En Martinique, comme ailleurs dans les territoires ultramarins, les projets de construction et d’aménagement sont de plus en plus confrontés à une double exigence : répondre à l’urgence environnementale tout en tenant compte des contraintes techniques et climatiques locales. L’intégration du végétal dans les espaces urbains ou périurbains ne relève plus d’une simple volonté esthétique : elle devient une composante opérationnelle des projets, liée à la gestion des eaux pluviales, au confort thermique, à la stabilité des sols ou encore à la lutte contre les effets du changement climatique.
Pourtant, de nombreux aménagements continuent d’utiliser des espèces exotiques, souvent peu adaptées aux sols ou au climat local, coûteuses à entretenir et parfois invasives.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le nouveau « Guide de valorisation des plantes locales dans les aménagements en Martinique« , publié en décembre 2024. Destiné aux acteurs de la conception, de la réalisation et de la gestion des espaces publics, ce document fournit des outils concrets pour renforcer la place des espèces indigènes dans les projets du BTP.
Un guide opérationnel pour les chantiers en Martinique
Fruit d’une démarche technique portée par des experts du territoire, le guide vise un double objectif : valoriser la flore locale tout en préservant l’île des risques liés aux pestes végétales.
Il s’adresse directement aux maîtres d’ouvrage, bureaux d’études, entreprises d’aménagement, paysagistes et collectivités.
Pensé comme un outil de terrain, il ne se limite pas à un rôle de sensibilisation : il propose une méthodologie d’analyse du site, une grille de sélection des espèces selon les contraintes techniques et environnementales, ainsi que des conseils de mise en œuvre et d’entretien adaptés à la réalité des chantiers martiniquais.
Des outils pratiques pour anticiper les contraintes de terrain
Le guide débute par une analyse fine des variables à considérer avant tout choix de plantation : nature et structure du sol, taux d’humidité, pente, exposition au soleil, circulation des eaux, densité urbaine.
En contexte tropical, ces paramètres sont déterminants, notamment pour la reprise des plantations et la maîtrise des coûts d’entretien.
Des cartes climatiques de Météo-France viennent appuyer cette lecture du territoire en distinguant clairement les zones hygrophiles, mésophiles ou xérophiles. L’outil est conçu pour permettre aux professionnels d’anticiper les conditions du chantier en amont et d’éviter des choix inadaptés à moyen terme.
L’analyse du guide intègre aussi les questions de place disponible (largeur de voirie, emprise réduite, proximité des réseaux), qui impactent directement la forme et la taille des végétaux sélectionnés.
130 espèces locales adaptées aux réalités des projets
Le guide recense près de 130 espèces locales classées selon leurs caractéristiques techniques, environnementales et paysagères. Pour chaque plante, une fiche fournit des données complètes : régime hydrique, exposition lumineuse, tolérance aux vents, développement racinaire, utilisations possibles (ombrage, haie, stabilisation de talus, revêtement de sol…).
On y trouve aussi bien des arbres que des lianes, des couvre-sols ou des herbacées, ce qui permet une grande variété d’usages, y compris pour des chantiers complexes en milieu urbain contraint. Le choix des espèces tient compte de leur comportement face aux aléas climatiques : sécheresse, fortes pluies, embruns, voire contraintes de sols pauvres ou instables.
Certaines plantes présentent en outre des qualités culturelles, comestibles ou médicinales, apportant une dimension patrimoniale supplémentaire aux projets d’aménagement.
Parmi les espèces emblématiques recommandées dans le guide, plusieurs se démarquent par leur polyvalence et leur intérêt technique :
- Coccoloba uvifera (raisinier bord de mer) : arbre xérophile et héliophile, très adapté aux zones littorales, il offre un ombrage dense, une bonne résistance aux embruns salins et une capacité de fixation des sols sableux. Il s’utilise idéalement en alignement ou en tampon paysager côtier.
- Byrsonima spicata (bois rivière) : espèce mésophile adaptée aux zones intermédiaires, utilisée en stabilisation de talus ou en haie haute. Son feuillage dense et sa floraison prolongée en font un atout esthétique pour les franges d’infrastructures.
- Galba (Calophyllum calaba) : arbre ubiquiste, connu pour sa robustesse et sa tolérance à divers types de sols. Utilisé dans les aménagements routiers ou en parc urbain, il combine résistance mécanique et faible entretien.
- Desmodium incanum : plante couvre-sol idéale pour les zones piétonnes ou les fossés végétalisés, résistante à la sécheresse, facile à entretenir, tout en contribuant à limiter l’érosion.
Ces exemples montrent qu’il est possible d’allier contraintes techniques, durabilité et valorisation du patrimoine végétal local.
GUIDE DE VALORISATION DES PLANTES LOCALES DANS LES AMÉNAGEMENTS EN MARTINIQUE
Un atout dans les appels d’offres et les cahiers des charges
L’utilisation du guide peut renforcer la pertinence des réponses aux appels d’offres publics et privés. Il sert de référence pour formuler des choix techniques argumentés dans les pièces marchés : notice paysagère, plans de gestion, prescriptions de plantation. Les espèces locales proposées peuvent aussi répondre à des exigences RSE, notamment en matière de réduction des intrants, de gestion raisonnée de l’eau ou de protection de la biodiversité.
Dans les projets soumis à autorisation (permis d’aménager, dossier loi sur l’eau, études d’impact), le guide constitue un appui solide pour justifier les choix de végétalisation au regard des documents d’urbanisme ou des schémas régionaux (SRADDET, PLU, trames vertes et bleues).
En phase exécution, il facilite le dialogue avec les entreprises d’espaces verts et les équipes de chantier. En phase exploitation, il permet aux gestionnaires de mieux anticiper les besoins d’entretien et de maintenance.
Une démarche duplicable à d’autres territoires d’Outre-mer
Si le guide est conçu pour la Martinique, sa méthodologie et ses principes sont transposables à d’autres territoires ultramarins aux conditions similaires, comme la Guadeloupe ou la Guyane. Il contribue à inscrire les projets du BTP dans une logique de résilience climatique, d’ancrage territorial et de gestion durable des ressources.
La végétalisation des aménagements urbains avec des plantes locales ne relève plus uniquement d’un choix écologique. C’est aujourd’hui une stratégie technique, économique et réglementaire, que ce guide permet de déployer de manière opérationnelle sur les chantiers.