Le bois est souvent perçu comme un matériau vulnérable dans les territoires ultramarins soumis à des aléas climatiques extrêmes, en particulier aux cyclones. C’est notamment le cas en Guadeloupe et en Martinique, où cette perception, bien que répandue, mérite aujourd’hui d’être nuancée à la lumière des dernières avancées techniques et réglementaires. Le guide C2PMI, publié par le CSTB et les ministères de la Transition écologique et des Outre-mer, offre un cadre clair et exigeant pour permettre la conception et la construction de maisons individuelles résistantes au risque cyclonique, y compris en bois.
L’objectif de ce guide n’est pas de remplacer les normes existantes, mais de les compléter en adaptant les pratiques aux contextes antillais. Il introduit des règles techniques précises applicables aux maisons individuelles courantes de moins de 200 m² et de deux niveaux maximum, construites en Guadeloupe ou en Martinique. Parmi les systèmes constructifs abordés, la structure bois tient une place centrale. Loin d’être exclue, elle est non seulement envisageable, mais encadrée de manière rigoureuse, pour peu que certaines conditions soient respectées.
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Des matériaux adaptés au climat tropical
Le choix du bois ne peut être improvisé. Le guide précise avec fermeté les caractéristiques que doivent présenter les bois utilisés en construction cyclonique.
Pour les éléments structurels, seuls les bois de classe d’emploi 3 ou 4 sont autorisés, selon la norme NF EN 335. Cette classification correspond à une exposition forte à l’humidité, voire à un contact fréquent avec l’eau. Le taux d’humidité du bois utilisé ne doit pas dépasser 20 % au moment de sa mise en œuvre. Un traitement fongicide et insecticide est obligatoirement requis, en particulier contre les termites, omniprésents dans les zones tropicales.
Les bois tropicaux naturellement durables sont acceptables, à condition qu’ils répondent à ces exigences. Le recours à des essences locales est donc envisageable, mais suppose une vérification rigoureuse de leur durabilité naturelle et de leur traitement.
Les bois non structurels, tels que les voliges ou les habillages, peuvent être de classe 3 minimum, mais doivent également être protégés.
Concernant la charpente, les prescriptions s’étendent aux sections minimales, aux espacements, aux appuis et aux dispositifs de renforcement. Le guide recommande notamment l’utilisation de bois secs et rabotés, afin d’assurer une meilleure précision d’assemblage et de limiter les déformations ultérieures. L’emploi de connecteurs métalliques homologués est préconisé pour garantir la continuité des efforts dans l’ossature.
Concevoir pour résister
La résistance d’une structure bois face à un cyclone dépend autant de sa conception que de sa mise en œuvre.
Le contreventement est un point clé. Il peut être réalisé selon 2 méthodes principales :
- par des voiles travaillants, utilisant des panneaux rigides comme le contreplaqué
- ou l’OSB, ou par des palées triangulées, assemblées avec des montants, des lisses et des diagonales inclinées.
Dans les deux cas, le dimensionnement et l’ancrage des éléments sont déterminants. Le guide impose notamment un ancrage des panneaux rigides sur les chaînages en béton armé, ainsi qu’une répartition homogène des efforts sur l’ensemble de la structure.
Les planchers bois doivent également répondre à des critères stricts. Les solives doivent être dimensionnées pour limiter les vibrations, avec des entraxes réduits et des entretoises pour assurer la rigidité latérale.
Le support de plancher (planches, contreplaqué, OSB) doit être vissé sur les solives, en respectant un entraxe maximal de 15 cm. L’emploi de plaques d’au moins 12 mm pour le contreplaqué, ou 18 mm pour l’OSB, est recommandé. Des joints de dilatation doivent être prévus pour compenser les variations hygrométriques.
Les assemblages constituent un point de vigilance majeur. Chaque liaison entre deux éléments doit être conçue pour résister aux efforts de soulèvement, de cisaillement et de renversement. Le guide impose un coefficient de sur-résistance gSR de 1,5 pour les assemblages, ce qui signifie que chaque liaison doit pouvoir résister à une charge 1,5 fois supérieure à celle calculée.
L’utilisation de sabots, d’équerres renforcées, de vis et de boulons homologués est fortement recommandée. Le pré-perçage est nécessaire pour les bois durs, afin d’éviter les fentes.
L’ancrage de la structure au sol, en dernier lieu, constitue la base de la résistance globale. La lisse basse des murs doit être solidement liée au chaînage béton par des chevilles mécaniques ou chimiques appropriées. Le calcul des efforts de soulèvement et de renversement doit prendre en compte les charges de vent maximales, variables selon les cartes réglementaires de pression dynamique disponibles sur Géorisques.
Les détails qui font la différence
La résistance d’un bâtiment bois se joue aussi dans ses composants secondaires.
Les menuiseries extérieures, qu’elles soient en bois ou en aluminium, doivent répondre à des exigences de résistance au vent et aux chocs. Les volets battants ou coulissants doivent être solidement fixés dans la structure et ne pas constituer un point faible.
Le recours à des dispositifs de fermeture homologués est recommandé pour éviter les intrusions d’air qui pourraient provoquer une surpression destructrice à l’intérieur du bâtiment.
Dans les zones concernées à la fois par les risques sismiques et cycloniques, comme les Antilles, les règles parasismiques doivent être appliquées simultanément à celles du guide C2PMI. Le guide parasismique CPMI constitue à ce titre un complément indispensable, notamment pour les dispositions de chaînages horizontaux et verticaux, la liaison des murs, et la continuité des ossatures.
Il convient aussi de rappeler que le guide C2PMI ne s’applique qu’à un champ précis : maisons individuelles de moins de 200 m², à usage d’habitation, de R+2 maximum, avec une portance des toitures inférieure ou égale à 120 kg/m².
Les bâtiments à usage professionnel, les ERP ou les logements collectifs sont exclus du champ de présomption de conformité. Toute modification ultérieure de l’usage du bâtiment (ex : transformation en local commercial) nécessite une étude technique spécifique.
GUIDE C2PMI : Conception et construction paracycloniques de maisons individuelles – ANTILLES
À retenir : les clés d’une construction bois paracyclonique réussie
Construire en bois dans un territoire soumis aux cyclones n’est pas un choix à prendre à la légère, mais ce n’est pas non plus une prise de risque incontrôlée. À travers le guide C2PMI, les pouvoirs publics fournissent un cadre technique robuste, fondé sur les dernières données disponibles et une approche rigoureuse des efforts cycloniques.
Le respect des classes d’emploi, la qualité des assemblages, la mise en place d’un contreventement adapté, l’ancrage au sol et la prise en compte des effets combinés (vent, séisme) constituent les piliers d’une construction bois résiliente.
Ces exigences peuvent paraître nombreuses, mais elles sont accessibles aux professionnels correctement formés et outillés. Le recours à des bureaux d’études techniques locaux, à jour des exigences du C2PMI, est vivement recommandé pour garantir une mise en œuvre conforme.
En somme, le bois, loin d’être proscrit, peut devenir un allié solide et durable dans les constructions antillaises, dès lors que la rigueur technique est au rendez-vous.