Mayotte traverse une période charnière. La population a doublé en vingt ans, atteignant aujourd’hui plus de 310 000 habitants, et continue de croître à un rythme soutenu. Une dynamique qui exerce une pression considérable sur des infrastructures déjà sous-dimensionnées : logements insuffisants, accès limité à l’eau potable, écoles surchargées, réseau de transports quasi inexistant.
Face à ces défis, l’Agence Française de Développement (AFD) joue un rôle central. Elle a déjà engagé 585 millions d’euros entre 2018 et 2023 pour accompagner la transition de Mayotte vers un développement plus équilibré. Mais ces efforts sont-ils suffisants pour rattraper le retard accumulé ? Quels projets prioritaires sont actuellement déployés et avec quels résultats tangibles ?
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Des investissements à la hauteur des défis ?
Dans un contexte où chaque euro investi compte, l’AFD s’est concentrée sur des secteurs stratégiques : infrastructures de base, accès aux services essentiels, éducation et environnement.
L’objectif affiché est clair : améliorer la qualité de vie des Mahorais tout en renforçant l’économie locale.
L’approche repose sur trois leviers principaux :
- Le prêt : permettant aux collectivités d’accélérer leurs investissements.
- Le préfinancement des subventions : pour garantir une réalisation rapide des projets et éviter les blocages budgétaires.
- L’assistance technique : un accompagnement indispensable pour aider les communes à structurer leurs projets et assurer une mise en œuvre efficace.
L’un des grands défis reste la transformation de ces engagements financiers en réalisations concrètes, capables de répondre aux besoins d’une population en plein essor.
Ces investissements sont répartis entre plusieurs secteurs prioritaires, chacun répondant à des besoins spécifiques du territoire.
Eau, transport, santé : des services encore trop inégalitaires
L’accès à l’eau et à l’assainissement
Un tiers des logements mahorais ne dispose pas d’eau courante, soit environ 100 000 personnes vivant avec un accès limité à cette ressource essentielle. Cette situation est aggravée par des infrastructures vieillissantes et une forte pression sur les ressources en eau due à la croissance démographique.
L’AFD finance plusieurs projets pour moderniser les réseaux d’eau potable et d’assainissement, avec notamment la mise en place d’unités de traitement des eaux usées et des forages complémentaires pour sécuriser l’approvisionnement.
Des transports limités qui favorisent l’exclusion
Mayotte souffre d’un enclavement interne qui complique l’accès aux services publics et aux opportunités d’emploi. En l’absence d’un réseau structurant de transport public, les déplacements restent coûteux et contraignants, avec des routes insuffisantes et une saturation des axes principaux.
L’AFD accompagne les collectivités locales pour développer un schéma de mobilité durable et favoriser l’émergence de solutions adaptées, notamment en matière de transport collectif et d’aménagements routiers.
Une offre de soins à renforcer
Le Centre hospitalier de Mayotte, seul établissement public de référence, est en tension permanente. La situation a été encore aggravée par le passage du cyclone Chido en décembre 2024, qui a endommagé plusieurs infrastructures de santé. Cet épisode a souligné la nécessité d’investir davantage dans la résilience du réseau hospitalier et la construction de structures adaptées aux risques climatiques.
Le manque de personnel médical et d’équipements adaptés complique la prise en charge des patients, notamment dans les spécialités de la maternité et de la pédiatrie.
L’AFD participe à l’extension des capacités hospitalières et au développement des structures de soins de proximité, incluant des maisons médicales pluridisciplinaires et des dispositifs pour la prise en charge du handicap et de la dépendance.
Mayotte, un territoire jeune qui manque de perspectives
Avec 50 % de sa population ayant moins de 18 ans, Mayotte est l’un des départements les plus jeunes de France. Pourtant, le système scolaire est sous tension : 37 % des classes fonctionnent en rotation, faute d’établissements suffisants, et moins de 60 % des enfants de trois ans sont scolarisés en maternelle.
Pour répondre à cet enjeu, l’AFD accompagne la construction et la rénovation des écoles en partenariat avec le rectorat. Un fonds de 1,5 million d’euros a été mobilisé pour accélérer ces chantiers et assurer une meilleure organisation des infrastructures scolaires.
L’enseignement professionnel et supérieur constitue un autre défi majeur. L’offre actuelle demeure insuffisante pour répondre aux besoins du marché du travail local, ce qui limite les perspectives d’insertion des jeunes.
L’AFD finance plusieurs initiatives visant à renforcer la formation technique et à créer des passerelles vers l’emploi, en lien avec les entreprises locales et les collectivités territoriales.
Préserver un patrimoine naturel exceptionnel
Mayotte dispose d’un lagon de 1 500 km², d’une biodiversité exceptionnelle et de nombreuses zones humides qui jouent un rôle clé dans l’équilibre écologique de l’île.
Cependant, ces écosystèmes sont menacés par l’urbanisation, la pollution et la déforestation.
L’AFD finance plusieurs initiatives pour préserver cet environnement fragile, notamment à travers des programmes de gestion durable des ressources naturelles et de sensibilisation des populations aux enjeux écologiques.
Le développement d’un tourisme écoresponsable fait également partie des priorités. L’objectif est de valoriser les atouts naturels de l’île tout en limitant l’impact environnemental des activités économiques.
L’AFD soutient des projets visant à structurer des filières de tourisme durable, en partenariat avec les acteurs locaux et les collectivités.
L’ouverture régionale, une opportunité encore sous-exploitée
Malgré sa proximité avec les Comores, La Réunion et Madagascar, Mayotte peine à s’insérer dans les dynamiques régionales. L’AFD encourage le développement de coopérations économiques et environnementales pour renforcer les échanges entre Mayotte et ses voisins.
Cela passe notamment par la création de filières agricoles et industrielles intégrées, capables de favoriser l’exportation de produits locaux tout en renforçant la sécurité alimentaire du territoire.
Un des axes stratégiques concerne également la coopération dans le domaine sanitaire. Le développement d’un réseau de santé régional permettrait une meilleure mutualisation des ressources et une prise en charge plus efficace des besoins médicaux spécifiques à la zone sud-ouest de l’océan Indien.
Une transformation en marche, mais à quel rythme ?
L’AFD est un acteur clé du développement de Mayotte, avec des financements ciblés sur les infrastructures, les services essentiels et la transition écologique. Cependant, les défis restent colossaux et la mise en œuvre des projets prend du temps.
Si ces investissements posent les bases d’un développement plus harmonieux, la question demeure : seront-ils suffisants pour combler le retard accumulé ?
L’avenir de Mayotte dépendra non seulement de la capacité des financements à être traduits en réalisations concrètes, mais aussi de la coordination entre les acteurs locaux, l’État et les bailleurs de fonds. Une chose est certaine : face à l’urgence des besoins, chaque projet abouti représente une avancée essentielle pour l’avenir du territoire.