La loi de finances 2025 prévoyait une mesure attendue dans le secteur du BTP : l’abaissement du seuil de la franchise de TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires, censé entrer en vigueur dès le 1er mars 2025. L’objectif était de rétablir une concurrence plus équitable entre les artisans soumis à la TVA et les micro-entrepreneurs qui en sont exonérés. Cette disposition devait permettre de corriger un déséquilibre qui, selon les organisations professionnelles du bâtiment, fausse le marché et pénalise les entreprises assujetties à la TVA.
Cependant, à quelques jours de l’application de cette mesure, le gouvernement a annoncé sa suspension, prolongeant la concertation jusqu’au 1er juin 2025. Cette décision a immédiatement suscité l’indignation des organisations professionnelles du bâtiment, qui dénoncent un report injustifié et une atteinte à la compétitivité des artisans.
Dans le communiqué de presse daté du 05 Mars 2025, la CAPEB et la FFB demandent une mise en œuvre immédiate, considérant que l’attente prolongée aggrave les distorsions de concurrence auxquelles font face les entreprises artisanales.
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Une réforme annoncée puis mise en pause
L’abaissement du seuil de la franchise de TVA visait à réduire les écarts de prix entre les entreprises classiques, soumises à la TVA, et les micro-entrepreneurs bénéficiant d’une exonération, leur permettant d’afficher des tarifs plus attractifs.
Cette différence crée une situation de concurrence déséquilibrée, où les entreprises assujetties à la TVA peinent à rivaliser avec des auto-entrepreneurs qui peuvent proposer des prix jusqu’à 20 % inférieurs.
Face à la contestation d’une partie des indépendants et aux préoccupations concernant l’impact sur l’activité des micro-entreprises, le gouvernement a choisi de suspendre l’application immédiate de la mesure.
Cette pause vise à permettre une concertation plus approfondie, mais elle maintient un flou qui inquiète les acteurs du BTP.
Selon les organisations professionnelles, cette incertitude pénalise les artisans qui espéraient une correction rapide des inégalités existantes.
Le maintien de cette franchise de TVA avantageuse pour les micro-entrepreneurs prolonge une situation dans laquelle les artisans doivent supporter un désavantage concurrentiel structurel.
« Ce report est incompréhensible. La loi a été votée, il faut l’appliquer. Nos entreprises subissent déjà des conditions économiques difficiles, ce retard ne fait qu’aggraver la situation. » – Communiqué de la CAPEB et de la FFB
Le bâtiment, un secteur particulièrement touché
Le secteur du BTP est particulièrement concerné par cette problématique, car il compte un grand nombre de micro-entrepreneurs.
Depuis plusieurs années, le régime de la micro-entreprise attire de plus en plus de travailleurs du bâtiment en raison de ses avantages fiscaux et administratifs.
Toutefois, cette dynamique pose plusieurs problèmes :
- Des écarts de prix injustes : un artisan soumis à la TVA facture mécaniquement plus cher qu’un micro-entrepreneur, ce qui crée un biais en faveur de ces derniers.
- Une précarisation des travailleurs : le régime de la micro-entreprise offre moins de protections sociales que le statut de salarié ou d’entrepreneur individuel classique.
- Un affaiblissement du salariat : de nombreux professionnels préfèrent se tourner vers le statut d’auto-entrepreneur plutôt que d’être employés par des entreprises du BTP.
Ces éléments rendent la concurrence particulièrement rude pour les artisans, qui doivent faire face à une diminution de leurs marges et à des difficultés croissantes pour recruter. La CAPEB et la FFB alertent sur les conséquences à long terme d’une telle situation, qui pourrait nuire à l’attractivité des métiers du bâtiment et fragiliser davantage les entreprises artisanales.
La CAPEB et la FFB exigent une application immédiate
Dans ce contexte, les organisations professionnelles réclament une mise en œuvre immédiate de la réforme et proposent d’aller plus loin en instaurant un seuil de franchise TVA spécifique pour le bâtiment, fixé à 1 euro.
Cette mesure radicale vise à supprimer totalement l’avantage fiscal dont bénéficient les micro-entrepreneurs du BTP et à rétablir une égalité entre tous les acteurs du marché.
« Nos entreprises ne peuvent plus attendre. La distorsion de concurrence est insoutenable. Il faut agir maintenant. » – CAPEB et FFB
Les fédérations professionnelles alertent également sur un autre risque : celui de l’arrivée de prestataires étrangers bénéficiant de régimes fiscaux plus favorables.
Certaines entreprises européennes pourraient tirer parti du statu quo pour proposer leurs services en France sans être soumises aux mêmes obligations fiscales, accentuant encore les difficultés des entreprises nationales.
Quelles conséquences si rien ne change ?
Si la réforme reste suspendue jusqu’en juin, les artisans devront continuer à affronter une concurrence qu’ils jugent déloyale. La CAPEB et la FFB redoutent également un autre scénario : un abandon définitif de la mesure sous la pression des micro-entrepreneurs et d’autres acteurs économiques favorables au maintien de la franchise actuelle.
Dans cette hypothèse, les entreprises artisanales resteraient désavantagées, avec des marges de manœuvre réduites pour rivaliser avec les auto-entrepreneurs et les prestataires étrangers.
Selon les organisations du bâtiment, cela risquerait de fragiliser encore plus le secteur, déjà confronté à des difficultés économiques et à des besoins croissants en main-d’œuvre qualifiée.
La suite : vers un bras de fer jusqu’au 1er juin ?
Les prochaines semaines seront déterminantes. Le gouvernement maintiendra-t-il sa position ou finira-t-il par céder à la pression des fédérations du bâtiment ?
Les discussions doivent se poursuivre jusqu’au 1er juin, mais les organisations professionnelles du BTP ne comptent pas relâcher la pression. Elles continuent d’exiger une application immédiate de la réforme et une adaptation du régime de franchise de TVA pour le secteur.
D’ici là, le rapport de force reste ouvert, et les entreprises artisanales devront encore patienter pour savoir si cette mesure, pourtant votée, sera effectivement mise en place.
À l’attention de Mme la Ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des PME et de l’économie sociale et solidaire
Date : 18/02/2025
Objet : Demande d’annulation de la réforme sur l’abaissement du seuil de TVA et ses impacts sur mon activité d’autoentrepreneur artisan électricien
Madame la Ministre,
Je me permets de vous adresser ce courrier afin de vous faire part de mes vives inquiétudes concernant les conséquences que pourrait avoir l’abaissement du seuil de franchise de TVA pour les autoentrepreneurs, réforme actuellement en discussion, et pour vous demander son annulation.
Après un licenciement, et en tant que responsable d’une famille de trois enfants, j’ai dû faire face à une situation particulièrement difficile. Ne trouvant pas d’emploi et refusant de rester au chômage après 24 ans d’activité salariée, j’ai choisi de me lancer comme autoentrepreneur. Ce statut m’a permis de rebondir rapidement grâce à sa simplicité administrative et sa gestion allégée, tout en continuant à subvenir aux besoins de ma famille.
Aujourd’hui, électricien autoentrepreneur depuis 15 ans, exerçant une activité mixte (prestation de services et vente), je dois faire face à de nombreuses charges : cotisation foncière des entreprises (CFE), assurances décennales obligatoires, achat de matériel, frais de déplacement, cotisations sociales, etc. Ce statut me permet d’exercer mon métier à des tarifs accessibles tout en maintenant une rentabilité viable.
L’abaissement du seuil de TVA m’obligerait à facturer cette taxe à mes clients, ce qui entraînerait une hausse de mes prix et, par conséquent, une diminution de mon activité. Mon secteur d’activité ne me permet pas d’absorber cette hausse sans impacter directement ma clientèle ou ma rentabilité. Une telle réforme risquerait donc de fragiliser mon entreprise, comme celles de nombreux autres artisans, nous plaçant dans une impasse financière : soit nous augmentons nos tarifs au risque de perdre notre clientèle, soit nous réduisons nos marges au point de ne plus pouvoir exercer durablement.
Certains estiment que le statut d’autoentrepreneur crée une concurrence déloyale. Cependant, il est important de rappeler que ce régime a été conçu pour permettre à des travailleurs indépendants d’exercer légalement avec une gestion simplifiée, et non pour contourner les obligations des autres formes d’entreprises. D’ailleurs, si ce statut était aussi avantageux que certains le prétendent, beaucoup d’entreprises feraient le choix d’y basculer, ce qui n’est pas le cas. La réalité est que l’autoentrepreneur ne peut ni déduire ses charges ni dépasser un certain chiffre d’affaires, ce qui limite considérablement son développement. Malgré ces contraintes, ce cadre reste adapté à de nombreux indépendants qui, comme moi, souhaitent simplement pouvoir continuer à travailler.
En ce qui me concerne, et compte tenu de mon âge de 58 ans, retrouver un emploi salarié serait extrêmement difficile si je devais cesser mon activité. Alors que l’État encourage le maintien des seniors dans l’emploi en raison du recul de l’âge de départ à la retraite, cette mesure va totalement à l’encontre de cet objectif. D’autant plus que, selon l’Insee, les autoentrepreneurs de plus de 50 ans représentent 40 % des effectifs. Une telle réforme risquerait de plonger une partie significative d’entre eux dans la précarité et de les contraindre à recourir à des aides sociales, alors que notre seul souhait est de continuer à travailler et à contribuer à l’économie.
Je vous demande donc expressément d’annuler cette réforme qui mettrait en péril des milliers d’artisans et de petites entreprises. Il me semble essentiel qu’une réflexion approfondie soit menée afin de ne pas pénaliser ceux qui participent activement à l’économie locale et au dynamisme de leur territoire.
Dans l’attente de votre retour et en espérant que ces préoccupations seront prises en compte, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.