L’État muscle sa réponse face à l’habitat indigne : un plan national à cinq leviers

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    habitat indigne

    Un an après la loi du 9 avril 2024 sur l’habitat dégradé, le gouvernement passe à la vitesse supérieure. En déplacement à Marseille, Valérie Létard, ministre chargée du Logement, a dévoilé un plan d’accompagnement renforcé pour lutter plus efficacement contre l’habitat indigne et soutenir les copropriétés en difficulté. Cette initiative marque une nouvelle étape dans une politique publique longtemps jugée trop lente face à un phénomène massif et enraciné : près d’un million de personnes vivent encore aujourd’hui dans des logements potentiellement dangereux pour leur santé ou leur sécurité.

    Cette réalité touche l’ensemble du territoire, mais elle se manifeste avec une acuité particulière dans les départements et régions d’outre-mer. À Mayotte, en Guyane, en Guadeloupe ou en Martinique, les logements indignes représentent une part bien supérieure à la moyenne nationale, souvent dans des contextes de forte précarité sociale, de pression foncière et de vulnérabilité face aux risques naturels.

    Observer, intervenir, reloger : les nouveaux leviers d’action

    Le plan s’articule autour de cinq grands axes, conçus pour rendre l’action publique plus réactive, plus lisible et plus proche des réalités du terrain.

    Premier chantier : la création d’un Observatoire national du bâti fragile. Placé sous l’égide du ministère du Logement, cet outil doit permettre de mieux repérer les immeubles à risque, qu’ils soient en milieu rural, en ville moyenne ou au cœur des métropoles. Ce repérage précoce est essentiel : il s’agit d’agir avant que l’effondrement ne se produise, d’éviter les drames que l’on ne sait trop souvent anticiper.

    Deuxième pilier de ce plan, le soutien aux ménages en situation de vulnérabilité. Le Fonds d’Aide d’Urgence au Relogement, doté de 2,5 millions d’euros par an, reste un levier clé pour financer les relogements d’urgence, notamment après une catastrophe naturelle ou un arrêté de police spéciale. Mais au-delà de cette aide financière, le gouvernement veut clarifier les parcours d’hébergement et de relogement. Une instruction ministérielle doit bientôt être publiée pour harmoniser les pratiques et mieux faire connaître les droits des occupants. En parallèle, la plateforme Histologe change de nom pour devenir « Signal Logement« , un guichet unique appelé à se généraliser. Elle a déjà permis le traitement de 70 000 signalements sur l’ensemble du territoire.


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    Troisième axe : taper plus fort contre les marchands de sommeil. La loi du 9 avril 2024 a renforcé l’arsenal pénal : jusqu’à sept ans de prison et 200 000 € d’amende, voire quinze ans et 400 000 euros si des mineurs sont concernés. Mais l’État veut aller plus loin en mobilisant toutes ses forces : justice, police, CAF, ARS, préfets… Une circulaire interministérielle vient demander aux préfets de muscler les dispositifs départementaux.

    Les CAF pourront, elles, suspendre les allocations versées à des propriétaires qui ne mettent pas leur logement en conformité. Autre nouveauté : la possibilité de confisquer des biens immobiliers mal loués, qui pourront être redistribués via l’Agence de gestion des avoirs saisis.

    L’effort financier constitue le quatrième pilier de ce plan. En 2024, l’ANAH a mobilisé 250 millions d’euros pour traiter 15 500 logements indignes, 216 millions pour les copropriétés en difficulté, et l’ANRU a ajouté 357 millions pour le traitement de l’habitat très dégradé. Le plan vise à accélérer le déblocage des chantiers en attente, grâce notamment à un prêt à taux zéro via la Banque des Territoires pour préfinancer les travaux.

    Depuis janvier 2024, une nouvelle aide de l’ANAH est aussi disponible pour les propriétaires occupants modestes : elle a déjà bénéficié à 1 500 logements pour un montant total de 77 millions d’euros.


    DOSSIER DE PRESSE

    habitat indigne

    Plan d’accompagnement renforcé de la loi du 9 avril 2024 pour la lutte contre l’habitat indigne et l’intervention sur les copropriétés en difficulté


     

    Marseille, laboratoire de la mobilisation nationale

    Enfin, le cinquième axe s’adresse aux collectivités. Trop souvent démunies face à l’urgence ou au coût des interventions, elles pourront recevoir un appui technique renforcé, mais aussi des compensations financières pour les travaux d’office réalisés à la place des propriétaires. Des guides pratiques et des outils dédiés leur seront distribués, notamment sur la gestion des copropriétés fragiles et la prévention des risques d’effondrement.

    Marseille a été choisie pour illustrer cette politique. Ce n’est pas un hasard : la ville concentre les problématiques les plus visibles. 1 542 logements sont aujourd’hui visés par une opération d’amélioration dans le centre-ville, avec 44 millions d’euros d’aides de l’ANAH. Dix copropriétés marseillaises figurent dans le Programme d’Intérêt National lancé en 2023, et l’EPF PACA pilote des études pour éventuellement lancer des ORCOD-IN. Au total, l’engagement public atteint 172 millions d’euros via l’ANRU et 82 millions par l’ANAH pour Marseille.

    Avec 14 décrets d’application encore attendus d’ici l’été 2025, le gouvernement trace une feuille de route ambitieuse mais nécessaire. Reste à s’assurer que ces moyens et outils arrivent bien jusqu’à ceux qui en ont le plus besoin. Car derrière les chiffres, il y a des familles, des enfants, des vies qui méritent mieux que des murs fissurés et des plafonds menaçants. La dignité, elle aussi, passe par le logement.

     

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