Géothermie en Outre-mer : Une ressource sous-exploitée ?

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Géothermie

La géothermie pourrait jouer un rôle clé dans la transition énergétique des territoires ultramarins. Pourtant, aujourd’hui, seul un site est en exploitation : la centrale de Bouillante, en Guadeloupe.

Face à ce constat, le gouvernement a commandé une étude au BRGM pour évaluer le potentiel géothermique dans les Zones Non Interconnectées (ZNI). Quelles sont les conclusions de ce rapport ? Quels obstacles freinent le développement de cette énergie renouvelable ?

Des sous-sols riches en chaleur, un gisement d’opportunités

Les territoires ultramarins disposent d’un atout naturel majeur : un sous-sol volcanique riche en chaleur.

La Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et Mayotte possèdent des zones où la température des réservoirs géothermiques varie entre 180 et 350°C à faible profondeur. Une configuration idéale pour produire de l’électricité. Pourtant, cette ressource reste largement sous-exploitée.

Si elle était mieux exploitée, la géothermie pourrait non seulement répondre à une part significative des besoins énergétiques locaux, mais aussi réduire la dépendance de ces territoires aux énergies fossiles importées.

En effet, les coûts de production de l’électricité dans les ZNI sont bien plus élevés qu’en métropole, ce qui rend toute alternative locale d’autant plus précieuse.

En outre, la géothermie pourrait jouer un rôle clé dans la décarbonation de certains secteurs, comme l’industrie et l’agriculture.

Par exemple, la chaleur géothermique peut être utilisée pour le séchage de produits agricoles, le chauffage de serres ou encore la production de froid via des systèmes de climatisation géothermique.

 

Bouillante : l’exception guadeloupéenne

Depuis 1986, la centrale géothermique de Bouillante est la seule à produire de l’électricité d’origine géothermique dans les ZNI. Actuellement dotée d’une capacité de 15 MWe, elle passera bientôt à 25 MWe. Son potentiel est loin d’être pleinement exploité : d’ici 2035, la Guadeloupe pourrait produire jusqu’à 30 % de son électricité avec cette source d’énergie.

Cependant, malgré son succès, le site de Bouillante a connu des défis importants, notamment des difficultés techniques liées à la perméabilité des réservoirs et à la maintenance des infrastructures.

La gestion des fluides géothermiques, riches en minéraux, pose également des contraintes spécifiques en termes de corrosion des équipements et de réinjection des eaux extraites dans le sous-sol.

L’expérience de Bouillante pourrait toutefois servir de modèle pour le développement de projets similaires dans d’autres territoires ultramarins. Une approche progressive, combinant exploration approfondie et adaptation aux spécificités locales, permettrait d’optimiser le déploiement de cette technologie.

 

Pourquoi la géothermie ne perce pas dans les autres territoires ?

Pourquoi la Martinique, La Réunion et Mayotte n’ont-elles pas encore de production géothermique ? Le BRGM identifie plusieurs obstacles :

  • Un manque de forages exploratoires : En cinquante ans, seuls 15 forages ont été réalisés dans ces territoires. Impossible de confirmer le potentiel des réservoirs sans ces études.
  • Des lourdeurs administratives : Les procédures d’autorisation sont longues et complexes.
  • Un risque financier important : Le coût des forages est élevé, sans garantie de rentabilité.
  • Des contraintes environnementales : Certains sites prometteurs sont situés en zones naturelles protégées.

À cela s’ajoute un manque d’expertise locale pour la mise en œuvre et la gestion de projets géothermiques. La formation de techniciens spécialisés et d’ingénieurs capables d’accompagner ces projets reste un enjeu majeur pour garantir leur succès.

Un autre frein majeur concerne l’absence de cadres réglementaires et d’incitations financières adaptées à la spécificité des ZNI.

Sans mécanismes de soutien clairs, les investisseurs restent frileux face aux coûts initiaux élevés du développement géothermique.

 

Que faire ? Les recommandations du BRGM

Le rapport préconise plusieurs actions pour accélérer le développement de la géothermie en Outre-mer :

  • Multiplier les forages exploratoires pour confirmer les potentiels identifiés.
  • Simplifier les procédures administratives pour accélérer la mise en place des projets.
  • Mettre en place un fonds de garantie pour réduire les risques financiers et inciter les investisseurs.
  • Sensibiliser les acteurs locaux à l’intérêt économique et environnemental de cette énergie.
  • Développer la formation et la recherche pour créer une expertise locale et pérenniser les compétences.
  • Renforcer la coopération avec d’autres territoires ayant déjà une expertise en géothermie, comme l’Islande ou l’Italie.
  • Créer un cadre réglementaire incitatif, avec des subventions et des tarifs d’achat garantis pour l’électricité produite.

 

Le rapport du BRGM souligne également l’importance de l’innovation technologique, notamment le développement de systèmes à boucle fermée qui permettent d’exploiter la chaleur souterraine sans avoir besoin de fluides naturellement présents dans le sous-sol, réduisant ainsi les risques environnementaux.

Vers une accélération de la transition ?

L’exemple de Bouillante montre que la géothermie est viable en Outre-mer. Il reste à surmonter les freins identifiés pour permettre à d’autres territoires de suivre cette voie. La volonté politique et les investissements seront déterminants pour transformer ce potentiel en réalité énergétique.

En intégrant la géothermie à un mix énergétique plus large, combinant solaire, éolien et stockage d’énergie, les territoires ultramarins pourraient faire un pas décisif vers l’autonomie énergétique. À condition que les décisions soient prises rapidement et que les investissements suivent, l’avenir de la géothermie dans les ZNI pourrait enfin se concrétiser.

Enfin, l’accompagnement des collectivités locales et la mise en place de démonstrateurs à petite échelle pourraient faciliter l’acceptation de cette technologie par la population. Car au-delà des questions techniques, la transition énergétique repose aussi sur une adhésion collective et une vision politique affirmée.

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