Olivier Salleron en Martinique : « Unir nos forces pour relever les défis du BTP local »

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    Le président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) était en visite en Martinique, en novembre dernier, pour officialiser le rapprochement entre la Fédération Régionale du Bâtiment et des Travaux Publics de Martinique (FRBTP), présidée par Steve Patole, et la FFB Martinique, présidée par Eddy Ouly. Dans cet entretien, il revient sur les enjeux du secteur, les défis à relever et les perspectives pour la filière du bâtiment, tant au niveau national que local.

    Monsieur Salleron, pouvez-vous nous rappeler votre parcours et votre rôle actuel à la tête de la FFB ?

    Olivier Salleron : J’ai été élu président de la Fédération Française du Bâtiment le 20 mars 2020, deux jours après le début du confinement lié au Covid. C’était un baptême du feu, mais cela m’a permis de prendre rapidement la mesure des défis qui nous attendaient. J’ai été réélu en mars 2023 pour un second mandat de trois ans.

    Mon parcours est celui d’un homme de terrain. Je suis plombier-chauffagiste, à la tête d’une entreprise d’une quarantaine de salariés en Dordogne. Avant d’accéder à la présidence nationale, j’ai été président départemental en Dordogne puis président régional en Nouvelle-Aquitaine. Cette expérience s’avère précieuse pour comprendre les réalités quotidiennes de nos entreprises sur tous les territoires.

    Le secteur du bâtiment traverse une période difficile. Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés ?

    Nous faisons face à une crise majeure du logement neuf avec unechute brutale des permis de construire. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs. Je peux citer : l’inflation, la hausse des taux d’intérêt qui a désolvabilisé de nombreux acheteurs, la restriction des critères d’octroi du PTZ, l’application – en avance de phase – de certains principes liés à l’artificialisation des sols.

    Il faut bien comprendre que cette situation a des répercussions sur l’ensemble de l’économie et de la société. Le logement constitue une des premières dépenses des ménages en France. Quand on demande aux Français leurs préoccupations, le logement arrive largement en tête, devant la santé, la sécurité ou même le chômage d’après certaines enquêtes. C’est dire l’importance de cet enjeu. À cela s’ajoutent les défis liés à la transition écologique, avec la nécessité de rénover massivement le parc existant pour réduire notre consommation énergétique. C’est un chantier colossal qui nécessite des investissements importants et une main-d’œuvre qualifiée.

    Heureusement, Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine, s’est saisie pleinement de l’ensemble des sujets de manière pragmatique. La ministre a défendu des mesures importantes pour le secteur dans le cadre des débats sur la loi de finances 2025.

    Vous évoquez l’instabilité gouvernementale comme un frein. Quel message souhaitez-vous adresser au gouvernement ?

    Cette instabilité est préjudiciable car elle empêche la mise en place de politiques de moyen et long termes dont notre secteur a besoin. Les entreprises ont besoin de visibilité pour investir tant en matière d’équipements que de ressources humaines et de formation.

    Cependant, je veux rester optimiste. Valérie Létard est une femme de terrain qui connait bien les enjeux de l’aménagement du territoire et du logement. Nous saluons le retour du prêt à taux zéro pour le neuf sur l’ensemble du territoire, le lancement d’une mission sur l’investissement locatif et la poursuite du soutien accru à la rénovation énergétique.

    Quant au « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols, il faut trouver un équilibre entre la nécessaire protection de l’environnement et le besoin de construire des logements, notamment à proximité des bassins d’emploi. Il n’y aura pas de réindustrialisation sans une politique du logement volontariste.

    Vous étiez en Martinique en novembre. Quels sont les enjeux spécifiques aux territoires ultramarins ?

    Les problématiques sont multiples car les situations s’avèrent différentes dans les territoires compte tenu de leur situation démographique notamment. Le département de Mayotte est désormais confronté à des enjeux de reconstruction. La FFB est mobilisée pour que les réponses apportées soient pragmatiques et construites en lien avec les professionnels locaux.

    Il y a des préoccupations que l’on retrouve partout : coût plus élevé des matériaux, enjeux liés au transport, octroi de mer, délais de paiement souvent très longs,ce qui met en grande difficulté nos entreprises. Il y a aussi des enjeux spécifiques comme la rénovation de l’habitat existant, qui nécessite des investissements importants et sans doute des procédures adaptées compte tenu des enjeux fonciers et d’indivision. J’ai pu constater lors de ma visite qu’il y a un besoin énorme de rénovation, que ce soit pour améliorer le confort des habitants ou pour adapter les bâtiments aux contraintes climatiques locales.

    Pour mieux prendre en compte ces réalités, j’ai proposé de créer, il y a environ deux ans, une « région » supplémentaire au sein de la FFB, dédiée aux territoires d’Outre-mer. Cela nous permet de partager collégialement, avec toutes les fédérations, les problématiques et de pouvoir les remonter au niveau national à l’ensemble des acteurs concernés. Nous avons également nommé un représentant des Outre-mer qui siège au Conseil des régions et au Bureau de la FFB. Cela change tous les ans pour permettre une représentation tournante équilibrée.

    Les territoires ultra-marins constituent des richesses indéniables et nous avons à y trouver des inspirations.

    Vous avez évoqué le rapprochement des fédérations du BTP en Martinique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    Effectivement, je suis venu en novembre pour officialiser ce rapprochement. Un protocole a été signé officiellement par Eddy Ouly et Steve Patole le 12 novembre en présence des présidents des chambres consulaires.

    C’était une première étape importante. Il faut que le BTP  parle d’une seule voix dans l’écosystème local. Il s’agit aussi de définir un plan d’action pour répondre aux besoins des martiniquais, renforcer l’attractivité des métiers, valoriser le secteur et réussir la transition écologique.

    Quelles sont les perspectives pour le secteur du bâtiment en 2025 ?

    Le budget 2025 comprend quatre mesures espérées et défendues par la FFB :

    • le retour à un PTZ neuf partout (y compris en zones B2, C) et pour tous les types de logements (y compris l’individuel) jusqu’à fin 2027 ;
    • l’exonération des droits de donation/succession jusqu’à 300 000 euros par bénéficiaire, dès lors que ces fonds viennent financer une résidence principale neuve ou une rénovation énergétique. La mesure s’étend jusqu’à fin 2026 ;
    • la baisse de Réduction de loyer de solidarité (RLS) qui réattribue 200 millions d’euros aux opérateurs HLM pour investir ;
    • la préservation du budget MaPrimeRénov’, avec 2,3 milliards d’euros d’engagement possible, soit à niveau des consommations effectives de 2024.

    Le secteur du bâtiment représente 215 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Le logement représente 63% de cette activité et le non-résidentiel 37%.La rénovation énergétique pèse pour 30 milliards d’euros , soit un peu plus d’un quart de l’activité d’amélioration-entretien.

    Ces chiffres montrent l’importance de notre secteur pour l’économie nationale. Nous sommes un moteur de croissance et d’emploi, avec 1,759 million d’actifs dans le bâtiment, dont 1,286 million de salariés.

    Un mot sur l’attractivité du secteur auprès des jeunes ?

    C’est un enjeu majeur et j’en ai fait ma priorité. Nous avons beaucoup investi dans la communication, notamment via les réseaux sociaux, pour valoriser nos métiers qui sont de plus en plus technologiques. Les résultats sont là : en cinq ans, nous sommes passés de 60 000 à 100 000 apprentis au niveau national.

    Nous devons continuer sur cette lancée, en montrant que le bâtiment est un secteur d’avenir, notamment par sa dimension environnementale. Nos métiers évoluent, avec l’utilisation croissante du numérique, de nouveaux matériaux biosourcés, des techniques innovantes comme les exosquelettes pour faciliter le travail des ouvriers.

    Le message que je veux faire passer aux jeunes, c’est que le bâtiment offre des opportunités passionnantes, des carrières évolutives et la possibilité de contribuer concrètement à la transition écologique. Nous construisons littéralement le monde de demain, et c’est une grande source de fierté.

    L’avenir du bâtiment s’annonce passionnant, avec de grands défis à relever en matière de logement, de transition écologique et de transformation numérique. Je suis convaincu que nos entreprises sauront saisir ces opportunités pour construire un avenir durable et prospère, tant dans l’hexagone que dans les territoires ultramarins.

    Quel message final souhaitez-vous adresser au gouvernement et aux acteurs du secteur du bâtiment ?

    Il faut s’assurer que rien n’entrave l’amélioration en cours. Cela passe par un travail de simplification tous azimuts. La suppression de l’attestation pour la TVA réduite constitue une première avancée ; sans exhaustivité, il convient de travailler aussi sur la marche 2028 de la RE2020, sur le ZAN, la REP, mais aussi sur la CSRD au plan européen.

    L’objectif d’amplifier la reprise mérite d’être posé. À cette fin, il importe d’avancer sans tarder sur le statut du bailleur privé et sur la stratégie européenne pour le logement « abordable », raison pour laquelle le Comité exécutif de la FFB s’est d’ailleurs déplacé à Bruxelles début mars.

    Il reste donc beaucoup à faire. La FFB s’y emploie.

    Propos recueillis par Philippe PIED


    Les chiffres clés du secteur du bâtiment

    • Chiffre d’affaires 2023 : 215 milliards d’euros
    • Part du logement dans l’activité : 63%
    • Activité de la rénovation énergétique : 30 milliards d’euros
    • Nombre d’actifs : 1,759 million, dont 1,286 million de salariés

    La FFB en Outre-mer

    • Création d’une région dédiée aux territoires ultramarins
    • 8 fédérations concernées : Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie et La Polynésie française
    • Objectifs : partager les spécificités locales, échanger sur les bonnes pratiques et relayer les enjeux au niveau national pour répondre aux besoins des acteurs ultra-marins

     

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