Une union historique pour lutter contre le travail illégal dans le BTP

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Aujourd’hui vendredi 21 février 2025, une convention de partenariat pour la lutte contre le travail illégal dans le secteur du BTP a été signée au Squash Hôtel. Ce qui frappe, c’est la présence conjointe et engagée de tous les acteurs concernés : représentants de l’État, organisations patronales, syndicats de salariés, institutions sociales et justice. C’est l’une des premières fois que l’on voit une telle unité entre les différents partenaires sociaux et économiques, preuve que la question du travail illégal est un enjeu majeur pour la Martinique et pour l’ensemble de la société.

En fin d’article, nous avons une question à poser aux Syndicats professionnels, à l’État à la CGSS et à la DEETS.

Un problème structurel qui affecte toute l’économie

Le travail illégal, en particulier dans le BTP, engendre de lourdes conséquences pour les travailleurs, les entreprises et les finances publiques. En Martinique, cette pratique est courante sous forme de « job », c’est-à-dire d’embauche non déclarée, privant les salariés de leurs droits et faussant la concurrence entre entreprises.

Selon Aurélien Adam, secrétaire général de la préfecture,

« Le travail dissimulé représente un manque à gagner considérable pour notre système de protection sociale, évalué à plusieurs milliards d’euros au niveau national ».

Le plan de lutte mis en place au niveau national et local entend agir par des contrôles renforcés, des sanctions et des actions de prévention.

Yannick Decompois, directeur de la DEETS Martinique, a insisté sur le caractère prioritaire de cette lutte :

« Nous avons aujourd’hui une responsabilité collective. Il s’agit de protéger les travailleurs, d’assainir le secteur et de garantir que les entreprises respectueuses des règles ne soient pas pénalisées par des pratiques frauduleuses. »

Yannick DECOMPOIS, directeur DEETS Martinique

Une convention pour encadrer et agir efficacement

La convention signée ce jour repose sur plusieurs piliers essentiels :

  • Des contrôles ciblés et renforcés : L’Inspection du Travail, la CGSS et les forces de l’ordre vont accentuer la surveillance sur les chantiers pour détecter et sanctionner les infractions.
  • Une sensibilisation de tous les acteurs : Les maîtres d’ouvrage, les entreprises et les particuliers seront mieux informés de leurs obligations et des risques encourus.
  • Une responsabilité partagée : Les donneurs d’ordre publics et privés seront sensibilisés à leur obligation de vigilance lorsqu’ils font appel à des sous-traitants.

Viviane Belhumeur, cheffe du pôle travail à la DEETS Martinique, souligne que

« Chacun a un rôle à jouer dans cette lutte, des grandes entreprises aux particuliers qui doivent comprendre l’intérêt de faire appel à des prestataires en règle ».

Viviane Belhumeur, chef du pôle travail à la DEETS Martinique

Un secteur en danger : des travailleurs précaires et une image dégradée

Le travail illégal n’affecte pas seulement les finances publiques, il met en péril la vie des travailleurs eux-mêmes. Michel Bouville, secrétaire général de la CSTM, rappelle que

« 90 % des travailleurs du BTP en Martinique sont âgés et beaucoup partiront à la retraite avec des pensions dérisoires, faute d’avoir été déclarés correctement ».

Michel Bouville, secrétaire général CSTM

Jean-Yves Bonnaire, secrétaire général de la FRBTP Martinique, met en avant l’enjeu d’image pour le secteur :

« Cela fait des années que nous souffrons de cette situation qui donne une mauvaise réputation au BTP. Si nous voulons attirer de nouveaux talents et assurer l’avenir du secteur, nous devons impérativement mettre fin à ces pratiques. »

La justice et l’État en première ligne

Pascale Ganozzi, procureure adjointe de la République, a rappelé que les sanctions encourues sont lourdes.

« Le travail dissimulé est une infraction grave qui peut mener à des amendes, des peines d’emprisonnement et même des saisies d’actifs pour les entreprises fautives »,

a-t-elle précisé. Elle a aussi insisté sur l’importance du Comité Opérationnel Départemental Anti-Fraude (CODAF), qui permet une coordination efficace des services de contrôle.

Nathalie Labonne-Labelle, responsable du contrôle des entreprises à la CGSS, a indiqué que

« Rien que pour 2024, plus de 600 000 euros ont été redressés dans le BTP en Martinique, preuve de l’ampleur du phénomène ».

Nathalie Labonne-Labelle, responsable du secteur contrôle des entreprises à la CGSS Martinique

Le rôle clé de la Caisse des Congés Payés du BTP

Leslie Marie-Joseph, directrice de la CIBTP, a expliqué que son organisme joue un rôle fondamental dans cette lutte, même s’il n’a pas directement vocation à contrôler le travail illégal.

« Nous assurons la gestion des congés payés des salariés du BTP et disposons de données précieuses sur les entreprises et les travailleurs. Ces informations sont régulièrement croisées avec celles des autres services pour détecter des incohérences et repérer des fraudes. »

Elle rappelle que la carte BTP, mise en place dès 2015, est un outil efficace pour identifier les travailleurs et s’assurer de leur déclaration.

« Nous avons été pionniers dans les départements d’Outre-mer avec cette carte, qui a ensuite été généralisée à toute la France. Aujourd’hui, nous devons encore renforcer son utilisation pour qu’aucun employeur ne puisse frauder impunément. »

Leslie Marie-Joseph, directrice de la CIBTP

Selon elle, la lutte contre le travail illégal est aussi une question de justice sociale :

« Il est impensable qu’en 2025, des salariés du BTP travaillent toute leur vie sans aucune protection et terminent leur carrière avec une retraite misérable. Nous devons nous battre pour eux. »

Un suivi rigoureux pour une lutte efficace

La convention 2025-2028 sera suivie par un comité de pilotage animé par la DEETS, qui évaluera régulièrement l’efficacité des actions mises en place. Tous les signataires s’engagent à travailler ensemble pour mettre fin à ces pratiques qui fragilisent le secteur du BTP en Martinique.

Cette signature marque une avancée très importante, mais le véritable défi reste sa mise en application et l’adhésion de tous à ces nouvelles règles. Le message est clair : l’ère de l’impunité touche à sa fin.

UNE QUESTION

Dans le cadre de cette lutte contre le travail illégal, comment distinguer l’entraide entre particuliers – un ami qui rend service contre une somme symbolique – et une véritable situation de travail dissimulé ? Concrètement, si un particulier est confronté à une urgence et ne trouve pas d’entreprise disponible pour un petit chantier, comment peut-il procéder légalement ? Avant, il existait les TTS (Titre Travail Service), mais aujourd’hui, quelles sont les solutions pour que le particulier soit en règle et que la personne qui l’aide soit protégée en cas d’accident ?

Delphine Hernandez de la Mano, adjointe de la cheffe du pôle travail DEETS Martinique

Paul-Emile BEAUSOLEIL, Secrétaire Général de La Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Jean-Yves Bonnaire et Paul-Emile Beausoleil
Yannick Decompois, directeur DEETS Martinique

 

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