Après une baisse limitée de -0,9 % en 2023, l’activité dans le bâtiment s’est effondrée en 2024 avec une contraction de 6,6 % en volume. Le logement neuf, particulièrement touché, affiche une baisse d’activité de 21,9 %.
Une chute historique des mises en chantier est constaté : seulement 253 000 unités sur l’année, un niveau aussi bas n’avait plus été observé depuis 1954.
Selon la Fédération Française du Bâtiment (FFB), cet effondrement est symptomatique d’un marché à bout de souffle, confronté à des contraintes économiques et politiques majeures. Revenons en détail sur les causes, les conséquences et les perspectives de ce marasme sans précédent.
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Un effondrement historique du logement neuf
En 2024, les chiffres sont sans appel : le logement neuf traverse une crise profonde avec une activité en chute libre de 21,9 %. Les mises en chantier s’effondrent de 14,2 %, atteignant seulement 253 000 unités. Pour retrouver un tel niveau, il faut remonter à l’après-guerre, en 1954. La situation est d’autant plus alarmante que cette baisse est généralisée.
Le segment des logements individuels subit le plus fort recul, avec une chute de 23,7 % qui le fait passer sous la barre des 100 000 unités. Ce déclin s’explique notamment par la hausse des taux d’intérêt, qui freine l’accès au crédit pour les ménages. Les ventes des constructeurs de maisons individuelles continuent de s’effondrer.
En revanche, le logement collectif résiste mieux (-6,9 %), notamment grâce à des mesures temporaires. Action Logement et CDC Habitat ont racheté une partie du stock des promoteurs, offrant un répit temporaire au secteur. Cependant, cette aide ne pourra être pérennisée, laissant présager de nouvelles difficultés pour les années à venir.
Répercussions économiques et sociales
Cette crise du logement neuf a des effets en cascade sur l’ensemble de l’économie du bâtiment. L’emploi est directement impacté, avec une perte estimée à 30 000 postes en équivalent temps plein (ETP) sur l’année 2024. Malgré cette baisse, l’ajustement de l’emploi reste moindre par rapport à la contraction de l’activité (-6,6 %), ce qui accentue les problèmes de productivité.
Les entreprises de construction, quant à elles, parviennent pour l’instant à limiter la casse. La marge opérationnelle s’érode légèrement de 0,4 point pour s’établir à 20,5 %. Cela reste toutefois bien en deçà du niveau de 2019 (22,9 %), avant les crises successives. Les coûts des matériaux ont reculé de 2 % en moyenne, ce qui a quelque peu amorti l’impact économique.
Pour les acteurs du logement, les répercussions sont encore plus lourdes. La pénurie de logements neufs accentue les tensions dans les zones les plus demandées. Le retard dans les politiques de soutien au logement aggrave la situation, tandis que les projets d’habitat social sont également ralentis.
Un secteur non-résidentiel à l’arrêt
Le non-résidentiel neuf, lui aussi, subit une chute importante de 7,4 % en 2024. Cette baisse est la conséquence d’une diminution des surfaces commencées, déjà en recul de 15 % en 2023, suivie de -10,1 % en 2024. Avec seulement 20,1 millions de mètres carrés engagés, le secteur atteint un plancher inédit depuis 1986.
Tous les segments du non-résidentiel sont concernés. Les locaux administratifs, les bureaux, les bâtiments commerciaux… Aucun ne fait exception, malgré la stabilité des bâtiments publics, soutenus par des programmes d’investissement déjà lancés. Cependant, ce dernier segment pourrait rapidement être impacté si les collectivités locales, confrontées à des incertitudes budgétaires, ralentissent leurs projets futurs.
L’entretien-amélioration : un moteur fragile
Seule l’activité d’entretien-amélioration affiche une légère croissance en 2024 (+1,2 %), bien qu’à un rythme deux fois moindre que l’année précédente. La rénovation des logements, en particulier, reste pénalisée par la réforme ratée de MaPrimeRénov’, qui a freiné les demandes sur les cinq premiers mois de l’année. De plus, le recul des transactions de logements anciens réduit le nombre de projets de rénovation immédiats.
À l’inverse, la rénovation non-résidentielle maintient un rythme soutenu (+2 %), grâce aux premiers effets de l’audit énergétique tertiaire et au programme de rénovation énergétique des écoles. Cependant, cet élan pourrait s’essouffler face à l’attentisme général des investisseurs en 2025.
Des perspectives 2025 encore sombres
L’année 2025 ne s’annonce guère plus favorable pour le bâtiment. La Fédération Française du Bâtiment prévoit une nouvelle contraction de l’activité, estimée à -5,6 %. Les mises en chantier devraient encore reculer, atteignant un nouveau plus bas à 239 000 unités.
Plusieurs facteurs continueront de peser sur le secteur :
- Un amont de filière toujours dégradé, avec des ventes de maisons individuelles et de logements collectifs en forte baisse.
- L’absence de loi de finances pour 2025, suite à la chute du gouvernement Barnier, qui retarde les mesures de soutien au logement.
- Des conditions de crédit toujours contraignantes, malgré un environnement macrofinancier plus stable.
Sur le front de l’emploi, le décrochage devrait s’intensifier avec près de 100 000 postes menacés. Cet ajustement, longtemps retardé, semble désormais inévitable pour les entreprises du bâtiment.
Source : Fédération Française du Bâtiment (FFB)