350 000 personnes sans domicile, 30 % des Français en précarité énergétique, un record d’expulsions locatives… Le dernier rapport de l’ex-Fondation Abbé Pierre (désormais Fondation pour le Logement des Défavorisés), publié en 2025, dresse un constat alarmant : la crise du logement atteint un niveau critique en France. Alors que les prix de l’immobilier et des loyers explosent, les dispositifs d’aide peinent à contenir l’aggravation de la précarité.
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Une dégradation continue du mal-logement
Le rapport révèle des chiffres préoccupants. Le nombre de sans-abri a doublé depuis 2012, atteignant 350 000 personnes en 2025.
Parallèlement, 30 % des Français ont eu froid chez eux l’hiver dernier, un chiffre en forte hausse par rapport à 2020 (14 %).
L’augmentation du coût de l’énergie et la faiblesse des rénovations thermiques rendent le chauffage de plus en plus inaccessible pour les ménages précaires.
Christophe Robert, délégué général de la Fondation, alerte sur RTL Matin du 04 février : « On est en France en 2025, et il y a encore des gens qui ont un toit sur la tête, mais qui ont froid… Donc, on voit à la fois l’impact de l’insuffisance des rénovations thermiques… mais aussi l’augmentation des prix de l’énergie. »
Autre donnée marquante : les expulsions locatives ont atteint un niveau record, avec 19 000 ménages contraints de quitter leur logement en 2023, soit une hausse de 17 % en un an.
De plus, 2,7 millions de ménages sont en attente d’un logement social, un chiffre qui ne cesse d’augmenter alors que la construction de logements sociaux chute dramatiquement.
Un manque de volonté politique dénoncé
La Fondation pour le Logement des Défavorisés pointe du doigt une réduction des efforts budgétaires en matière de logement. L’investissement public dans le secteur est passé de 2,2 % du PIB en 2010 à seulement 1,5 % en 2023.
Par ailleurs, les coupes budgétaires imposées aux bailleurs sociaux, à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an, limitent fortement la production et la rénovation de logements sociaux.
Les mesures récentes, comme la loi Kasbarian-Bergé facilitant les expulsions, sont jugées inadaptées, voire contre-productives. De même, l’abandon des discussions du Conseil National de la Refondation sur le logement est perçu comme un manque criant de volonté politique pour résoudre cette crise.
Le changement climatique, un facteur aggravant
Le rapport met également en lumière l’impact du changement climatique sur le mal-logement. Les passoires thermiques deviennent des « bouilloires » en été et des frigos en hiver, accentuant la précarité énergétique.
L’exemple de Mayotte, frappée par le cyclone Chido en décembre 2024, illustre la vulnérabilité des logements précaires face aux catastrophes climatiques.
Les habitants des bidonvilles ont été particulièrement touchés, soulignant l’urgence d’un plan de résilience climatique pour le logement.
Une urgence sociale
Face à ce constat, l’ex-Fondation Abbé Pierre appelle à une réaction immédiate.
« On ne peut pas laisser les personnes à la rue… on demande de mettre en place des commissions immédiatement dans les secteurs tendus, sous la responsabilité des préfets, pour identifier tous les bâtiments vides, donner les moyens aux associations de les aménager, mettre à l’abri les personnes, pour les accompagner vers des solutions plus durables » – Christophe Robert sur RTL Matin
Les solutions proposées s’articulent autour de plusieurs axes essentiels :
- Créer des cellules d’urgence dans les zones tendues, sous l’autorité des préfets, afin de recenser les besoins prioritaires et d’activer des mesures rapides d’hébergement.
- Réquisitionner les bâtiments publics vides et fournir des moyens financiers aux associations pour les réaménager et garantir des solutions d’accueil dignes.
- Accélérer la production de logements sociaux, avec un objectif de 150 000 logements par an, en instaurant des mécanismes de financement plus robustes pour les bailleurs sociaux.
- Lutter contre la précarité énergétique, via un plan national ambitieux de rénovation thermique, en ciblant en priorité les passoires énergétiques occupées par les ménages précaires.
- Renforcer les dispositifs de prévention des expulsions, en mettant en place un accompagnement renforcé pour les ménages en difficulté et en limitant l’application de la loi Kasbarian-Bergé.
Alors que la crise du logement s’intensifie, ce rapport sonne comme un avertissement. L’inaction politique pourrait aggraver encore davantage la situation, laissant des millions de Français sans solution face à l’urgence du mal-logement.