Le changement majeur introduit par la REP PMCB en ce début d’année tient à la suppression du reste à charge pour les entreprises concernant la gestion des déchets issus de sept flux triés à la source (bois, plâtre, plastique, papier, verre, métaux, inertes). Depuis janvier, ces coûts sont pris en charge par les éco-organismes. Cette mesure, résultant de l’arrêté modificatif de 2024, vise à accélérer le tri sur les chantiers, en particulier pour les déchets non dangereux.
Autre évolution à venir : l’intégration des matériaux de réemploi dans le Règlement Produits de Construction (RPC) européen. Même si les effets ne se feront sentir qu’en 2026, cette reconnaissance permettra d’encadrer techniquement les produits réemployés, en garantissant leurs caractéristiques. Un levier de crédibilité important pour lever les freins assurantiels encore présents.
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Des appels à projets déployés sur le territoire
Écominéro, référent sur les matériaux inertes en Guadeloupe, propose quatre types d’appels à projets, tous actifs ou en cours de renouvellement :
- Diagnostics PEMD-Ressources : ouverts toute l’année, ces aides s’adressent aux maîtres d’ouvrage qui souhaitent anticiper la valorisation des matériaux lors des phases de déconstruction. La réponse est apportée sous 7 jours, facilitant l’intégration au calendrier de chantier.
- Expérimentations sur chantiers : la première session a été ouverte en février, une seconde est attendue au second semestre. Le dispositif permet de financer jusqu’à 35 000 euros pour les opérations de dépose, de nettoyage, de reconditionnement ou de remise en œuvre.
- Etudes de faisabilité : destinées à accompagner les porteurs d’activités émergentes, ces aides couvrent jusqu’à 60 % des coûts pour des projets comme les matiérothèques, les plateformes de dépôt soigné ou les centres de revente. Deux vagues de candidature sont prévues cette année.
- Soutien pluriannuel (3 ans) : réservé aux activités déjà lancées, ce soutien peut atteindre 150 000 euros, avec un financement jusqu’à 50 000 euros par an. Il s’inscrit dans une logique de consolidation d’une filière émergente.
Valdelia, de son côté, a clôturé en mars 2025 une première session d’appel à projets spécifique au recyclage et au réemploi du bois. Cette matière, qui représente près de 57 % des gisements déchets mobiliers et 34 % de ceux du bâtiment, constitue un enjeu majeur de valorisation.
Le dispositif s’articule autour de plusieurs étapes (exutoire, transport, préparation), avec des aides adaptées au degré de maturité du projet. Une seconde session pourrait être envisagée selon les résultats de la première vague.
Une réalité locale contrastée
En Guadeloupe, la structuration des filières de réemploi reste embryonnaire. Les plateformes de reconditionnement sont encore rares, les professionnels formés peu nombreux, et les chantiers souvent trop dispersés pour garantir un gisement constant. La logistique insulaire constitue un autre frein, notamment pour le stockage et la massification des matériaux.
Cependant, plusieurs dynamiques positives sont à souligner. Le territoire dispose d’un potentiel significatif de matériaux inertes éligibles au réemploi : sanitaires, pierres, bacs de douche, céramiques. Et certains acteurs locaux, comme la SGB (Société Guadeloupéenne de Béton), s’inscrivent déjà dans une logique de valorisation circulaire, en recyclant les gravats de béton.
Premiers projets et rôle des acteurs locaux
Le webinaire du 23 janvier 2025 a mis en lumière plusieurs pistes concrètes. Parmi elles, un projet de matiérothèque éphémère, accompagné par Synergîles et une collectivité de l’archipel, illustre une volonté locale d’agir malgré le manque d’infrastructure.
De son côté, le bailleur SICOA a exprimé un intérêt pour explorer la réutilisation des matériaux dans ses futurs projets de démolition.
L’ADEME Guadeloupe, récemment renforcée, a indiqué suivre attentivement les projets du territoire et se tenir à disposition pour étudier d’éventuels cofinancements. Tous ces acteurs s’accordent à dire que la construction de la filière passera par un partage des pratiques, l’anticipation des contraintes de chantier, et la montée en compétences progressive des opérateurs.
Paroles de terrain
Lors du webinaire, Élodie C., chargée de mission chez Écominéro, a rappelé que le réemploi est encore une « filière économique à construire » et que l’éco-organisme met à disposition des « retours d’expérience » afin que les entreprises puissent « devenir viables dans les mois et années à venir« . De son côté, Léa A. (Valdelia) a insisté sur l’approche adoptée dans l’appel à projets bois : il s’agit, selon elle, de « partir de la structure qui réutilisera la matière première secondaire et non pas partir du déchet qu’on a à l’origine« , une logique pensée pour structurer des filières locales durables.
Une année charnière pour structurer
2025 apparaît comme une année pivot pour la Guadeloupe. Les financements sont là, les outils sont posés, les partenaires publics sont à l’écoute. Mais pour que la REP PMCB produise un véritable effet de levier, il faudra structurer les chaînes d’acteurs, tester des projets pilotes déjà identifiés et s’appuyer sur les chantiers en cours pour construire une filière insulaire du réemploi.
L’enjeu dépasse la simple gestion des déchets : il s’agit d’en faire un vecteur de développement local et de montée en compétence. Une perspective qui, si elle se concrétise, pourrait inspirer d’autres territoires ultramarins.