Avec 2 354 défaillances d’entreprises en Outre-mer en 2024, le dernier rapport de l’IEDOM-IEOM dresse un bilan contrasté de la situation économique. Si le nombre total de faillites progresse modérément (+1,9 % sur un an), le secteur du BTP se distingue par une relative stabilité (-1,0 %), contrairement à la France métropolitaine, où les faillites bondissent de +25,1 %. Mais cette tendance cache de fortes disparités entre territoires.
L’analyse des données des trois derniers trimestres montre que cette résistance du BTP ultramarin n’est pas uniforme. Selon le communiqué de l’IEDOM-IEOM, des divergences notables apparaissent selon les régions, avec une progression marquée des défaillances dans ce secteur.
Au troisième trimestre 2024, les défaillances du BTP en Outre-mer avaient encore progressé de +14,8 %, après une hausse de +21,0 % au deuxième trimestre, avant de ralentir en fin d’année. Cette évolution soulève plusieurs questions : les entreprises du BTP en Outre-mer peuvent-elles maintenir cette stabilité en 2025 ? Les disparités régionales risquent-elles de s’accentuer ?
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Moins de faillites dans le BTP ultramarin, mais jusqu’à quand ?
En France métropolitaine, les faillites d’entreprises du BTP explosent (+25,1 % en 2024), portées par la flambée des coûts des matériaux, le resserrement du crédit et la baisse de la demande en logement neuf. En comparaison, l’Outre-mer fait figure d’exception avec une stabilisation des défaillances du secteur (-1,0 % sur un an, soit 594 entreprises en difficulté).
Les raisons de cette stabilité relative
- Une demande toujours soutenue en logements : Les territoires ultramarins font face à une pression immobilière constante, notamment dans le logement social. Le besoin de nouveaux logements soutient l’activité des entreprises de construction.
- Un recours accru aux aides et dispositifs de soutien : Certaines entreprises ont bénéficié d’aides prolongées après la crise sanitaire, retardant ainsi les effets des tensions financières.
- Un marché plus dynamique dans certaines zones : En Guyane ou en Martinique, les carnets de commandes restent relativement remplis, ce qui limite le nombre de faillites.
- Une adaptation plus rapide des entreprises : Les entreprises du BTP ont, pour certaines, diversifié leurs offres et intégré des solutions moins dépendantes des fluctuations des prix des matériaux.
Cependant, cette résilience pourrait être mise à rude épreuve. La fin des dispositifs de soutien, conjuguée à la hausse des taux d’intérêt et aux difficultés de financement bancaire, pourrait entraîner une recrudescence des défaillances en 2025.
Des territoires en contraste : où les entreprises du BTP souffrent-elles le plus ?
La Réunion : une situation critique pour les entreprises
Avec +29,5 % de défaillances (1 123 entreprises en faillite), La Réunion est la région ultramarine la plus touchée. Ce chiffre marque une nette aggravation par rapport aux trimestres précédents (+44,5 % au 3e trimestre 2024). Plusieurs facteurs expliquent cette vulnérabilité :
- Forte dépendance aux marchés publics, dont certains ont été ralentis en raison de tensions budgétaires.
- Augmentation des coûts des matériaux qui pèse sur les marges des petites et moyennes entreprises.
- Difficultés de financement, avec des banques plus réticentes à octroyer des crédits aux entreprises en difficulté.
Martinique et Guyane : un recul des défaillances encourageant
À l’inverse, la Martinique enregistre une baisse des défaillances pour la première fois en trois ans (-6,0 %, soit 440 faillites). En Guyane, la tendance est encore plus marquée avec une diminution de -12,7 %. Ce recul est dû en partie à une meilleure santé du marché du logement et à des commandes publiques plus dynamiques.
Nouvelle-Calédonie et Polynésie : une reprise spectaculaire
Les chiffres sont sans appel : -35,3 % de faillites en Nouvelle-Calédonie et -41,8 % en Polynésie française. Ces baisses s’expliquent par des mesures de soutien spécifiques :
- Mise en place de fonds d’aide et de chômage partiel prolongé
- Report des charges fiscales et sociales
- Poursuite des investissements publics pour la reconstruction après les crises de 2023 et 2024
Pourquoi certaines entreprises tiennent bon ?
Si certaines structures ferment, d’autres parviennent à résister et à se réinventer. Plusieurs stratégies expliquent cette résilience :
- Adaptation aux coûts : Diversification des fournisseurs et recours à des alternatives locales pour limiter l’impact de la hausse des prix des matériaux.
- Innovation et transition écologique : Les entreprises qui investissent dans des solutions de construction durable trouvent de nouvelles opportunités sur le marché.
- Recentrage sur la commande publique : Certaines sociétés privilégient les marchés publics, qui offrent plus de stabilité financière.
- Stratégies de fusion et de regroupement : Face aux difficultés, certaines entreprises préfèrent s’associer pour mutualiser leurs ressources et renforcer leur solidité financière.
Quelles perspectives pour 2025 ?
L’année à venir s’annonce incertaine pour les entreprises du BTP en Outre-mer. L’arrêt progressif des aides publiques risque d’exposer certaines structures à une fragilisation financière, en particulier celles qui dépendent fortement des subventions pour maintenir leur activité.
La pression exercée par la hausse des taux d’intérêt complique l’accès au crédit, rendant difficile le financement des projets et ralentissant les investissements privés.
À cela s’ajoute une possible stagnation, voire une diminution des investissements publics dans certaines régions, ce qui accentuerait les difficultés des entreprises de construction les plus dépendantes des marchés institutionnels.
Malgré ces incertitudes, des opportunités émergent, notamment avec la montée en puissance de la construction durable et des innovations techniques permettant de réduire les coûts et d’améliorer la compétitivité des entreprises.
L’adoption de nouvelles méthodes de gestion et de diversification des activités apparaît comme un levier essentiel pour celles qui souhaitent renforcer leur résilience face à un environnement économique incertain.
En savoir plus sur Les défaillances d’entreprises dans les Outre-mer 4e trimestre 2024
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Le BTP en Outre-mer affiche une meilleure stabilité que la métropole, mais les signaux d’alerte restent nombreux, notamment à La Réunion où les faillites s’accumulent. Si certaines régions comme la Martinique et la Guyane voient une amélioration, la vigilance est de mise pour 2025.