Le chantier de la Nouvelle Route du Littoral (NRL), emblématique mais controversé, est à nouveau au cœur d’un conflit financier majeur.
Le groupement d’entreprises chargé de la construction réclame 240 millions d’euros à la Région Réunion pour des insuffisances dans les études géotechniques initiales. Une audience récente au tribunal administratif a mis en lumière les complexités techniques et financières d’un projet hors norme.
Un projet hors norme sous tension
Conçu pour relier Saint-Denis à La Possession et sécuriser les déplacements face aux risques de chutes de pierres, la NRL représente un investissement colossal d’environ 1 milliard d’euros.
Ce chantier, incluant un viaduc de 5,4 kilomètres construit en mer et une digue désormais abandonnée, mobilise un groupement constitué de Vinci, Bouygues, Dodin Campenon Bernard et Demathieu Bard.
Cependant, depuis son lancement, le projet est marqué par des dépassements de coûts, des défis techniques et des litiges juridiques.
Les entreprises impliquées dénoncent des insuffisances dans les études géotechniques fournies par la Région, entraînant, selon elles, des dépenses imprévues et des retards dans les travaux.
Les revendications des entreprises
Lors de l’audience, les entreprises ont pointé du doigt des erreurs dans les données géotechniques initiales.
Elles affirment que des informations erronées sur la nature et la profondeur des sédiments (sable, basalte) ont causé des surcoûts importants, notamment pour les fondations des piles du viaduc.
Ces ajustements auraient nécessité des opérations supplémentaires, telles que des fouilles en mer plus profondes ou des modifications des méthodes de construction.
Le groupement réclame ainsi une compensation financière de 240 millions d’euros, arguant que ces imprévus auraient pu être évités avec des études plus précises.
Le conflit soulève également la question de la gestion des matériaux : 600 000 tonnes de roches inutilisées ont été découvertes tardivement, un problème aggravé par l’abandon du projet de digue.
Un rejet des demandes, mais une condamnation partielle
Le rapporteur public a reconnu certaines insuffisances dans les études fournies par la Région, mais a souligné que les entreprises avaient également des obligations en matière de vérification technique.
Selon lui, les sociétés du groupement auraient dû réaliser des expertises complémentaires, compte tenu du caractère exceptionnel du projet NRL.
La proposition du rapporteur public est claire : rejeter la majorité des demandes formulées par les entreprises, mais condamner la Région à verser 11 millions d’euros pour certaines insuffisances avérées.
Toutefois, cette somme n’inclut pas les intérêts moratoires. À noter que la Région avait déjà versé 35 millions d’euros au groupement en 2022 pour d’autres ajustements financiers.
Responsabilités croisées et tensions persistantes
Les débats au tribunal ont mis en évidence les responsabilités partagées entre la Région et les entreprises. Alors que le groupement reproche à la collectivité des informations partielles ou erronées, le rapporteur a pointé un manque de vigilance des entreprises dans leurs estimations initiales.
Ces dernières auraient, selon lui, adopté une approche « superficielle » pour un projet d’une telle envergure.
Les avocats des deux parties n’ont pas ménagé leurs efforts pour défendre leurs positions. « Il appartenait à la Région de définir ses besoins en fonction de la réalité économique », a déclaré l’avocat du groupement, tandis que celui de la Région a souligné que « le groupement ne pouvait pas ne pas savoir« .
Un feuilleton qui n’est pas terminé
Les délibérés de cette affaire, attendus pour janvier 2025, ne marqueront pas la fin des litiges autour de la NRL.
Avec d’autres contentieux en cours, ce chantier continuera de peser sur les finances régionales et de susciter des débats techniques et politiques.
Pour les habitants de La Réunion, ce conflit retarde encore un projet crucial pour la mobilité et la sécurité.
Alors que la Nouvelle Route du Littoral (NRL) devait incarner une solution moderne et durable, elle reste aujourd’hui un symbole de défis mal anticipés et de tensions entre acteurs publics et privés.