Lors de sa conférence de presse du 17 décembre 2024, la Fédération française du bâtiment (FFB) a dressé un tableau alarmant de la situation du secteur. Avec une récession confirmée en 2024 et des prévisions encore plus sombres pour 2025, le BTP fait face à des défis sans précédent. L’effondrement des mises en chantier, la menace sur des milliers d’emplois, et l’incertitude économique appellent à une intervention urgente.
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Une crise sans précédent dans le BTP
« Quand on abandonne le logement, on abandonne les Français », a alerté Olivier Salleron, président de la FFB, lors de la dernière conférence de presse. Cette phrase résume l’ampleur des enjeux auxquels le secteur est confronté.
En 2024, le bâtiment a enregistré des chiffres alarmants. Les mises en chantier de logements neufs sont tombées à 250 000 unités, un niveau historiquement bas depuis 1953. Cette chute devrait se poursuivre en 2025, avec une prévision de seulement 240 000 logements.
Tous les segments sont touchés, des logements individuels aux logements collectifs, des parcs privés aux parcs sociaux. Olivier Salleron, président de la FFB, qualifie cette crise de « choc systémique », sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le non-résidentiel neuf subit également une contraction importante. En 2024, les surfaces commencées ont atteint un plus bas historique de 20,1 millions de mètres carrés. La tendance devrait se poursuivre en 2025, avec moins de 19 millions de mètres carrés prévus. Cette baisse affecte directement les collectivités locales et les projets privés, retardant toute reprise significative avant 2026.
L’amélioration-entretien, seule branche en légère croissance, progresse modestement (+0,9 % en 2025).
Olivier Salleron a déclaré que cette légère progression « masque des disparités profondes dues à l’attentisme des donneurs d’ordre ».
Cependant, cette croissance est insuffisante pour compenser les pertes des autres segments. La réforme manquée de MaPrimeRénov’ en 2024 a freiné les investissements dans la rénovation énergétique des logements, accentuant les disparités entre secteurs.
L’impact social et économique
Les conséquences sociales de la crise du BTP sont tout aussi alarmantes. En 2024, 30 000 postes ont déjé été supprimés, et 100 000 emplois supplémentaires sont menacés en 2025 si aucune mesure n’est prise. Cette hécatombe sociale touche à la fois les salariés permanents et les intérimaires, plongeant de nombreuses familles dans l’incertitude.
La faiblesse de la productivité dans le secteur, associée à une masse salariale disproportionnée par rapport au niveau d’activité, fragilise encore davantage les entreprises.
Les défaillances d’entreprises ont augmenté de 25 % en 2024, atteignant des niveaux comparables à ceux de 2016. Parallèlement, la demande de matériaux de construction s’est également effondrée : les volumes de béton prêt à l’emploi ont chuté de 12 %, et la production de granulats a reculé de 4 %.
Cette contraction frappe toute la chaîne de valeur du BTP, depuis les fournisseurs jusqu’aux constructeurs.
Enfin, les besoins structurels restent criants. Alors que les professionnels estiment qu’il faudrait construire 400 000 logements par an pour répondre à la demande, le secteur peine à en réaliser la moitié. Cette situation aggrave le mal-logement en France et pèse sur les perspectives économiques nationales.
Les attentes et revendications des fédérations
Face à cette crise, la FFB, ainsi que d’autres acteurs du bâtiment, appellent à l’adoption rapide d’une loi de finances pour 2025. Parmi les mesures prioritaires, elle demande :
- La réouverture du Prêt à taux zéro (PTZ), à tous les territoires et pour tous types de logements, afin de relancer les constructions neuves.
- L’exonération des droits de succession et donation jusqu’à 100 000 € pour l’acquisition d’une résidence principale neuve.
- La baisse de la Réduction de loyer de solidarité (RLS) et le dégel des aides à la rénovation énergétique du parc social.
- Le maintien du budget de MaPrimeRénov’ à 4,2 milliards d’euros, essentiel pour soutenir les rénovations énergétiques.
« Il est indispensable que le Prêt à taux zéro soit rétabli rapidement, sans quoi la relance des constructions restera un mirage », a insisté Olivier Salleron.
De son côté, la FNTP alerte sur le besoin de sécuriser les grands projets d’infrastructure, vitaux pour les territoires et générateurs d’emplois. La FRBTP, quant à elle, met en avant l’importance des dispositifs fiscaux spécifiques aux Outre-mer, comme la Lodeom, pour soutenir la compétitivité des entreprises ultramarines.
Les initiatives locales et ultramarines
Dans ce contexte difficile, certaines initiatives locales et ultramarines témoignent d’un dynamisme et d’une capacité de résilience malgré les contraintes nationales.
À La Réunion, la SIDR a livré en 2024 plusieurs programmes de logements sociaux qui intègrent des normes de durabilité et de confort thermique. Ces initiatives, notamment les projets emblématiques tels que les résidences Samat (62 logements) ou Papangues (44 logements), contribuent à répondre aux besoins de mixité sociale et d’intégration urbaine tout en renforçant le rôle de l’aménagement local.
Ces efforts ne sont pas isolés. La collaboration entre la SIDR, les collectivités locales, et les architectes régionaux illustre une synergie essentielle pour maintenir une activité dans les territoires d’Outre-mer.
En parallèle, la FRBTP a activement plaidé pour la préservation des dispositifs fiscaux spécifiques comme la Lodeom dans le cadre du PLFSS 2025. Ces exonérations de charges sociales sont vitales pour les entreprises ultramarines, qui font face à des coûts d’exploitation élevés et à une forte concurrence. Grâce à ces mesures, des milliers d’entreprises peuvent continuer à exercer dans un environnement économique particulièrement contraignant.
Perspectives pour l’avenir
Le secteur du BTP en France est confronté à une crise sans précédent. Les chiffres alarmants pour 2024 et 2025 révèlent un effondrement systémique, avec des conséquences sociales, économiques et environnementales graves. Les fédérations du secteur, appuyées par des initiatives locales, appellent à une intervention gouvernementale rapide et efficace.
Des mesures telles que le PTZ, le maintien de MaPrimeRénov’ et la simplification des règles administratives apparaissent comme indispensables pour stabiliser le secteur et lui redonner une dynamique positive. Sans action rapide, les perspectives de reprise avant 2026 resteront faibles, et le BTP, pilier de l’économie française, continuera de vaciller.