Lors du Salon des Maires et des Collectivités Locales 2024 (SMCL), Action Logement a réuni élus locaux et experts dans un podcast intitulé « Produire du logement durable pour construire la ville ultramarine de demain« .
Animé par Frédéric Duval, cet échange a permis à Serge Smock, maire de Matoury (Guyane), Patrice Thien Ah Koon, maire du Tampon (La Réunion), et Koumaran Pajaniradja, Directeur général d’Action Logement IMO, de confronter leurs perspectives.
Le débat s’est articulé autour d’une question cruciale : comment répondre aux besoins croissants en logement dans les territoires ultramarins tout en respectant leurs spécificités économiques, culturelles et climatiques ?
Enjeux, freins et solutions ont été au cœur de cette discussion pour imaginer une ville ultramarine durable et inclusive.
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Une situation critique dans les territoires ultramarins
Les territoires ultramarins partagent une pression commune : répondre à des besoins en logement croissants dans un contexte de contraintes économiques et sociales spécifiques.
En Guyane
Serge Smock, maire de Matoury, a décrit une situation alarmante.
Avec 53 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et un taux de chômage deux fois supérieur à celui de la métropole, le territoire affiche un déficit de 50 000 logements.
Actuellement, seulement 2 000 constructions annuelles sont réalisées, loin de l’objectif de 4 500 nécessaires pour répondre à la demande.
À cela s’ajoutent des problématiques foncières complexes : 90 % des terres appartiennent à l’État, et l’aménagement reste insuffisant.
À La Réunion
Patrice Thien Ah Koon, maire du Tampon, a souligné la tension sur l’offre : pour chaque logement disponible, six candidats se présentent.
Ce chiffre reflète une transformation sociologique marquée par la décohabitation et le vieillissement de la population.
La topographie unique de l’île, allant de 400 à 2 000 mètres d’altitude, exige une diversité de solutions adaptées à ces variations.
Des freins à lever pour avancer
Les élus et experts présents ont également détaillé les obstacles structurels qui ralentissent la production de logements :
- Accès au foncier : En Guyane, les terres non aménagées et la rétention foncière par l’État compliquent les projets.
- Normes inadaptées : Les réglementations européennes appliquées aux Outre-mer ne tiennent pas toujours compte des spécificités locales, augmentant les coûts de production.
- Délais de construction : À La Réunion, il faut compter quatre ans entre la décision de construire et la livraison des logements.
- Coût de la vie : Les territoires ultramarins sont confrontés à une vie chère, impactant le prix des matériaux et la faisabilité des projets.
Vers des solutions durables et inclusives
Malgré ces défis, des initiatives ambitieuses émergent pour relever ces enjeux et garantir un logement accessible à tous.
En Guyane, des outils comme le Plan Intercommunal de Lutte contre l’Habitat Indigne (PILI) ciblent les zones de logement insalubre. La création d’une Société Publique Locale (SPL) renforce l’ingénierie territoriale, permettant de piloter des projets avec une plus grande indépendance.
À La Réunion, la stratégie repose sur deux axes majeurs :
- L’inclusion des logements aidés dans les centres-villes pour renforcer leur attractivité et éviter les concentrations.
- La promotion de l’accession à la propriété pour limiter la dépendance au logement social sur plusieurs générations.
L’engagement d’Action Logement joue également un rôle clé.
Koumaran Pajaniradja, Directeur général d’Action Logement IMO, a rappelé l’importance d’intégrer les enjeux climatiques et sociologiques dans la production de logements.
Des projets comme la filiale SIFAG en Guyane, dédiée à la réhabilitation et à la construction neuve, illustrent cette volonté de s’adapter aux besoins locaux.
Construire la ville ultramarine de demain
Les participants s’accordent sur la nécessité de penser à long terme pour bâtir des villes durables et inclusives.
Des outils comme les Plans Locaux de l’Habitat (PLH) permettent de mieux anticiper les besoins, tandis que l’adaptation des normes européennes aux réalités locales pourrait réduire les coûts et soutenir l’emploi local.
« Les Outre-mer, c’est une vulnérabilité des territoires au changement climatique, mais aussi des réalités sociologiques, comme la décohabitation et le vieillissement. » – Koumaran Pajaniradja.
Produire du logement durable, c’est non seulement répondre à une urgence sociale, mais aussi préparer l’avenir.
En misant sur des solutions adaptées et sur la mobilisation collective, les territoires ultramarins peuvent relever ce défi et construire des villes à la hauteur de leurs ambitions.