GUADELOUPE. Quand la transition écologique redéfinit le travail des cadres

0
Transition écologique cadre Guadeloupe

Entre verdissement des métiers, montée en puissance des énergies renouvelables et enjeux de dépollution, la Guadeloupe s’impose comme un territoire stratégique dans la transition écologique. Le dernier focus publié par l’Apec en septembre dernier propose un état des lieux détaillé de ces transformations, avec un éclairage particulier sur l’emploi cadre.

Le verdissement de l’emploi cadre en Guadeloupe

La donnée a de quoi interpeller : en 2021, selon les dernières estimations de l’Insee, 1 300 cadres du secteur privé occupaient un emploi « vert » ou un emploi « verdissant« , c’est-à-dire susceptible d’évoluer sous l’effet de la transition écologique. Rapporté à la population cadre du territoire, cela représente 27 % des effectifs, soit plus d’un quart des cadres guadeloupéens impliqués directement dans des fonctions à impact environnemental.

Cette mutation du marché cadre ne s’opère pas dans l’abstrait. Elle est portée par une convergence d’acteurs : pouvoirs publics, unités de recherche, clusters d’entreprises, collectivités, structures de formation. Tous participent à redéfinir les contours de fonctions stratégiques, techniques, ou transversales qui intègrent désormais des critères de durabilité.

Les postes concernés sont variés : chefs de projet en aménagement, ingénieurs environnement, experts en écoconception, ou encore consultants RSE. Cette évolution des besoins reflète une prise en compte plus systémique des enjeux écologiques dans la conduite des projets publics et privés.

 

Biodiversité : un patrimoine sous tension

Les territoires ultramarins concentrent 80 % de la biodiversité française. Une richesse unique, mais aussi un écosystème fragile, particulièrement exposé aux effets du dérèglement climatique. En Guadeloupe, l’intensification des épisodes cycloniques, l’élévation du niveau de la mer et l’urbanisation non maîtrisée exercent des pressions considérables sur les milieux naturels.

Malgré une baisse démographique de 4 % entre 2015 et 2021, les surfaces artificialisées ont continué de croître : +16 % d’augmentation des surfaces à usage d’habitation entre 2010 et 2019, selon l’Insee. Cette contradiction témoigne des tensions qui pèsent sur l’aménagement du territoire.

Face à ces enjeux, plusieurs dispositifs ont été mis en place. Parmi eux, la création en 2021 de l’Agence Régionale de la Biodiversité des Iles de Guadeloupe (ARB-IG) marque une étape structurante. Issue d’un partenariat entre la Région, l’État et l’Office français de la biodiversité, elle pilote des actions de préservation, restauration et sensibilisation.

Les formations universitaires évoluent aussi : la licence « Écologie et environnement » ou le master « Métiers de la mer » à l’Université des Antilles permettent une montée en compétences des futurs cadres. Sur le marché de l’emploi, cela se traduit par une demande accrue pour des experts en gestion d’écosystèmes, en urbanisme durable ou en diagnostic territorial.

Pollution et déchets : un défi d’infrastructures

La Guadeloupe est confrontée à un déséquilibre marquant en matière de gestion des déchets. En 2022, 60 % des déchets produits étaient encore enfouis, contre seulement 15 % en métropole. Et seulement 26 % étaient valorisés, selon le Sénat. Ces chiffres illustrent le retard pris dans la mise en œuvre de l’économie circulaire sur le territoire.

Pourtant, les initiatives se multiplient. En 2023, l’Ademe-Guadeloupe a mobilisé 154 millions d’euros pour soutenir des projets liés à la dépollution, au recyclage, à la réduction des déchets et à l’économie circulaire. Ces fonds ont permis de financer des études, des diagnostics, ainsi que des investissements matériels et infrastructurels.

La recherche est également mobilisée. Dans le cadre du plan chlordecone IV (2021-2027), 6 projets de recherche ont été financés en collaboration avec la Région Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique. À cela s’ajoutent des pôles comme Synergîles, qui fédère des entreprises autour des enjeux de dépollution, ou encore le laboratoire universitaire COVACHIM-M2E, spécialisé en chimie des matériaux et valorisation environnementale.

Les profils techniques sont recherchés : ingénieur en biotechnologies, chef de projet sites et sols pollués, ingénieur éco-conception, ou encore consultants en gestion des déchets. Des entreprises comme Veolia, Suez ou AER recrutent régulièrement dans ces domaines.

Energie : vers un mix local, mais sous dépendance

La dépendance énergétique de la Guadeloupe reste massive : 84 % de l’énergie consommée en 2022 provenait de sources fossiles importées, d’après l’Observatoire régional de l’énergie et du climat. Une vulnérabilité structurelle qui freine la résilience du territoire, en particulier face aux aléas climatiques et à la volatilité des marchés internationaux.

Pour y remédier, la loi sur la transition énergétique fixe un cap clair : autonomie énergétique à horizon 2030. Le développement des énergies renouvelables est donc une priorité. En Guadeloupe, cela passe par la biomasse (valorisation des déchets organiques), mais aussi par la géothermie, le photovoltaïque et l’éolien.

Les efforts portent leurs fruits : entre 2019 et 2021, les émissions de gaz à effet de serre ont chuté de 26 %, principalement grâce à l’industrie énergétique et aux filières de gestion des déchets. En revanche, les émissions liées au fret aérien et maritime, ainsi qu’à l’habitat, sont en hausse.

Les dispositifs publics accompagnent ce changement. L’Ademe a investi 962 000 euros dans la transition énergétique en 2023. Un guichet unique ENR facilite l’accompagnement des porteurs de projets. Côté formation, plusieurs cursus existent, du master en transition énergétique au diplôme d’ingénieur en énergétique.

Les débouchés professionnels existent, bien que limités : ingénieurs en énergies renouvelables, spécialistes efficacité énergétique, hydrauliciens, chargés d’affaires en énergie. Parmi les entreprises actives : EDF Archipel Guadeloupe, Akuo Energy, Géothermie Bouillante, Quadran Caraïbes ou encore la SEMSAMAR.

Décarbonation : les territoires en mouvement

Décarboner, c’est agir sur tous les leviers à la fois : production industrielle, mobilités, construction, urbanisme. En Guadeloupe, ce virage est en cours. Le ministère de la Transition écologique encourage l’électrification des procédés, la capture carbone, mais aussi la sobriété énergétique dans les bâtiments.

En 2023, l’État a mis en œuvre le Fonds Vert, un dispositif de soutien à destination des collectivités locales engagées dans des projets de transition. Trois groupements territoriaux guadeloupéens ont déjà été labellisés comme territoires pilotes de la décarbonation : Cap Excellence, Marie-Galante, Nord Grande-Terre, Sud Caraïbes, Nord Basse-Terre.

L’impact sur l’emploi cadre est tangible. La demande s’oriente vers des fonctions capables de piloter, auditer, planifier, innover : responsables RSE, ingénieurs HSE, consultants en innovation, directeurs QHSE, ou encore ingénieurs procédés. Les entreprises recherchent aussi des profils capables de répondre aux obligations de reporting extra-financier, imposées par la directive européenne CSRD.

Les missions sont variées : bilans carbone, diagnostics déchets, stratégies environnementales, conduite de projets ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), ou encore accompagnement à la labellisation environnementale.

 


transition écologique cadre Guadeloupe

Guadeloupe – Transition écologique et emploi cadre – APEC


 

La Guadeloupe se transforme. Elle le fait sous l’impulsion de contraintes climatiques fortes, mais aussi d’une dynamique locale bien ancrée. Ce mouvement n’est pas sans difficultés : retard en matière de valorisation des déchets, dépendance énergétique persistante, fragmentation des acteurs. Mais les signaux sont là.

L’emploi cadre en sort renforcé, redéfini, enrichi. Les métiers verts ne sont plus marginaux : ils deviennent des fonctions transversales, techniques, indispensables à la conduite des projets futurs. En Guadeloupe, la transition écologique est autant un défi territorial qu’un levier de mutation professionnelle, et les cadres sont bien au cœur de cette évolution.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici