MAYOTTE. ALMA : Innover pour répondre à la crise du logement révélée par Chido

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Chido a mis en lumière l’ampleur de la crise du logement à Mayotte, dévoilant des conditions de vie précaires, y compris pour des salariés ayant des revenus stables. Face à cette situation alarmante, Alma Action Logement redouble d’efforts et mise sur l’innovation pour apporter des solutions concrètes. Nous avons rencontré Delphine Sangodeyi, directrice générale d’Alma Action Logement Mayotte, qui nous explique les enjeux, les défis et les stratégies mises en place.

Vous êtes à la tête d’Alma Action Logement Mayotte. Pouvez-vous nous expliquer le rôle et les missions de votre organisation ?

Delphine Sangodeyi : Alma Action Logement a été créée en 2022 par le groupe Action Logement pour répondre aux besoins urgents de logements pour les salariés à Mayotte. L’île fait face à une crise immobilière sans précédent, marquée par une forte demande, un manque d’infrastructures adaptées et une situation sociale alarmante. Nous avons donc un rôle clé à jouer : accélérer la production de logements abordables et améliorer les conditions de vie des travailleurs.

Notre approche repose sur l’innovation à tous les niveaux : constructif, social et technologique. Il ne s’agit pas seulement de bâtir des logements, mais de concevoir des habitats durables, adaptés aux spécificités du territoire, en exploitant les ressources locales et en intégrant des solutions bas carbone. Par ailleurs, nous développons des méthodes de construction industrialisées afin de gagner en rapidité et en efficacité.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez sur le terrain ?

La première difficulté est structurelle. Le foncier est limité et l’urbanisation anarchique complique la mise en œuvre de grands projets immobiliers. Ensuite, il y a un déficit en main-d’œuvre qualifiée, ce qui ralentit la production. Nous avons d’excellents jeunes talents mahorais qui souhaitent revenir après des études dans l’Hexagone, mais il faut encore structurer l’offre de formation pour répondre aux besoins spécifiques du territoire.

Enfin, la précarité du logement à Mayotte est dramatique. Environ 60% de la population vit en habitat informel, souvent insalubre. Quatre sur dix sont de l’habitat précaire constituant de grands bidonvilles et six sur dix ne disposent pas de tout le confort sanitaire de base c’est-à-dire qu’il manque au moins un élément de base tel que l’eau courante, l’électricité, les WC, la douche ou le bain. Chido a impacté 70 à 80 % des logements existants avec des dommages importants notamment les toitures envolées.

Ce constat rend notre mission encore plus urgente : il ne s’agit pas simplement de construire, mais de reconstruire un cadre de vie digne et sécurisé pour des milliers de familles.

Lors de la remise des trophés…

Chido a mis en lumière des réalités sociales préoccupantes. Comment Alma Action Logement a-t-elle réagi face à ce constat ?

Chido a été un véritable électrochoc pour beaucoup d’acteurs économiques et institutionnels. Il a révélé que même des salariés gagnant correctement leur vie vivaient dans des conditions de grande précarité, notamment dans des cases en tôle, faute de logements accessibles. Cet état de fait a renforcé notre détermination à agir vite et massivement.

Nous avons intensifié nos efforts pour structurer une réponse adaptée, en renforçant notre approche d’innovation et d’industrialisation de la construction. Nous devons accélérer la mise à disposition de logements de qualité tout en maintenant des coûts accessibles pour les ménages. La crise du logement à Mayotte n’est plus seulement une question d’aménagement, c’est une question de dignité humaine et de stabilité sociale.

Vous parlez beaucoup d’innovation. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ce que vous mettez en place ?

L’innovation est notre moteur. D’abord, nous travaillons sur des matériaux biosourcés et des techniques constructives adaptées au climat tropical, afin de garantir des logements plus performants et plus résilients. Nous utilisons également l’intelligence artificielle pour optimiser la gestion des projets et du patrimoine immobilier, en automatisant certaines tâches et en facilitant la maintenance prédictive des bâtiments.

Un autre point clé est la digitalisation du processus de construction. À Mayotte, nous avons besoin de construire vite et bien, sans négliger la qualité. Grâce aux outils numériques et à la modélisation 3D, nous pouvons réduire les délais de conception et anticiper les éventuels problèmes techniques en amont.

Enfin, nous mettons en place des solutions collaboratives avec les acteurs locaux. L’objectif est de co-construire avec les entreprises du territoire et de favoriser l’emploi local, tout en assurant une montée en compétences des travailleurs mahorais.

Le contexte social et économique de Mayotte rend-il votre mission encore plus difficile ?

Tout à fait. Nous évoluons dans un contexte tendu, où la crise du logement se double d’un défi sécuritaire et social. Beaucoup de salariés vivent dans des conditions indignes, ce qui a un impact direct sur leur bien-être et leur productivité. L’un de nos objectifs est donc d’apporter une réponse globale en intégrant nos projets dans une dynamique de développement territorial.

Ce qui est encourageant, c’est la mobilisation croissante des entreprises et des institutions. Il y a une vraie prise de conscience de l’urgence de la situation, et nous travaillons en étroite collaboration avec l’État et les collectivités locales pour accélérer la mise en œuvre des solutions.

Face à tant de défis, comment gardez-vous l’énergie et l’enthousiasme pour mener à bien vos projets ?

Bien sûr, c’est une mission exigeante et parfois éprouvante. Mais chaque projet livré, chaque famille qui accède à un logement digne, c’est une victoire. Nous sommes dans une dynamique de transformation profonde, et voir l’impact positif de notre action est une source de motivation immense.

Nous avons un objectif clair : construire 5 000 logements en dix ans. C’est un défi colossal, mais avec l’innovation et l’engagement collectif, nous savons que c’est possible. Ce qui me pousse, c’est cette certitude que nous pouvons réellement changer les choses et améliorer durablement la vie des Mahorais.

Philippe PIED & Laurianne NOMEL

Avec son homologue en Martinique Antoine Roffiaen

 

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