40 % de réduction énergétique d’ici 2030 : le secteur tertiaire est-il prêt ?

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réduction énergétique tertiaire

Le secteur tertiaire se trouve face à un défi de taille. La loi Élan impose des réductions drastiques d’énergie pour les bâtiments de plus de 1 000 m² d’ici 2050. Objectif : une diminution de 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040, et 60 % d’ici 2050 par rapport à une référence prise entre 2010 et 2019. Le tertiaire représente 17 % de la consommation énergétique française, soit environ 265 TWh en 2021. Ces mesures cherchent à limiter son impact écologique et à encourager les entreprises à consommer mieux. Alors, où en est ce secteur ? La plateforme OPERAT de l’ADEME, lancée pour suivre la consommation énergétique des bâtiments, apporte les premiers éléments de réponse.

Des premiers résultats contrastés pour 2021-2022

Grâce aux déclarations recueillies, on observe une réduction d’environ 22 % des consommations d’énergie entre 2010 et 2022. Si cette baisse est encourageante, elle reste partielle. Elle est aussi marquée par des événements imprévus. En 2020, la pandémie a considérablement diminué l’activité des bâtiments tertiaires, entraînant une baisse conjoncturelle des consommations. Mais cette tendance s’est inversée en 2021 avec un retour à l’activité. La consommation a alors augmenté de 7 %. La crise énergétique de 2022 a néanmoins entraîné une nouvelle baisse des consommations, mais une partie de cette réduction est due aux hausses de prix qui ont freiné la consommation d’énergie.

OPERAT permet également de mieux comprendre comment les différentes catégories d’activités consomment. Les bureaux, la logistique et l’enseignement dominent les surfaces et les volumes déclarés. Par ailleurs, les data centers, bien que représentant moins de 1 % de la surface, consomment 2,2 % de l’énergie totale, ce qui souligne leur intensité énergétique élevée.

Des pratiques de réduction énergétique en rodage

Les premières données OPERAT montrent que le secteur tertiaire s’adapte, mais à un rythme inégal. Les grandes entreprises et institutions publiques ont bien amorcé des pratiques de réduction, souvent grâce à des politiques internes de sobriété énergétique. Les bureaux réduisent leur consommation d’électricité par des aménagements technologiques, comme les capteurs et l’automatisation de l’éclairage. Certains centres commerciaux ferment des parties de leurs locaux ou abaissent la température ambiante pour économiser.

Mais ces pratiques restent pour l’instant concentrées dans les grandes agglomérations, comme Paris, Lyon ou Marseille. Dans les villes moins peuplées, les progrès sont plus lents. Les établissements médicaux et éducatifs, soumis à des besoins en énergie spécifiques, peinent aussi à adopter des mesures de réduction importantes, faute de budgets adaptés.

Des obstacles techniques et financiers

Pour atteindre 40 % de réduction d’ici 2030, le secteur tertiaire devra faire face à plusieurs obstacles. D’abord, il y a la complexité technique des rénovations. Tous les bâtiments ne sont pas adaptés aux technologies les plus efficaces, et les coûts de transformation peuvent être prohibitifs, surtout pour les petites entreprises. Les investissements initiaux pour installer des systèmes économes en énergie restent un frein majeur.

Viennent ensuite les tensions sur le marché de l’énergie. L’année 2022, marquée par une flambée des prix de l’énergie, a poussé de nombreuses entreprises à réduire leur consommation. Toutefois, cette réduction n’est pas toujours synonyme de durabilité. Certaines organisations réduisent par nécessité économique et non par choix écologique. Une reprise des prix à la baisse pourrait donc inverser les tendances actuelles.

Des adaptations réglementaires et des aides encore limitées

Pour soutenir ces objectifs, des aides existent, mais elles sont souvent trop complexes ou insuffisantes. L’ADEME propose plusieurs dispositifs de subventions et d’accompagnement, mais les démarches restent lourdes. De nombreux acteurs déplorent également le manque d’incitations fiscales directes. Les autorités locales, par exemple, ne disposent pas toujours des budgets pour inciter les entreprises à investir dans l’efficacité énergétique.

Les seuils de consommation, fixés en valeur absolue par OPERAT, posent également problème à certains acteurs. Les variations climatiques annuelles influencent fortement la consommation des bâtiments tertiaires, particulièrement ceux mal isolés. Un hiver rude peut ainsi entraîner une augmentation ponctuelle des consommations, sans que cela traduise un manque d’effort en termes de réduction énergétique.

Atteindre les 40 % de réduction : une route encore longue

Pour réaliser les objectifs de 2030, il est clair que les efforts actuels ne suffiront pas. Il faudra aller plus loin. Des innovations sont attendues dans les systèmes de gestion de l’énergie, comme le déploiement des réseaux électriques intelligents (smart grids) et des technologies plus efficientes. La diversification du mix énergétique, en augmentant la part des énergies renouvelables, pourrait également alléger la facture énergétique du tertiaire. Mais l’investissement dans ces innovations ne sera réalisable que si les acteurs du secteur reçoivent des soutiens financiers et réglementaires plus affirmés.

Le chemin vers une réduction de 40 % d’ici 2030 reste donc ambitieux et semé d’embûches, mais il est essentiel pour répondre aux enjeux climatiques et réduire la dépendance énergétique du pays. Le secteur tertiaire devra redoubler d’efforts, et le soutien de l’État, autant que l’engagement des entreprises, sera déterminant pour y parvenir.


Données : PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE DU PARC TERTIAIRE Quel bilan de l’utilisation de la plateforme OPERAT en 2022-2023 ? Analyses et enseignements

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