Les 30 et 31 janvier 2025, le colloque « Martinique Attractive », organisé par le Groupe L’Ouverture, a réuni élus, experts et citoyens autour d’un enjeu majeur : renforcer l’attractivité économique, sociale et culturelle du territoire.
À l’heure où la Martinique s’apprête à devenir membre associé de la CARICOM, Jean-Yves Bonnaire, président de Contact-Entreprises et secrétaire général du syndicat du BTP en Martinique, a proposé une analyse comparative éclairante entre la Martinique et les îles voisines des Petites Antilles.
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Diagnostic : 4 marqueurs d’attractivité clés
Jean-Yves Bonnaire a identifié 4 facteurs cruciaux influençant l’attractivité régionale :
1. Le coût du travail
Le coût du travail en Martinique est nettement supérieur à celui des îles de l’OECS (Organisation of Eastern Caribbean States), avec un écart de 4 à 6 fois.
À Sainte-Lucie, par exemple, le salaire minimum est de 1 130 dollars US par mois (environ 18,20 euros par jour ou 2,28 euros de l’heure), comparé à un SMIC français de 11,88 euros par heure.
Ce différentiel se traduit également par des charges salariales élevées, pouvant atteindre jusqu’à 45 % des coûts d’exploitation dans des secteurs comme l’hôtellerie, contre 15 % chez les voisins.
En revanche, la durée légale de travail est de 40 heures hebdomadaires dans les îles voisines, avec des congés payés limités à 2 semaines après 5 ans d’ancienneté et 3 semaines ensuite.
2. Les conditions d’accueil et la fiscalité des investissements étrangers
Le cadre réglementaire et fiscal martiniquais, en partie lié à son statut de région européenne, impose des contraintes complexes aux investisseurs étrangers.
Cependant, certaines îles de la région offrent des régimes fiscaux plus attractifs, avec des avantages pour les investissements directs étrangers. Cela permet à ces îles de compétitionner efficacement sur le marché des investissements.
3. La disponibilité de main-d’œuvre qualifiée
Le traité de Chaguaramas (1973) permet la libre circulation des travailleurs qualifiés au sein de la CARICOM. Les professions concernées incluent les diplômés universitaires, artistes, musiciens, travailleurs des médias, sportifs, enseignants, artisans, infirmiers, travailleurs agricoles et agents de sécurité. Cette mobilité favorise une plus grande compétitivité régionale mais crée également une pression migratoire sur certains secteurs martiniquais.
4. La conflictualité sociale
Les tensions sociales récurrentes restent un frein majeur à l’attractivité économique. Ces tensions, souvent liées aux revendications salariales ou aux conditions de travail, incitent certains investisseurs à privilégier des destinations perçues comme plus stables.
Dans ce contexte, la Martinique doit oeuvrer pour améliorer le dialogue social afin de sécuriser les investissements à long terme.
Entre concurrence et coopération : quel équilibre ?
La Martinique fait face à une forte concurrence régionale, les îles voisines disposant d’atouts compétitifs comme un coût du travail plus bas ou une fiscalité allégée.
Toutefois, ces avantages s’accompagnent de faiblesses, notamment en termes de protection sociale et d’infrastructures.
Jean-Yves Bonnaire a souligné que la Martinique devait cibler une attractivité spécifique et qualitative, en valorisant ses points forts, comme son appartenance à l’Union européenne.
La coopération régionale offre des opportunités prometteuses : mutualisation des compétences, partenariats économiques ou encore projets de développement durable.
Par exemple, le secteur touristique pourrait bénéficier d’une stratégie coordonnée entre les îles pour attirer différents profils de visiteurs.
Vers une attractivité ciblée et durable
Pour renforcer son attractivité, la Martinique doit miser sur plusieurs leviers stratégiques :
- Encourager l’innovation dans les secteurs à forte valeur ajoutée, notamment les énergies renouvelables et le BTP.
- Exploiter les opportunités liées au statut européen, telles que les subventions pour des projets structurants.
- Simplifier le cadre fiscal afin d’attirer davantage d’investissements étrangers.
- Mettre en avant des initiatives emblématiques, à l’image du Parc naturel marin de la Martinique, qui renforce l’écotourisme et la préservation des ressources naturelles.
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Transformer les défis en opportunités
L’intervention de Jean-Yves Bonnaire a permis de mettre en lumière les enjeux majeurs liés à l’attractivité économique de la Martinique.
Face à une concurrence accrue dans la Caraïbe, le territoire doit capitaliser sur ses atouts tout en corrigeant ses faiblesses. L’intégration à la CARICOM représente une chance unique de développer des partenariats solides et de réinventer son modèle de développement.
L’analyse de Bonnaire a permis de mettre en évidence que l’attractivité repose sur une stratégie adaptée aux réalités locales, en combinant un positionnement régional ciblé et des réformes structurelles.