Emmanuelle Cosse : « Ne pas investir dans le logement, c’est créer les difficultés économiques de demain »

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    Invitée sur RTL Matin, Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) et ancienne ministre du Logement, a lancé un appel urgent à l’action face à la crise du logement social en France. À la veille du Congrès HLM de Montpellier, elle a présenté des chiffres alarmants : plus de 2,6 millions de ménages attendent un logement social, un chiffre en hausse de 100 000 par rapport à l’année dernière. Ce décalage dramatique entre l’offre et la demande reflète un sous-investissement chronique dans le secteur depuis plusieurs années, aggravé par la flambée des prix de l’immobilier et la raréfaction du parc locatif privé, notamment dans les villes moyennes. Selon Emmanuelle Cosse, cette situation n’est pas seulement un enjeu social, mais aussi un défi économique majeur. Elle appelle le gouvernement à réagir, soulignant que le logement social est un levier crucial pour éviter une « bombe sociale » et soutenir la relance économique. Voici les moments forts de son intervention.

    Emmanuelle Cosse : « Une demande qui explose, une offre qui s’effondre »

    À l’approche du congrès HLM, les chiffres sont particulièrement inquiétants. Emmanuelle Cosse rappelle que plus de 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement social. « C’est 100 000 de plus que l’an passé », déplore-t-elle, alors même que le nombre de logements sociaux agréés continue de chuter. « Nous ne construisons que 82 000 logements cette année, contre 120 000 il y a à peine cinq ou six ans », explique-t-elle. Pour elle, cette situation est la conséquence directe d’un abandon progressif des politiques publiques de soutien au logement social depuis 2017.

    La présidente de l’USH souligne également que cette demande croissante ne concerne plus seulement les grandes métropoles, mais aussi des villes moyennes. « Depuis le Covid, le parc locatif privé s’est raréfié, y compris dans des territoires où il n’y avait pas de difficultés auparavant », précise-t-elle. Selon elle, les demandeurs ne sont pas des personnes sans emploi ou en grande précarité, mais bien des travailleurs modestes : « Ce sont des personnes qui travaillent, souvent proches du SMIC, mais qui ne peuvent plus se loger dans le privé à cause de la flambée des prix. »

    « Le plein emploi, mais des salaires qui ne suivent pas »

    La situation actuelle est d’autant plus paradoxale que la France connaît un phénomène de plein emploi. « C’est une excellente nouvelle pour le pays, mais elle ne s’accompagne pas d’une politique de logement adaptée aux bas salaires », analyse Emmanuelle Cosse. Ce sont ces travailleurs modestes, avec des familles souvent monoparentales, qui se retrouvent dans l’impasse, car leur salaire ne suffit plus à couvrir les loyers du secteur privé.

    Selon elle, les délais d’attente pour obtenir un logement social sont devenus insupportables. « En Île-de-France, on parle de 10 ans d’attente. Même dans les régions moins tendues, l’attente moyenne est de six à sept ans », révèle-t-elle. Un constat qui interpelle d’autant plus lorsque l’on sait qu’une partie de ces personnes sont employées dans des secteurs essentiels. « Sans logement abordable, les emplois ne seront tout simplement pas pourvus », avertit-elle.

    « Un manque de volonté politique »

    Face à cette situation, Emmanuelle Cosse ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de pointer la responsabilité des choix politiques. « Depuis 2017, avec Emmanuel Macron, on a fait le choix de ne pas soutenir le logement, en le considérant comme une politique locale plutôt que nationale », affirme-t-elle. Elle déplore également le manque de soutien de Bercy aux ministres successifs du Logement, une fonction qu’elle qualifie de « sacrifiée ». « Il y a eu huit ministres du Logement en sept ans, ce qui montre bien que ce n’était pas une priorité pour ce gouvernement », ajoute-t-elle.

    Elle rappelle que ne pas investir dans le logement social a des conséquences directes sur l’économie : « Aujourd’hui, la crise du logement coûte cher à l’État. Elle a fait baisser les recettes fiscales et a coûté un demi-point de PIB. Si rien n’est fait, cela sera encore pire. »

    Emmanuelle Cosse appelle donc à un réinvestissement massif dans le secteur, à l’image de ce qui a été fait pour des projets comme le Grand Paris ou le village olympique : « Investir dans le logement, c’est investir pour les 80 ou 100 ans à venir. C’est un investissement durable et nécessaire pour éviter la crise sociale et économique de demain. »

    « Il est temps de passer à l’action »

    À la question de savoir ce qu’elle attend du nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier, Emmanuelle Cosse est claire : « J’attends des actes, pas des slogans. » Elle réclame un plan de construction ambitieux, un soutien accru aux maires qui souhaitent construire et une accélération des procédures administratives. « Il faut faciliter l’accès au foncier et adopter les mêmes mesures que pour les Jeux Olympiques, avec des permis obtenus plus rapidement », insiste-t-elle.

    Enfin, elle conclut en rappelant l’urgence de la situation : « Un pays qui va bien, c’est un pays qui loge ses concitoyens. Il est impensable que des ouvriers ou des fonctionnaires dorment dans leur voiture. Cela doit changer. »

    Philippe PIED

     

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