Un urbanisme mieux pensé, des territoires adaptés aux réalités locales, des projets enfin viables : c’est l’ambition affichée par le rapport « Ensemble, refaire ville. Pour un renouvellement urbain résilient des quartiers et des territoires fragiles ».
Remis en février 2025 au ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, ce rapport a pour objectif de mettre à jour la politique de renouvellement urbain pour l’adapter aux enjeux actuels.
S’il s’adresse à l’ensemble du territoire français, il dédie un volet spécifique aux territoires ultramarins, confrontés à des fragilités particulières.
Entre pression foncière, infrastructures inadaptées et vulnérabilité climatique, ces territoires font face à des défis majeurs. Le document propose plusieurs solutions pour mieux accompagner les collectivités ultramarines. Mais concrètement, qu’en retenir ?
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Pourquoi l’Outre-mer a besoin d’une nouvelle approche urbaine ?
L’urbanisme en Outre-mer est confronté à des défis croissants, entre pression foncière, transformations démographiques et vulnérabilité climatique.
En Guadeloupe et en Martinique, le vieillissement rapide de la population redéfinit les besoins en infrastructures et en logements. D’ici 2030, les plus de 60 ans pourraient représenter 40 % de la population martiniquaise et 35 % en Guadeloupe.
Cette évolution impose d’adapter les infrastructures pour garantir une meilleure accessibilité et répondre aux attentes des seniors.
Dans le même temps, l’habitat informel s’impose comme un enjeu central. L’absence de régularisation foncière et la précarité du bâti compliquent la structuration de projets de rénovation urbaine efficaces.
En 2017, près de 100 000 logements indignes étaient recensés dans les DROM, avec des concentrations élevées à Mayotte et en Guyane.
Ce constat met en évidence la nécessité d’une planification urbaine plus rigoureuse et d’un accompagnement renforcé des collectivités pour structurer des projets de rénovation adaptés aux spécificités locales.
Face à ces enjeux, une refonte des politiques de renouvellement urbain devient incontournable.
Le rapport insiste sur une approche intégrée qui allie ingénierie locale, maîtrise foncière et coordination des acteurs. Pour y parvenir, un renforcement des moyens techniques et une meilleure synergie entre collectivités, acteurs du BTP et services de l’État seront essentiels afin de garantir des projets durables, cohérents et adaptés aux réalités ultramarines.
Des solutions concrètes pour des territoires plus résilients
Face à ce constat, le rapport propose des recommandations ciblées pour mieux structurer les politiques de renouvellement urbain en Outre-mer.
1. Un soutien technique renforcé pour accélérer les projets
Obtenir un accompagnement technique de qualité est souvent le premier défi des collectivités. Trop de communes peinent à trouver les compétences nécessaires pour structurer leurs projets.
Actuellement, les services techniques locaux sont souvent sous-dotés, ce qui ralentit les études et la mise en œuvre des programmes de rénovation.
Le rapport préconise de renforcer les dispositifs d’ingénierie locale en créant des cellules techniques dédiées dans chaque collectivité. Cela permettrait de mieux préparer les dossiers, faciliter l’obtention des financements et encadrer les travaux avec des expertises adaptées aux contraintes ultramarines.
2. Foncier : une meilleure maîtrise pour sortir des blocages
Le manque de terrains disponibles freine les projets de logement et d’aménagement. Entre spéculation foncière, morcellement des parcelles et coûts élevés du foncier, le développement urbain est souvent contraint.
Les collectivités se retrouvent parfois dépendantes d’initiatives privées ou de procédures complexes pour acquérir du foncier adapté à leurs besoins.
Parmi les solutions envisagées :
- Renforcer le rôle des Établissements Publics Fonciers (EPF) pour mieux réguler l’achat et l’aménagement des terrains.
- Créer des outils juridiques spécifiques aux Outre-mer pour sécuriser le foncier et éviter la spéculation.
- Favoriser le recyclage urbain en rénovant des friches et en optimisant l’usage des espaces déjà construits.
3. Faire de la résilience climatique une priorité
Cyclones, montée des eaux, sécheresses… L’Outre-mer est en première ligne face aux dérèglements climatiques. Pourtant, nombre d’infrastructures restent mal adaptées à ces réalités.
Le rapport propose d’imposer des critères stricts de résilience climatique dans tous les projets de renouvellement urbain. Cela signifie :
- Favoriser des matériaux adaptés aux climats tropicaux, réduisant les effets de chaleur et résistant aux conditions extrêmes.
- Encourager des constructions plus résilientes aux tempêtes et aux fortes précipitations.
- Intégrer des solutions naturelles dans l’urbanisme : végétalisation des espaces publics, meilleure gestion des eaux pluviales, réduction des îlots de chaleur.
4. Des financements et des acteurs mieux coordonnés
Aujourd’hui, les dispositifs d’aides sont trop dispersés, rendant leur mobilisation complexe. Trop d’intermédiaires, trop de démarches. Ce manque de clarté freine le lancement des projets.
Le rapport recommande :
- Une simplification des financements via une plateforme unique de suivi des dossiers.
- Un pilotage renforcé entre l’État et les collectivités pour assurer un suivi plus efficace des engagements financiers.
- Une meilleure coordination des acteurs (bailleurs sociaux, entreprises du BTP, agences de l’État) pour éviter la dispersion des efforts et garantir des projets cohérents.
Quelles suites pour cette nouvelle feuille de route ?
Ce document va-t-il réellement changer la donne pour l’Outre-mer ? C’est toute la question. Les recommandations sont là, mais leur application dépendra des décisions du gouvernement et des collectivités.
Si ces mesures sont mises en œuvre, elles pourraient transformer durablement l’aménagement des territoires ultramarins.
Mieux planifier les villes, encadrer la construction, renforcer l’expertise locale… autant d’axes qui pourraient rendre ces territoires plus résilients et mieux adaptés aux défis climatiques et sociaux.
Pour les professionnels du BTP et de l’aménagement, ces orientations impliquent une évolution des pratiques : travailler davantage en concertation avec les collectivités, intégrer de nouveaux critères environnementaux et s’adapter à une planification plus maîtrisée.
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Les pistes proposées sont ambitieuses, pragmatiques, et surtout adaptées aux réalités des territoires ultramarins. Mais restent-elles sur le papier ou seront-elles suivies d’actions concrètes ?
Les prochains mois seront décisifs. Ce document servira-t-il de base à une transformation réelle du renouvellement urbain en Outre-mer ? La réponse dépendra des décisions à venir.