Comment Concilier Qualité de l’Air Intérieur et Efficacité Énergétique dans le Tertiaire ? Résultats d’une Expérimentation sur 15 Sites

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    qualité air intérieur efficacité énergétique
    (c) ifbeb

    L’équilibre entre la Qualité de l’Air Intérieur (QAI) et l’efficacité énergétique est devenu un défi majeur pour le secteur tertiaire. Face à l’urgence climatique et aux enjeux de santé publique, il est essentiel d’assurer un environnement sain tout en répondant aux exigences de sobriété énergétique.

    C’est dans ce contexte que l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB) et le Cerema ont lancé une expérimentation unique, avec l’objectif de répondre à une question centrale : Comment optimiser la QAI tout en maîtrisant la consommation énergétique des bâtiments ? Menée sur 15 sites, cette étude a permis d’identifier des leviers d’actions concrets pour le secteur tertiaire et les établissements scolaires, deux types de bâtiments où la QAI est particulièrement sensible.


    Pourquoi la Qualité de l’Air Intérieur est essentielle ?

    Une question de santé publique

    La qualité de l’air intérieur est un enjeu crucial pour la santé. En effet, nous passons en moyenne 85 % de notre temps dans des espaces clos, où de nombreux polluants peuvent affecter notre santé. Les espaces intérieurs sont souvent exposés à des polluants invisibles, tels que le CO₂, les particules fines (PM2.5), et les Composés Organiques Volatils (COV). Ces contaminants peuvent provoquer des maux de tête, des irritations, des pathologies respiratoires, et des réactions allergiques. En 2024, une étude de Santé Publique France a estimé que réduire l’exposition auifbev formaldéhyde permettrait d’éviter près de 30 000 cas d’asthme chez les enfants chaque année​.

    Un cadre réglementaire en pleine évolution

    Avec la récente Directive Européenne sur la Performance Énergétique des Bâtiments (EPBD) adoptée en avril 2024, les États membres sont désormais tenus de définir des exigences pour un environnement intérieur sain dans les bâtiments. Les nouvelles règles incluent des exigences de mesure des taux de ventilation, de la température et de la présence de contaminants, ce qui rend la surveillance de la QAI obligatoire dans certains Établissements Recevant du Public (ERP). En parallèle, la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020) impose la vérification des systèmes de ventilation dans les bâtiments neufs, afin de garantir un renouvellement d’air suffisant et de préserver la santé des occupants​.

    En assurant une bonne QAI, les bâtiments tertiaires non seulement protègent la santé des utilisateurs mais répondent également aux réglementations de plus en plus strictes. Cependant, la question de la consommation énergétique reste un défi, ce qui rend la recherche d’un équilibre entre QAI et sobriété énergétique d’autant plus cruciale.


    Les enjeux de l’étude : Comment équilibrer sobriété et Qualité de l’Air ?

    Le panel étudié et les objectifs de l’expérimentation

    Cette étude, menée par l’IFPEB et le Cerema, a porté sur un panel de 15 sites, incluant des établissements scolaires et des bureaux tertiaires. Ces bâtiments sont soumis à des contraintes particulières : en milieu scolaire, la concentration élevée de personnes dans des espaces clos rend le renouvellement de l’air d’autant plus critique, tandis que les bureaux tertiaires cherchent souvent à minimiser les coûts énergétiques. L’objectif de l’expérimentation était donc de tester des solutions concrètes pour concilier QAI et efficacité énergétique.

    Enseignements majeurs et points de vigilance

    Les résultats de l’étude sont éclairants. Parmi les 15 sites analysés :

    • 36 % des bâtiments respectaient les seuils de bonne QAI, avec des concentrations de polluants stables et maîtrisées.
    • 57 % des sites présentaient une QAI qualifiée de moyenne, avec au moins un seuil minimal dépassé pour les polluants étudiés.
    • Un site a révélé une QAI insatisfaisante, avec un taux de CO₂ dépassant les valeurs limites recommandées, signe d’une ventilation insuffisante par rapport à l’occupation des lieux.

    En pratique, la concentration en CO₂ s’est avérée difficile à gérer dans les établissements scolaires, où l’occupation intense et le manque de ventilation adéquate favorisent les hausses rapides de ce gaz. En revanche, les bureaux tertiaires, où les taux d’occupation sont moins élevés, obtiennent généralement de meilleurs résultats en matière de QAI.

    Ces enseignements montrent que la ventilation naturelle seule n’est pas toujours suffisante pour garantir une bonne QAI, surtout dans les contextes à forte occupation. L’étude met donc en lumière l’importance d’un système de ventilation bien calibré et d’une gestion proactive des polluants, en particulier dans les établissements scolaires et les bâtiments soumis à des règles de sobriété énergétique strictes.

    Stratégies et solutions testées : Réduction des polluants et optimisation de la ventilation

    L’étude de l’IFPEB et du Cerema a permis de tester plusieurs solutions pour concilier qualité de l’air intérieur et efficacité énergétique. Ces stratégies visent à agir sur les deux leviers : réduire les sources de pollution intérieure et améliorer les pratiques de ventilation.

    Sobriété énergétique et réduction des polluants

    La réduction des sources de pollution est un pilier essentiel pour améliorer la QAI. À titre d’exemple, la Ville de Lille a mis en place le projet Scol’air, dans lequel des capteurs de CO₂ et d’autres polluants ont été installés dans les établissements scolaires. Ce projet permet de surveiller les niveaux de QAI et d’alerter les utilisateurs en cas de dépassement des seuils. Lille a également intégré des produits plus écologiques dans ses écoles, comme des matériaux et peintures faibles en Composés Organiques Volatils (COV), afin de minimiser les émissions de polluants intérieurs​.

    Efficacité aéraulique : aérer au bon moment

    La bonne gestion de l’aération est une stratégie efficace pour équilibrer QAI et consommation énergétique. L’étude a montré que ventiler de manière plus fréquente mais pour des périodes courtes permettait de maintenir une QAI optimale sans surconsommer. Ainsi, aérer au bon moment (par exemple, en dehors des pics de pollution extérieure) permet de réduire les concentrations de CO₂, COV et particules fines (PM2.5), tout en évitant une consommation excessive de chauffage ou de climatisation​.

    Filtration avancée pour les zones à forte pollution

    Dans les bâtiments situés à proximité de routes fréquentées ou de zones industrielles, la filtration avancée s’est révélée cruciale. Par exemple, les bâtiments équipés de ventilation double flux avec des filtres performants ont réussi à limiter l’entrée de particules fines et à maintenir des niveaux acceptables de PM2.5. Cette solution est particulièrement efficace pour les bâtiments proches des sources de pollution extérieure, car elle limite la dépendance à l’aération naturelle, qui peut introduire des contaminants de l’extérieur​.

    Les résultats montrent donc que des solutions comme la réduction des polluants à la source, une ventilation au bon moment et l’utilisation de systèmes de filtration avancée permettent de maintenir une bonne QAI tout en contrôlant la consommation énergétique.


    Témoignages des partenaires du projet : La QAI en pratique

    L’un des points forts de cette expérimentation réside dans l’implication d’acteurs publics et privés, qui ont partagé leurs retours d’expérience sur les actions mises en place pour optimiser la QAI dans leurs bâtiments.

    Ville de Paris : Une politique d’achat plus écologique

    La Ville de Paris s’est concentrée sur la réduction des sources de pollution à travers une politique d’achat plus responsable. Des produits faibles en COV, comme les peintures à l’eau, les colles naturelles et les feutres écologiques, ont été introduits pour limiter les émissions de polluants dans les écoles et autres bâtiments publics. En complément, des recommandations ont été émises pour une utilisation raisonnée de ces produits, afin de préserver la qualité de l’air intérieur​.

    Ville de Lille : Un projet de suivi continu dans les établissements scolaires

    Le projet Scol’air mené à Lille est un autre exemple concret de gestion proactive de la QAI. La ville a installé des capteurs dans les écoles pour surveiller en continu les niveaux de CO₂, de particules et de COV. Ces données sont partagées avec les occupants pour les sensibiliser aux pratiques d’aération et de ventilation. En mobilisant ainsi les enseignants et les élèves, Lille a créé un environnement éducatif autour de la QAI, favorisant une prise de conscience collective des enjeux liés à l’air intérieur​.

    ADEME : Mesurer pour agir

    L’ADEME, en tant que partenaire de l’expérimentation, a souligné l’importance de la mesure continue de la QAI pour une gestion optimale. L’agence recommande aux gestionnaires de bâtiments de s’équiper de capteurs de surveillance afin d’ajuster la ventilation en fonction des niveaux de CO₂, de particules fines et de COV. La mesure en temps réel permet aux responsables de mieux comprendre les sources de pollution et d’optimiser l’aération en fonction de l’occupation réelle du bâtiment, limitant ainsi la surventilation et les dépenses énergétiques inutiles​.

    À la lumière des résultats et des retours d’expérience, plusieurs recommandations pratiques émergent pour aider les gestionnaires de bâtiments tertiaires à améliorer la QAI tout en maîtrisant leur consommation énergétique.

    Recommandations pour une meilleure QAI

    1. Suivre en continu les niveaux de polluants : Installer des capteurs de CO₂, de COV et de PM2.5 pour monitorer la QAI en temps réel. Cela permet d’ajuster la ventilation en fonction de l’occupation réelle et des niveaux de pollution.
    2. Contrôler les sources de pollution intérieure : Réduire les émissions à la source en utilisant des produits faibles en COV (peintures, matériaux de construction, produits d’entretien) et en optimisant l’ameublement pour limiter les polluants émis par les matériaux.
    3. Optimiser la ventilation : Ventiler de manière contrôlée en fonction des horaires d’occupation et des niveaux de pollution extérieure. Cette stratégie permet de maintenir une bonne QAI tout en évitant une ventilation excessive, qui peut accroître les coûts énergétiques.
    4. Sensibiliser les occupants : Impliquer les usagers (salariés, élèves, enseignants) dans les pratiques d’aération et d’entretien, afin de renforcer les efforts de maintien de la QAI. Des initiatives comme l’installation de capteurs pédagogiques, comme l’a fait la Ville de Lille, peuvent sensibiliser les occupants et encourager de bonnes pratiques d’aération.

    Vers une généralisation des bonnes pratiques

    La mise en œuvre de ces recommandations peut transformer la gestion des bâtiments tertiaires en un modèle de durabilité, où la santé des occupants et la sobriété énergétique coexistent harmonieusement. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel d’adopter une approche proactive et continue, qui intègre la mesure et le suivi de la QAI, l’optimisation de la ventilation et une réduction des sources de pollution. L’expérimentation menée par l’IFPEB et le Cerema montre que cette transition est non seulement possible, mais aussi bénéfique pour tous les acteurs impliqués.


    Vers une gestion durable de l’Air Intérieur dans le Tertiaire

    Le projet mené par l’IFPEB et le Cerema nous offre des perspectives nouvelles et inspirantes pour la gestion de la qualité de l’air intérieur dans les bâtiments tertiaires. Grâce à cette étude, il est désormais clair que la QAI et l’efficacité énergétique ne sont pas incompatibles ; au contraire, elles peuvent être gérées de manière complémentaire avec les bonnes pratiques et les technologies appropriées.

    Résumé des points clés

    • La QAI est cruciale pour la santé des occupants, surtout dans les établissements recevant un public sensible comme les écoles.
    • Des solutions simples mais efficaces, comme la réduction des sources de pollution, une ventilation au bon moment et des systèmes de filtration avancée, permettent de concilier QAI et sobriété énergétique.
    • L’implication des acteurs – gestionnaires, occupants, et partenaires – est essentielle pour un succès à long terme.

    Les gestionnaires et les responsables de bâtiments tertiaires ont aujourd’hui à leur disposition des outils et des stratégies qui facilitent la gestion de la QAI sans compromettre l’efficacité énergétique. En adoptant ces pratiques, ils peuvent non seulement protéger la santé des occupants, mais aussi réduire leur empreinte énergétique. Cette approche, soutenue par des acteurs engagés comme l’IFPEB, le Cerema, et l’ADEME, trace un chemin vers une gestion plus durable et résiliente des bâtiments.

    Avec l’évolution des réglementations et l’augmentation des attentes en matière de santé publique, il est maintenant crucial pour le secteur tertiaire de prendre des mesures concrètes pour intégrer la QAI dans ses objectifs de durabilité. En alliant bien-être des occupants et performance énergétique, cette vision offre un modèle durable pour les bâtiments de demain.


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