Le Livre Blanc de la Construction Durable en Outre-Mer, présenté lors du salon BATIMAT, constitue une avancée majeure pour la filière BTP ultramarine. Ce document stratégique, fruit des Assises de la Construction Durable en Outre-Mer, vise à proposer des solutions concrètes et adaptées aux spécificités climatiques, culturelles et économiques de ces territoires. Il met en avant des axes de travail pour une construction plus résiliente et durable, avec un engagement collectif des acteurs locaux et nationaux.
Parmi les propositions clés du Livre Blanc, quatre éléments ressortent : la création d’une instance ultramarine de coordination, le soutien des partenariats institutionnels, le partage des retours d’expérience entre territoires, et l’adaptation politique et réglementaire aux enjeux locaux.
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La création d’une instance ultramarine de coordination
Une coordination fédérative pour des actions locales et nationales
L’un des piliers du Livre Blanc est la création d’une instance de coordination ultramarine. Ce forum fédératif a pour objectif d’harmoniser et de structurer les actions de construction durable en Outre-Mer en prenant en compte les spécificités de chaque territoire. À travers cette instance, les territoires d’Outre-Mer pourront aligner leurs initiatives, partager leurs bonnes pratiques et influencer les normes de manière collective. En jouant un rôle de facilitateur, elle sera également l’interlocuteur privilégié des institutions nationales, permettant aux besoins ultramarins de se faire entendre au niveau métropolitain.
Fonctionnement de l’instance et cellules locales
L’instance de coordination ne fonctionnera pas comme une organisation centralisée, mais plutôt comme une fédération de cellules locales implantées dans chaque territoire ultramarin. Chaque cellule, composée d’acteurs locaux, de professionnels du BTP et de représentants des collectivités, sera chargée d’apporter un retour d’expérience direct sur les défis et avancées de son territoire. Cette approche garantit que les solutions proposées répondent aux réalités de terrain tout en créant un maillage d’échanges efficaces entre les territoires et la métropole.
En fixant 2025 comme date de lancement, le Livre Blanc prévoit une phase de mise en place structurée, permettant à l’instance de coordination d’être opérationnelle et durable. Grâce à cette nouvelle organisation, les territoires ultramarins disposeront d’un support cohérent pour avancer vers une construction plus adaptée aux enjeux climatiques et écologiques.
Partenariats et soutien institutionnel
L’importance des partenariats stratégiques
Pour concrétiser la vision de construction durable en Outre-Mer, le Livre Blanc s’appuie sur un réseau de partenariats stratégiques avec des acteurs institutionnels de premier plan. Des organisations comme la SMA BTP et l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), ainsi que des organismes de normalisation tels que le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), jouent un rôle essentiel dans le soutien aux initiatives locales. Ces partenaires apportent leur expertise technique et logistique, permettant d’adapter les normes et les pratiques de construction aux spécificités ultramarines.
Le rôle des partenaires est double : d’une part, ils fournissent un appui technique et méthodologique, notamment pour l’élaboration de nouvelles normes locales ; d’autre part, ils facilitent l’accès aux ressources nécessaires, notamment pour la certification des matériaux et techniques locales. Cet appui institutionnel est une garantie de fiabilité et de qualité pour les projets menés dans les Outre-Mer, renforçant la crédibilité et la durabilité des initiatives locales.
Objectifs spécifiques des partenariats
Chaque partenariat a des objectifs précis visant à consolider la filière de construction durable en Outre-Mer. Par exemple, les partenaires accompagnent les professionnels ultramarins dans le processus de certification, assurant que les matériaux locaux respectent les standards nationaux et internationaux. En outre, ces partenariats favorisent le développement de compétences locales en proposant des formations techniques adaptées aux spécificités régionales. Les acteurs locaux bénéficient ainsi de connaissances renforcées, facilitant l’innovation et la pérennité de la construction durable.
Retours d’expérience et exemples concrets
Études de cas par territoire : un savoir-faire adapté
Le Livre Blanc met en lumière plusieurs études de cas par territoire, qui illustrent comment chaque région ultramarine adapte ses pratiques de construction aux spécificités locales, que ce soit en termes de climat, de disponibilité des matériaux ou de contraintes géographiques. Voici quelques exemples concrets de ces adaptations innovantes :
1. Guyane : la brique de terre compressée (BTC)
La Guyane a mis en place un processus de fabrication et d’utilisation de la brique de terre compressée, un matériau local qui répond bien aux besoins en construction durable.
Avantages :
- La BTC est à faible empreinte carbone, car elle est fabriquée localement, ce qui réduit les besoins d’importation de matériaux.
- Elle offre une bonne isolation thermique et est adaptée au climat chaud et humide de la région.
Normalisation et reconnaissance : Afin d’assurer la sécurité et la performance de ce matériau, la brique de terre compressée a été soumise à une procédure de normalisation par le CSTB, garantissant ainsi son utilisation en construction dans le respect des normes en vigueur.
Impact local : Cette innovation permet de dynamiser l’économie locale en valorisant des matériaux du territoire, tout en créant des emplois dans la filière de construction.
2. Saint-Barthélemy : gestion de l’eau de pluie
Sur cette île soumise à des conditions de sécheresse fréquentes, la gestion de l’eau est un défi majeur. Saint-Barthélemy a ainsi développé des solutions spécifiques pour récupérer et réutiliser l’eau de pluie.
Solutions mises en place :
- Installation de systèmes de récupération d’eau de pluie intégrés aux constructions résidentielles et publiques.
- Création de réservoirs souterrains pour stocker l’eau récupérée, permettant une utilisation prolongée en période sèche.
Bénéfices pour la communauté :
- Réduction de la dépendance aux ressources en eau limitées de l’île, diminuant ainsi les coûts pour les habitants.
- Contribution à la résilience des constructions face aux aléas climatiques en intégrant des systèmes d’autosuffisance en eau.
3. Mayotte : valorisation des techniques de terre compressée
À Mayotte, l’usage de la terre compressée pour la construction a été identifié comme une solution locale durable, répondant aux besoins d’une construction à faible impact environnemental.
Caractéristiques de la technique :
- La terre compressée est un matériau accessible localement, peu coûteux et respectueux de l’environnement, car elle nécessite peu de transport et de transformation.
- Elle offre une bonne isolation thermique, idéale pour le climat chaud et humide de l’île.
Reconnaissance et normalisation :
- En 2018, une première validation technique (ATEX) a été obtenue pour la mise en œuvre de la brique de terre comprimée (BTC), suivie en 2022 par la reconnaissance officielle des règles professionnelles applicables.
- Cette certification assure la sécurité et la fiabilité de ce matériau pour une utilisation plus large dans le secteur de la construction à Mayotte.
Impact pour la communauté :
- L’utilisation de la terre compressée encourage la création d’une filière de construction locale, générant des emplois et favorisant une économie circulaire.
- Elle permet également de réduire les coûts de construction pour les habitants, offrant ainsi des alternatives économiques pour le logement.
4. Nouvelle-Calédonie : normalisation des performances énergétiques
La Nouvelle-Calédonie a adapté ses pratiques de construction en élaborant des normes pour la performance énergétique des bâtiments. Cela inclut l’adaptation de référentiels hexagonaux aux réalités locales pour optimiser la consommation d’énergie.
Actions principales :
- Développement d’un moteur de calcul énergétique spécifique pour le climat calédonien, afin de mesurer et optimiser la consommation des bâtiments.
- Élaboration d’une étiquette énergétique adaptée aux constructions locales, facilitant la mise en œuvre de normes environnementales en accord avec les conditions tropicales.
Effets attendus :
- Amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, réduisant les besoins en climatisation et en consommation d’énergie.
- Sensibilisation des habitants aux économies d’énergie, et encouragement des constructions bioclimatiques.
Vers un partage structuré des savoirs
Ces initiatives, bien que locales, présentent des solutions qui peuvent bénéficier à d’autres territoires en Outre-Mer confrontés à des défis similaires. Le Livre Blanc propose donc de structurer un réseau de partage de connaissances pour diffuser ces retours d’expérience, en facilitant l’accès aux données et aux bonnes pratiques. Voici quelques éléments clés de ce partage structuré :
- Plateformes collaboratives : Les territoires peuvent partager leurs guides techniques et retours d’expérience via des plateformes en ligne, comme la plateforme Pergola, mentionnée dans le Livre Blanc.
- Revues régulières : Un bilan des expériences et des innovations est prévu à intervalles réguliers, permettant de suivre les progrès et de mettre à jour les stratégies.
- Formation et sensibilisation : Les retours d’expérience enrichissent la formation professionnelle des acteurs locaux, en leur donnant accès à des solutions testées et validées par leurs pairs.
En rendant ces pratiques accessibles à tous, le Livre Blanc promeut un modèle de construction durable et résilient, fondé sur l’apprentissage collectif et la valorisation des solutions locales.
Aspects politiques et réglementaires
Vers un cadre réglementaire adapté aux spécificités ultramarines
Le Livre Blanc de la Construction Durable en Outre-Mer ne se limite pas à une vision technique ; il porte également une ambition politique forte. Face aux contraintes particulières des territoires ultramarins – qu’il s’agisse de conditions climatiques extrêmes, de l’accessibilité limitée aux matériaux ou des particularités culturelles – le Livre Blanc propose d’adapter les normes réglementaires pour mieux répondre aux réalités locales. Cela passe par une collaboration accrue avec les instances nationales et européennes pour obtenir des dérogations ciblées sur certains référentiels qui, appliqués sans ajustement, limiteraient l’innovation et la compétitivité de la construction ultramarine.
Une mesure clé est la dérogation pour le marquage CE. Ce marquage, obligatoire en Europe pour certains matériaux et équipements, pose parfois des obstacles pour les Outre-Mer, où les ressources locales sont souvent mieux adaptées que celles provenant de l’Hexagone. En sollicitant des exemptions, les territoires ultramarins pourraient utiliser des matériaux locaux, comme le bois tropical ou la terre compressée, tout en respectant des normes de sécurité et de performance strictes.
Implications pour la gouvernance et les acteurs locaux
La mise en place d’une instance de coordination ultramarine permettrait également de faciliter l’articulation entre les besoins locaux et les normes nationales. En jouant un rôle de médiateur, cette instance pourrait mieux faire valoir les réalités des Outre-Mer auprès des instances de normalisation hexagonales, contribuant ainsi à une approche plus flexible et mieux adaptée.
De plus, la dérogation pour les RUP (Régions Ultra-Périphériques) de l’Europe permettrait aux Outre-Mer d’expérimenter des solutions novatrices qui pourraient ensuite inspirer de nouveaux référentiels pour la métropole. Cela positionnerait les territoires d’Outre-Mer en tant que territoires pionniers, capables de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux en développant des modèles de construction résilients et innovants.
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Le Livre Blanc de la Construction Durable en Outre-Mer marque une avancée cruciale pour la construction ultramarine. En structurant une approche globale, il propose une feuille de route pour une filière adaptée aux spécificités locales et résiliente face aux enjeux climatiques. Les axes d’action – coordination, partenariats, retours d’expérience et adaptations réglementaires – sont des leviers essentiels pour ancrer la durabilité dans chaque territoire.
Ce Livre Blanc est une invitation à l’action collective pour faire des Outre-Mer des territoires pionniers en matière de construction durable. Avec le soutien des acteurs locaux et des institutions, la construction ultramarine est en bonne voie pour devenir un modèle de durabilité et d’innovation.