C’est une évolution attendue par de nombreux professionnels : le diagnostic de performance énergétique (DPE) prend enfin en compte les particularités du bâti traditionnel et patrimonial. Publié en mars 2025 par le ministère du Logement, sous l’égide de la DHUP et réalisé par le Cerema, un nouveau guide s’adresse directement aux diagnostiqueurs et auditeurs énergétiques. Objectif : mieux accompagner les interventions sur des constructions anciennes, souvent inadaptées aux recommandations standards.
Ce guide, fruit d’une collaboration avec le ministère de la Culture et les acteurs de terrain, s’inscrit dans le plan gouvernemental de restauration de la confiance dans le DPE, porté par la ministre Valérie Létard. Il propose des solutions techniques concrètes pour adapter les recommandations de travaux sans altérer les qualités intrinsèques de ces bâtiments.
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Ce qui change avec le guide 2025
La méthode de calcul du DPE reste inchangée pour garantir sa robustesse. En revanche, le guide précise que certains paramètres d’entrée peuvent être ajustés afin de refléter fidèlement les caractéristiques des matériaux anciens (terre crue, pierre, bois massif, etc.).
Par exemple, la conductivité thermique d’un mur en pisé ou en pierre ne peut être assimilée à celle d’un mur en béton. Ces différences doivent être correctement intégrées dans le modèle de calcul.
Les recommandations de travaux, elles, doivent être spécifiques pour éviter les désordres tels que l’humidité ou les moisissures. Le guide invite ainsi à une approche plus qualitative, en tenant compte du comportement hygrothermique du bâti. Il rappelle aussi que les recommandations doivent rester réalistes et faisables, compte tenu des contraintes patrimoniales et techniques.
Cette approche pragmatique s’appuie sur un constat simple : appliquer des standards modernes à un bâti conçu selon des logiques bioclimatiques anciennes peut être contre-productif.
Le guide cherche donc à concilier performance énergétique, fiabilité du DPE, et respect du patrimoine. Un équilibre souvent difficile à atteindre, mais indispensable pour répondre aux enjeux climatiques sans sacrifier l’identité architecturale des territoires.
Pourquoi les bâtiments anciens demandent plus d’attention
Ces constructions, souvent antérieures à 1948, présentent des caractéristiques particulières : forte inertie thermique, régulation naturelle de l’humidité, ventilation passive… Autant d’éléments qui peuvent être altérés par des travaux inadaptés.
Par exemple, isoler un mur en pierre sans tenir compte de sa perméabilité peut générer de la condensation interne, voire des moisissures. Ce type de pathologie peut apparaître très rapidement après les travaux, compromettant à la fois le confort des habitants et la durabilité du logement.
Le guide distingue plusieurs cas : bâti protégé (classé ou inscrit), bâti situé en site patrimonial ou espace protégé (ABF, PLU), et bâti traditionnel non protégé mais présentant des caractéristiques techniques spécifiques.
Dans tous les cas, il appelle à une analyse fine du contexte avant toute recommandation. Une maison créole en bois et torchis, un immeuble haussmannien ou une ferme en pierre sarthoise n’ont pas les mêmes réponses techniques, même si leur classification administrative est identique.
Ce que les pros doivent retenir avant de faire leurs recommandations
Le guide insiste sur une étape souvent négligée : le diagnostic préalable de l’état initial du bâti. Avant de préconiser un bouquet de travaux, il est essentiel de comprendre le fonctionnement thermique du logement, ses pathologies éventuelles, et les interactions entre ses composants (murs, toiture, ventilation, menuiseries…). Ce diagnostic n’est pas une formalité : il constitue le socle de toute intervention cohérente.
Les recommandations doivent ensuite être adaptées au matériau : on ne traite pas un mur en pisé comme un mur en béton. Des solutions compatibles existent, et le guide en présente plusieurs : correction thermique au lieu d’une isolation lourde, ventilation douce, utilisation de matériaux perspirants, etc.
Il propose également des valeurs de référence pour les conductivités thermiques et les niveaux de performance attendus. L’objectif n’est pas d’atteindre absolument le niveau BBC, mais d’engager une trajectoire d’amélioration durable.
Les erreurs à éviter pour ne pas abîmer un bâtiment ancien
Certains gestes, bien qu’intentionnés, peuvent faire plus de mal que de bien. Le guide met en garde contre plusieurs erreurs fréquentes :
- Supprimer la ventilation naturelle sans compensation adaptée
- Poser une isolation par l’intérieur non perspirante
- Installer une PAC sans adapter les émetteurs existants
- Calfeutrer excessivement les ouvertures sans traitement de l’humidité
Ces interventions, mal ajustées, peuvent entraîner des pathologies lourdes dans le bâti. C’est pourquoi le guide recommande de penser les travaux dans leur globalité, voire par étapes si le budget ou le contexte le justifie. Dans un projet de rénovation, l’ordre des interventions est souvent aussi important que les matériaux choisis.
Des gestes simples qui peuvent tout changer
Améliorer la performance énergétique d’un logement ancien ne passe pas toujours par de gros travaux. Le guide propose aussi des mesures simples, efficaces et compatibles :
- Améliorer l’étanchéité à l’air par des joints souples
- Installer des protections solaires extérieures pour le confort d’été
- Optimiser le fonctionnement des systèmes existants (régulation, programmation)
- Ventiler mieux plutôt que ventiler plus
Ces gestes, bien pensés, peuvent réduire la consommation tout en préservant le caractère du logement. Le guide insiste : une rénovation réussie est d’abord une rénovation adaptée, pas nécessairement une rénovation lourde.
À Consulter
le Guide diagnostic de performance énergétique et audit énergétique dans les logements
Vers un DPE plus intelligent, plus respectueux, plus utile
Avec ce guide, le ministère du Logement pose un jalon important : celui d’un DPE qui gagne en finesse et en pertinence. Pour les professionnels, c’est un outil qui clarifie les zones grises et encourage une approche plus qualitative des recommandations.
Comme le rappelle Valérie Létard : « Il est essentiel d’intégrer le bâti ancien dans la transition énergétique, et des solutions adaptées existent pour y parvenir efficacement. »
Reste à inscrire cette nouvelle lecture du DPE dans les formations et les pratiques professionnelles, pour que l’ensemble du parc bâti puisse bénéficier d’une rénovation cohérente, durable et respectueuse.