Construire autrement : le potentiel inexploité des logements vacants et des friches

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Densification urbaine La Réunion
(c) Observatoire de l'habitat et du foncier - La Réunion

Face à une demande en logements toujours plus forte, La Réunion se trouve confrontée à un dilemme majeur : comment répondre aux besoins sans continuer à artificialiser les sols ? Le rapport 2024 de l’Observatoire de l’Habitat et du Foncier (OHF) met en évidence plusieurs leviers pour optimiser l’espace urbain existant. Trois pistes ressortent : la densification, la remise sur le marché des logements vacants et la reconquête des friches urbaines.

Densifier sans dénaturer : un enjeu d’aménagement territorial

Selon l’OHF, La Réunion dispose d’un potentiel de densification sous-exploité. L’analyse des règles d’urbanisme révèle que dans certains quartiers, la densité actuelle est très inférieure à celle que permettent les documents d’urbanisme.

  • Exemple du Tampon (quartier Bérive) : aujourd’hui, on compte 12 logements/ha, alors que le Plan Local d’Urbanisme (PLU) autoriserait jusqu’à 118 logements/ha.
  • À Saint-Denis, la densité est de 25 logements/ha, mais elle pourrait être portée à 150 logements/ha dans certains quartiers.
  • Les espaces urbains bien desservis peuvent accueillir davantage de logements sans compromettre le cadre de vie, à condition de prévoir des infrastructures adaptées.
  • La construction de logements intermédiaires, associant le confort de l’habitat individuel et la rentabilité de l’habitat collectif, pourrait représenter un compromis viable.

Mais un obstacle persiste : la perception du collectif. Pour beaucoup, densifier rime avec bétonisation.

Pourtant, l’OHF rappelle que des modèles de densification bien pensés (habitats intermédiaires, écoquartiers, mixité des usages) permettent d’accueillir plus d’habitants tout en préservant l’environnement et la qualité de vie.

Des villes comme Saint-Denis et Saint-Pierre pourraient bénéficier d’un remodelage urbain, intégrant plus d’espaces verts et de solutions de mobilités douces pour accompagner l’augmentation de la densité.

 

Logements vacants : une ressource sous-utilisée

Avec 11 500 logements vacants depuis plus de deux ans, La Réunion dispose d’un gisement de logements inexploité. Pourquoi ces logements restent-ils inoccupés ?

  • Inadaptation à la demande : logements trop grands, trop chers, mal situés.
  • Freins administratifs : indivisions, complexité des successions.
  • Rétention volontaire : certains propriétaires préfèrent conserver leur bien vacant en attente d’une plus-value.
  • Coût élevé des rénovations : de nombreux logements anciens nécessitent des travaux importants pour être remis aux normes.

Parmi ces logements vacants, 4 500 sont situés en zone urbaine dense, ce qui signifie qu’ils pourraient être facilement réhabilités et intégrés au marché locatif.

Pour inciter à leur remise sur le marché, une taxe sur les logements vacants a été mise en place en 2024 dans neuf communes en zone tendue, dont Saint-Denis, Saint-Pierre et Le Port. L’impact de cette mesure reste à suivre, mais d’autres leviers pourraient être activés : incitations fiscales, dispositifs d’accompagnement à la réhabilitation, programmes de conventionnement avec les bailleurs sociaux.

  • Le conventionnement avec l’ANAH (Agence nationale de l’habitat) pourrait être élargi pour encourager la réhabilitation des logements vétustes.
  • La création d’un guichet unique d’accompagnement pour les propriétaires souhaitant rénover leur bien et le remettre en location serait un atout majeur.

 

Reconversion des friches urbaines : un levier encore inexploré

Le rapport souligne un point important : La Réunion ne dispose pas encore d’un recensement officiel des friches constructibles.

Pourtant, ces espaces (anciens bâtiments industriels, commerces abandonnés, logements insalubres) pourraient être réhabilités en logements ou en équipements collectifs. Quelques axes de travail sont à envisager :

  • Identifier et cartographier les friches pour mieux cibler les actions.
  • Faciliter les démarches de reconversion grâce à un accompagnement des porteurs de projet.
  • Financer les projets de recyclage urbain via des dispositifs d’aides.
  • Renforcer les incitations pour les communes souhaitant transformer des friches en zones d’habitat mixte.
  • Mobiliser des financements européens pour accélérer la transformation des friches en logements sociaux ou en tiers-lieux.

Selon certaines estimations, jusqu’à 1 000 hectares de foncier en friche pourraient être réhabilités pour répondre à la demande de logements.

La transformation des friches pourrait aussi être envisagée sous un angle écologique et durable en favorisant l’utilisation de matériaux biosourcés et en intégrant des équipements favorisant la sobriété énergétique.


Densification urbaine La Réunion

Consulter le Rapport 2024 de l’OHF ici


 

Construire autrement pour faire face à la crise du logement

Le rapport de l’OHF met en lumière une nécessité impérieuse : la construction de nouveaux logements ne doit plus se faire au détriment des terres agricoles ou naturelles.

La solution réside dans une gestion plus fine du foncier existant, en exploitant les potentiels de densification, en réintégrant les logements vacants et en transformant les friches urbaines.

L’application de ces principes pourrait permettre à La Réunion de concilier croissance urbaine et respect de l’environnement, tout en répondant à l’urgence sociale du logement.

Pour y parvenir, la coopération entre l’État, les collectivités et les acteurs du BTP est essentielle. Sans une action concertée et volontariste, les opportunités de densification et de recyclage urbain risquent de rester sous-exploitées, au détriment des générations futures.

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