La gestion des biodéchets représente un défi majeur à La Réunion, où ils constituent 38 % des déchets ménagers et 15 % des déchets professionnels.
Selon une étude MODECOM de 2019 menée par l’ADEME, une grande partie de ces biodéchets est encore enfouie, bien qu’ils puissent être transformés en ressources utiles comme le compost. Depuis le 1er janvier 2024, la loi AGEC impose à tous les producteurs, ménages comme professionnels, de trier leurs biodéchets à la source.
Pour accompagner cette transition, l’ADEME a identifié et soutenu 10 projets exemplaires adaptés au contexte unique de l’île, illustrant les possibilités concrètes de valorisation locale. Ces initiatives montrent qu’il est possible de transformer un défi en opportunité durable pour l’environnement et l’économie locale.
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Cadre réglementaire et enjeux locaux
La loi AGEC, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, impose le tri à la source des biodéchets pour tous les producteurs, qu’ils soient ménages, entreprises ou administrations. Ce cadre réglementaire vise à réduire les volumes de déchets enfouis, qui représentent encore une part importante des pratiques à La Réunion.
En 2019, 380 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés étaient produites sur l’île, dont une majorité finissait en centre d’enfouissement.
Objectifs principaux de la loi :
- Réduire les nuisances liées à l’enfouissement des déchets, telles que les émissions de méthane.
- Promouvoir la valorisation des biodéchets par des solutions telles que le compostage ou la méthanisation.
- Créer un cadre favorable au développement de l’économie circulaire.
Les sanctions prévues en cas de non-conformité sont également significatives, allant jusqu’à 150 000 € d’amende et deux ans d’emprisonnement pour les infractions les plus graves. Cependant, cette contrainte légale représente également une opportunité pour La Réunion.
La mise en place de solutions locales, adaptées aux spécificités du territoire (climat tropical, éloignement), permet de valoriser les biodéchets tout en générant des bénéfices économiques et sociaux. L’ADEME, en partenariat avec les collectivités locales, soutient activement ces initiatives pour démontrer la faisabilité technique et financière de ces solutions.
Les 10 projets exemplaires
1. Bois Demoiselle : Compostage électromécanique à La Possession
Deux composteurs électromécaniques traitent ici 7 tonnes de biodéchets par mois, collectés auprès d’hôpitaux, cliniques et industries. Le compost produit, normé NFU44-051, est vendu à 600 € la tonne.
- Impact : 80 tonnes/an de biodéchets valorisés, 9 emplois créés.
- Particularités : Valorisation locale et partenariats pour les matières carbonées (carton, pellets).
2. L’Entre-Deux : Compostage des cantines scolaires
Les écoles primaires trient leurs biodéchets, collectés par un chantier d’insertion. Deux composteurs produisent 10 tonnes/an de compost normé utilisé par les agriculteurs locaux.
- Impact : 10 emplois en insertion, 15 tonnes de biodéchets traités.
- Atout : Modèle éducatif intégrant éco-délégués.
3. Saint-Leu : Lombricompostage à l’école primaire
Un lombricomposteur transforme épluchures et dosettes de café en lombricompost et lombrithé.
- Impact : 150 kg/an de biodéchets valorisés.
- Point fort : Approche pédagogique adaptée aux écoles.
4. Saint-Denis : Plateforme low-tech POC100
Cette plateforme valorise 100 tonnes de biodéchets par an avec des techniques simples et accessibles.
- Impact : 15-20 tonnes de compost produits annuellement, 4 emplois en insertion.
- Spécificités : Modèle low-tech idéal pour les petits volumes.
5. La Possession : Bokashi et compostage en andains
Les écoles collectent leurs biodéchets dans des bacs hermétiques pour les fermenter avant leur compostage final à la pépinière municipale.
- Impact : 10 tonnes/an de biodéchets, 4 tonnes de compost.
- Innovation : Utilisation de la méthode japonaise bokashi.
6. CIREST : Broyage mobile mutualisé
Un broyeur mobile transforme les déchets verts collectés dans les déchèteries en broyat utilisé comme paillage ou compost.
- Impact : 250 tonnes/an de déchets verts valorisés.
- Avantage : Partage économique entre communes.
7. L’Hermitage : Compostage collectif en résidence
Des copropriétaires recyclent leurs biodéchets en compost utilisé pour les jardins et espaces verts.
- Impact : Quelques kilos de biodéchets traités par semaine.
- Force : Initiative communautaire et autonome.
8. Le Tampon : Chalets de compostage au collège La Chatoire
Les élèves et éco-délégués participent activement au compostage des déchets de la cantine.
- Impact : 10 tonnes/an de biodéchets transformés.
- Enjeu : Compléter le suivi par un prestataire professionnel.
9. Sainte-Marie : Composteur électromécanique d’E.Leclerc
Le centre commercial valorise 70 tonnes/an de fruits et légumes invendus en compost.
- Impact : 28 tonnes/an de compost.
- Particularités : Compost utilisé pour les espaces verts et vendu en magasin.
10. Le Tampon : Happy Time, un restaurant écoresponsable
Ce restaurant valorise 4 tonnes/an de biodéchets, réduisant ainsi ses coûts d’enlèvement des ordures.
- Impact : Économies de 1 000 €/an, compost utilisé sur place.
- Particularités : Modèle duplicable pour d’autres établissements.
Enseignements clés
Ces projets exemplaires révèlent plusieurs leçons essentielles pour la gestion des biodéchets à La Réunion :
1. Impact environnemental positif
La valorisation des biodéchets à La Réunion permet de réduire les volumes de déchets enfouis, limitant ainsi les émissions de gaz à effet de serre liées à l’enfouissement. Par exemple, les projets comme la plateforme low-tech POC100 et le compostage électromécanique à Bois Demoiselle transforment respectivement 100 tonnes et 80 tonnes de biodéchets en compost chaque année, tout en réduisant l’empreinte carbone des collectivités.
2. Création d’emplois locaux
Plusieurs initiatives ont permis de générer des opportunités d’emploi, notamment dans le cadre de chantiers d’insertion. La gestion des biodéchets offre des emplois directs dans les domaines de la collecte, du traitement et de la valorisation.
Le projet de broyage mobile mutualisé géré par la CIREST, par exemple, illustre cette capacité à impliquer des acteurs locaux et à mutualiser les ressources entre communes.
3. Adaptation au contexte insulaire
Les solutions adoptées tiennent compte des spécificités de l’île, comme les contraintes logistiques et climatiques. La méthode Bokashi, qui fermente les biodéchets avant leur compostage, est idéale pour les écoles et petites structures à La Possession, où les espaces disponibles pour la valorisation sont limités.
De même, les composteurs électromécaniques comme ceux d’E.Leclerc à Sainte-Marie montrent comment les acteurs privés peuvent jouer un rôle central dans cette transition.
4. Réplicabilité et modèles inspirants
Les initiatives présentées offrent des modèles duplicables dans d’autres communes ou entreprises. Par exemple, le projet Happy Time au Tampon, un restaurant qui valorise ses biodéchets pour économiser sur ses coûts d’enlèvement des ordures, peut inspirer d’autres établissements à adopter des pratiques similaires.
Consulter le Guide de gestion des biodéchets à La Réunion publié par l’ADEME ici.
Ces 10 projets prouvent que la gestion des biodéchets à La Réunion est à la fois possible, inspirante et bénéfique. Ils illustrent comment un déchet peut devenir une ressource précieuse pour les territoires.
Que vous soyez une collectivité, un entrepreneur ou un citoyen engagé, ces initiatives montrent qu’il est possible d’agir localement tout en ayant un impact positif durable. Et si vous étiez le prochain à montrer la voie ?