisant la dépendance aux sources intermittentes comme le solaire et l’éolien.
3. Stockage d’énergie
Le stockage est essentiel pour assurer la stabilité du réseau dans un système dominé par les énergies renouvelables. Les technologies envisagées incluent :
- Batteries lithium-ion : Idéales pour les applications à court terme et la gestion des pics de demande.
- STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) : Utilisées pour stocker de grandes quantités d’énergie sur des périodes plus longues.
- Systèmes hybrides : Combinant batteries et STEP pour maximiser la flexibilité et l’efficacité.
Les besoins en stockage varient selon les scénarios, atteignant jusqu’à 1 394 MWh pour garantir une autonomie totale dans le scénario le plus ambitieux.
4. Géothermie et énergies marines
Ces technologies représentent des opportunités uniques pour diversifier le mix énergétique :
- Géothermie : Exploitation des ressources volcaniques locales pour produire une énergie constante et non intermittente. La Martinique dispose d’un potentiel de 60 MW, exploitable dès 2025.
- Énergies marines : Intégration de technologies houlomotrices (énergie des vagues) et hydroliennes pour un potentiel de 100 MW. Ces sources, encore émergentes, nécessitent des investissements en recherche et développement mais offrent une solution durable et innovante.
Coûts et investissements nécessaires
Les coûts totaux pour la mise en œuvre des scénarios sont estimés entre 3,4 et 3,8 milliards d’euros, incluant :
- Les infrastructures de production (ENR locales) : la modernisation et l’extension des capacités existantes, comme les centrales solaires et éoliennes.
- Le stockage d’énergie (batteries et STEP) : la réduction des intermittences en est l’enjeu principal.
- Le renforcement des réseaux électriques : jusqu’à 156 MW pour certains scénarios afin de transporter et distribuer efficacement l’énergie produite.
Les estimations de coûts moyens (LCOE) par technologie, entre 70 et 150 €/MWh, soulignent que ces solutions restent compétitives sur le long terme. La réalisation de ces scénarios nécessitera une coordination efficace entre les acteurs publics et privés pour optimiser les investissements.
Bénéfices environnementaux et économiques
- Réduction des émissions de CO₂ : Le passage à un mix 100 % renouvelable permettra une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre, grâce à l’élimination progressive des combustibles fossiles. La Martinique deviendra un modèle pour les autres territoires insulaires.
- Dynamisation de l’économie locale : Les retombées économiques incluent la création d’emplois dans les secteurs des ENR, du stockage et du bâtiment. De plus, la réduction des coûts d’importation renforce l’indépendance économique de l’île.
- Résilience accrue : Une production énergétique locale et durable permettra de réduire la dépendance aux fluctuations des prix mondiaux et d’améliorer la résilience face aux catastrophes naturelles.
Défis à relever pour la transition énergétique
Pour réaliser cette transition, plusieurs obstacles doivent être surmontés :
- Infrastructure et technologie : L’adaptation des réseaux pour accueillir les ENR variables constitue un défi technique majeur. Des technologies avancées, comme les systèmes de régulation intelligents, seront nécessaires.
- Financement et gouvernance : La mobilisation des ressources financières publiques et privées est cruciale. Des cadres réglementaires clairs et des incitations fiscales pourraient être instaurés pour attirer les investisseurs.
- Acceptabilité sociale : La transition énergétique implique des changements sociétaux profonds. Sensibiliser les citoyens et impliquer les collectivités locales dans les décisions garantiront une meilleure adhésion.
Consulter la Synthèse et le Rapport Final de l’ADEME ici.
L’autonomie énergétique de la Martinique est techniquement réalisable à l’horizon 2050, mais son succès repose sur une planification rigoureuse et une mobilisation collective.
En exploitant pleinement ses ressources renouvelables, l’île peut devenir un modèle de transition énergétique pour les territoires insulaires, tout en renforçant sa résilience face aux défis climatiques.