Martinique et énergies marines renouvelables : innovations face aux risques naturels

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    La Martinique, avec ses ressources marines uniques, mise sur les énergies renouvelables pour atteindre son autonomie énergétique d’ici 2030. Cependant, les risques naturels tels que les cyclones, séismes et houles intenses posent des défis majeurs au développement des infrastructures en mer.

    Une récente étude commandée par l’ADEME explore les solutions technologiques et normatives pour garantir la résilience des énergies marines renouvelables (EMR) face à ces conditions extrêmes.

    Enjeux de la transition énergétique en Martinique

    La Martinique, comme les autres territoires d’outre-mer, est engagée dans une transformation énergétique pour atteindre l’objectif ambitieux fixé par la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte : couvrir 100 % de sa consommation énergétique grâce aux énergies renouvelables d’ici 2030.

    Cet objectif, essentiel pour réduire la dépendance aux énergies fossiles importées, repose en partie sur l’exploitation des ressources marines.

    Les énergies marines renouvelables (EMR), qui incluent l’éolien offshore, l’houlomoteur, l’hydrolien et l’énergie thermique des mers, constituent une opportunité unique pour diversifier la production énergétique.

    Leur potentiel est d’autant plus stratégique dans un territoire non interconnecté comme la Martinique, où la stabilité et la prévisibilité de l’approvisionnement énergétique sont essentielles. Cependant, le développement de ces infrastructures doit également répondre aux exigences environnementales, notamment la préservation de la biodiversité marine.

    Face à ces enjeux, la Martinique doit conjuguer innovation technologique et adaptation aux particularités locales pour intégrer durablement les EMR dans son mix énergétique.

     

    Les risques naturels spécifiques à la Martinique

    Le développement des EMR en Martinique est indissociable des nombreux risques naturels qui caractérisent l’île. Ces phénomènes, à la fois fréquents et intenses, imposent des contraintes uniques aux infrastructures marines.

    Cyclones tropicaux

    Les cyclones représentent la menace la plus fréquente et la plus intense pour les infrastructures en mer. Avec une moyenne d’un phénomène cyclonique tous les 4,3 ans, la Martinique est exposée à des vents violents pouvant dépasser 200 km/h et à des houles cycloniques atteignant 10 à 12 mètres de hauteur.

    Ces événements extrêmes peuvent entraîner des dégâts majeurs sur les infrastructures marines, notamment les éoliennes offshore et les systèmes d’ancrage des flotteurs.

    Les risques sismique et volcanique

    La Martinique est classée en zone de sismicité 5, la catégorie la plus élevée en France. La plaque tectonique des Caraïbes, en interaction avec plusieurs plaques voisines, provoque des séismes fréquents et parfois de forte magnitude. Ces secousses peuvent fragiliser les ancrages, provoquer la liquéfaction des sols sous-marins et menacer l’intégrité des structures.

    La Montagne Pelée, au nord de l’île, est un volcan actif dont la dernière éruption remonte aux années 1929-1932.

    Bien que rares, les éruptions volcaniques ont des conséquences potentiellement dévastatrices, touchant un large périmètre de la côte nord et des zones marines environnantes.

     

    Technologies et innovations pour surmonter les conditions extrêmes

    Pour relever les défis posés par les risques naturels, les technologies des énergies marines renouvelables (EMR) sont adaptées pour garantir leur résilience. Plusieurs innovations permettent de renforcer ces infrastructures face aux cyclones, séismes et autres aléas climatiques.

    Éolien en mer

    Les éoliennes en mer, qu’elles soient posées ou flottantes, sont les technologies les plus matures parmi les EMR. Leur adaptation aux conditions extrêmes repose sur plusieurs avancées :

    • Systèmes de contrôle avancés : Des dispositifs tels que le Yaw Power Backup System, utilisés sur des éoliennes Vestas en Martinique, permettent de continuer à orienter les pales même lors de vents cycloniques supérieurs à 70 m/s.
    • Renforcement structurel : Les pales, tours et ancrages sont conçus pour supporter les forces extrêmes générées par les vents et houles. Des solutions comme les ancres à lignes redondantes réduisent les risques de défaillance.
    • Exemples internationaux : Des éoliennes comme celles du projet Floatgen en France ou Hibiki au Japon ont prouvé leur résistance à des vents cycloniques et des houles atteignant 20 mètres.

    Houlomoteur

    Les dispositifs houlomoteurs captent l’énergie des vagues, mais leur exposition en surface les rend vulnérables :

    • Dispositifs de « mode survie » : Certains systèmes, comme le démonstrateur de la société CorPower Ocean, se désengagent temporairement des vagues extrêmes pour éviter des surcharges.
    • Retour d’expérience : En Martinique, les projets futurs doivent tirer des enseignements de cas comme le prototype « Houles Australes » à La Réunion, abandonné après avoir été endommagé par un cyclone.

    Hydrolien

    Placés sur les fonds marins, les systèmes hydroliens sont relativement protégés des vents et houles. Toutefois, ils restent vulnérables aux turbulences sous-marines causées par les cyclones :

    • Renforcement des structures sous-marines : Une attention particulière est portée aux vibrations et aux contraintes mécaniques pour limiter l’usure des systèmes.

    Énergie thermique des mers (ETM) et SWAC

    Ces technologies, qui exploitent les différences de température dans l’eau de mer, sont particulièrement adaptées aux zones tropicales :

    • Avantages : Une énergie stable et non intermittente, moins sensible aux aléas climatiques.
    • Défis : Les composants des systèmes d’entrée et de sortie d’eau doivent être renforcés pour résister aux variations rapides de courants et de températures.

     

    Normes et standards pour des infrastructures sécurisées

    La conception des infrastructures EMR repose sur des normes strictes qui garantissent leur sécurité face aux conditions extrêmes.

    Normes internationales

    • Norme IEC 61400 : Cette norme définit les exigences de conception pour les éoliennes terrestres et marines, avec des spécifications particulières pour les conditions cycloniques (classe T). Elle couvre tous les aspects des éoliennes, des pales aux ancrages, pour assurer leur intégrité structurelle.
    • Normes DNV : Reconnu pour son expertise maritime, DNV propose des standards spécifiques pour les infrastructures marines flottantes, incluant des tests pour évaluer leur résistance aux tempêtes extrêmes et aux combinaisons de vents et vagues.

    Importance des tests en conditions réelles

    Les infrastructures EMR sont soumises à des essais intensifs avant leur mise en service :

    • Exemples concrets : Les projets comme WindFloat Atlantic au Portugal ont démontré leur capacité à résister à des houles de 20 mètres et des vents de 140 km/h grâce à des tests rigoureux.
    • Classification des vents : Les turbines sont classées en fonction des vitesses de vent qu’elles peuvent supporter. Les turbines de classe T, conçues pour des zones cycloniques, sont particulièrement adaptées à des environnements comme celui de la Martinique.

     

    Retours d’expérience pour guider la Martinique

    Les territoires confrontés à des conditions climatiques similaires à celles de la Martinique offrent des enseignements précieux pour le développement des énergies marines renouvelables (EMR). Les retours d’expérience internationaux démontrent l’importance de l’innovation technologique et de la résilience structurelle dans ces environnements extrêmes.

    Les Projets asiatiques

    • Hibiki au Japon : Cette éolienne flottante a résisté à 24 typhons entre 2018 et 2022, dont cinq super-typhons, grâce à une conception en barge amortissant les houles et une redondance des lignes d’ancrage. Ces caractéristiques peuvent inspirer des solutions pour les projets en Martinique.
    • Three Gorges Pilot en Chine : Ce projet utilise un flotteur semi-submersible capable de résister à des vents et houles extrêmes, soulignant la pertinence de telles infrastructures dans des zones exposées aux cyclones.

    Les innovations européennes

    • Floatgen (France) : Première éolienne flottante française, elle a démontré sa capacité à supporter des rafales à 154 km/h et des vagues atteignant 12 mètres. Cette technologie pourrait être adaptée pour les eaux antillaises.
    • WindFloat Atlantic (Portugal) : Ce projet pilote, avec des éoliennes flottantes de 8 MW, a survécu à des houles de 20 mètres grâce à des fondations semi-submersibles, prouvant l’efficacité des technologies avancées en mer.

     

    Consultez le document : Énergies renouvelables en mer

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