Le 6 novembre 2024, au Théâtre à L’Ouest OL Vallée à Décines-Charpieu, près de Lyon, plus de 130 acteurs du secteur routier – maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises, ingénieurs, représentants syndicaux et institutionnels – se sont réunis pour la 4e Rencontre régionale de la route, organisée sur le thème « révolutionnons ensemble les chantiers routiers ». De la notion de « chantier vivant » jusqu’à l’utilisation d’outils numériques et de dispositifs de sécurisation, en passant par la nécessité de mieux étaler les travaux dans le temps, cette journée a mis en lumière des leviers pratiques et opérationnels.
Les professionnels ultramarins des travaux publics y trouveront peut-être des pistes pour renforcer la qualité des relations entre les différents intervenants, rassurer les riverains, préserver les écosystèmes et valoriser leurs métiers.
Un chantier comme un écosystème vivant, exigeant dialogue et anticipationLa matinée de la 4e Rencontre régionale de la route a été ouverte par un constat partagé : un chantier routier n’est pas un assemblage figé de tâches, mais un « univers vivant » fait de découvertes, d’adaptations et de révisions permanentes. « C’est une œuvre collective réunissant maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises », a insisté Anthony STAL, adhérent à Routes de France Auvergne-Rhône-Alpes (AURA). En présence de 130 participants issus d’horizons variés – représentants des collectivités, ingénieurs en bureau d’études, entrepreneurs, maîtres d’ouvrage publics et privés –, cette rencontre a réaffirmé la nécessité de bâtir une relation de confiance mutuelle. Une exigence qui s’applique tout autant en métropole que dans les territoires ultramarins, où le contexte insulaire ou tropical renforce encore le besoin d’anticipation et de dialogue.
Confiance, ingénierie et lissage des plannings : un triptyque opérationnel
Le président de Routes de France Auvergne-Rhône-Alpes, Thierry MOREL, a souligné l’importance de « maintenir un niveau d’ingénierie constant tout au long du projet » et de respecter les impératifs de performance, de sécurité et de délais. Pour ce faire, l’une des clés évoquées a été l’étalement de la planification des travaux, aujourd’hui trop souvent concentrés entre avril et septembre. Une répartition plus homogène dans l’année faciliterait non seulement l’organisation des entreprises, mais offrirait aussi plus de lisibilité aux maîtres d’ouvrage et une moindre gêne pour les usagers. Les professionnels ultramarins, confrontés à des enjeux climatiques et logistiques spécifiques, pourront s’inspirer de cette préconisation pour adapter le rythme de leurs chantiers, en tenant compte des conditions météorologiques et de l’accès aux matériaux dans ces territoires éloignés.
La réunion de chantier, un média incontournable face à la digitalisation
Si la numérisation (outils collaboratifs, GED, modélisation BIM, visioconférences) est largement saluée pour la rapidité de partage d’informations et la simplification du suivi, tous les intervenants ont souligné l’importance de conserver une rencontre physique sur le terrain. « La réunion de chantier reste un média clé pour remédier aux problèmes en temps réel, rassembler les parties prenantes et consolider la confiance », a confirmé Stéphane PANIN, président de la section Rhône-Alpes-Auvergne de l’AITF (Association des Ingénieur·es Territoriaux·ales de France). Dans les contextes ultramarins, où les distances entre sites et les contraintes d’approvisionnement peuvent être plus fortes, l’enjeu de la présence humaine sur site est d’autant plus crucial.
Route-bashing et défis environnementaux : redonner du sens aux métiers
L’un des sujets centraux abordés a été la perception parfois négative des chantiers par le grand public, souvent assimilés à des nuisances et à une artificialisation des sols. Or, la profession s’attache désormais à démontrer que les travaux routiers deviennent plus respectueux de l’environnement, avec l’essor des enrobés drainants, l’intégration croissante d’agrégats d’enrobés recyclés (22,6% en 2022 dans la région, dépassant déjà les objectifs nationaux), et le retraitement des chaussées en place pour limiter le transport de matériaux neufs. Dans des espaces ultramarins aux écosystèmes fragiles, la prise en compte de la biodiversité, la limitation de l’empreinte carbone ou l’utilisation de techniques éprouvées, est un argument majeur pour apaiser les réticences et contribuer à la préservation de l’environnement local.
Des dispositifs concrets pour renforcer la sécurité et l’information du public
Parmi les outils présentés, les dispositifs « Chantier franchement sûr » et « Route barrée » démontrent que la sécurité et la communication restent au cœur des priorités. Au-delà d’un simple cadre réglementaire, ces initiatives incluent des réunions d’information publiques, une signalisation temporaire renforcée, des itinéraires de déviation clairement indiqués et un dialogue permanent avec les riverains. L’objectif : diminuer les risques d’accident, maintenir la qualité et le rythme des travaux, tout en rassurant les habitants sur le bien-fondé et la nécessité des interventions. Ces exemples sont particulièrement transposables aux territoires ultramarins, où le lien avec les communautés locales est essentiel, et la prévention du risque climatique plus que jamais d’actualité.
Ingénierie, développement durable et formation : préparer l’avenir des TP
La Rencontre a également insisté sur la crise des vocations, particulièrement chez les ingénieurs, et sur l’urgence à redonner du sens aux métiers de la route. Les professionnels encouragent l’intégration du développement durable dès la conception des ouvrages, l’utilisation d’outils innovants (jumeaux numériques, éco-comparateurs comme SEVE) et la formation continue des équipes. Dans les régions ultramarines, où les infrastructures routières doivent composer avec des contraintes naturelles et climatiques spécifiques, ces approches innovantes peuvent contribuer à l’émergence d’un nouveau modèle plus résilient, plus attractif et mieux adapté aux besoins des usagers.
Adaptabilité et Plan national d’adaptation au changement climatique
Enfin, la réunion a mis en exergue la vulnérabilité croissante des infrastructures face au dérèglement climatique. Investir dans l’adaptabilité, l’évolutivité et la maintenance préventive des routes, c’est limiter les coûts futurs. « Le coût le moins élevé, c’est l’adaptabilité aux usages », a souligné Alexandre ROUFFIGNAC, délégué général Routes de France. Cette approche rejoint pleinement les objectifs du Plan national d’adaptation au changement climatique, présenté en octobre 2024, et s’applique pleinement aux territoires ultramarins où les phénomènes météorologiques extrêmes sont parfois plus fréquents et plus intenses.
Un exemple inspirant pour les territoires ultramarins
La 4e Rencontre régionale de la route a ainsi mis en évidence un ensemble de bonnes pratiques, d’outils et de réflexions particulièrement utiles pour les professionnels des travaux publics dans les territoires ultramarins. Du lissage des travaux à l’année à la réaffirmation du rôle de la réunion de chantier, de la prise en compte des écosystèmes locaux à la mise en œuvre de dispositifs d’information et de sécurité renforcés, en passant par l’intégration de l’ingénierie durable et la formation, ce rendez-vous a montré la voie vers une filière plus responsable, plus transparente et plus fière de ses réalisations.
Une dynamique qui pourrait intéresser l’outre-mer, confronté à des défis spécifiques sur la manière de concevoir, de réaliser et de valoriser les chantiers routiers.
Philippe PIED