Amélioration de l’habitat en MARTINIQUE : 12 enseignements techniques issus du terrain

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Amélioration habitat Martinique

En Martinique, l’habitat est soumis à des contraintes climatiques intenses : chaleur constante, humidité élevée, cyclones réguliers, secousses sismiques. Ces conditions exigent des bâtiments non seulement adaptés, mais pensés dans une logique de résilience. C’est dans ce contexte que s’inscrit le programme OMBREE (Outre-Mer pour des Bâtiments Résilients et Économes en Énergie), piloté par l’AQC, avec le concours de l’association martiniquaise KEBATI.

Dans le cadre de ce programme, un retour d’expérience (REX) a été mené sur le territoire afin de dresser un état des lieux très concret : douze enseignements ont été tirés de situations réelles, observées sur le terrain. Entre non-qualités, solutions correctives et bonnes pratiques, ces enseignements offrent une matière précieuse pour tous les professionnels du bâtiment.

Les erreurs fréquentes sur le terrain : constats et impacts

Climatisation et confort thermique mal maîtrisé

L’installation des unités extérieures de climatisation constitue l’une des erreurs les plus récurrentes. Trop souvent placées sur des balcons sans ombrage ou près des ouvertures destinées à la ventilation naturelle, elles créent des zones de surchauffe contre-productives. Ce positionnement altère non seulement le rendement de l’équipement, mais participe aussi à la formation de mini-îlots de chaleur au sein du logement.

Par ailleurs, le recours exclusif à la climatisation, sans ventilation naturelle ni brasseurs d’air, renforce l’inconfort thermique et augmente la consommation énergétique. La méconnaissance des effets combinés entre climatisation et brassage d’air entraîne souvent une stratification thermique à l’intérieur des pièces, avec des zones chaudes persistantes. L’installation de brasseurs d’air, mal positionnés ou à une hauteur inadéquate, vient aggraver la situation au lieu de l’améliorer.

Défauts dans la gestion de l’eau

Sur les toitures, les terrasses ou en pied de bâtiment, de nombreux cas de stagnation d’eau ont été relevés, liés à des pentes mal conçues, des piscettes défaillantes ou des exutoires mal placés. Ces accumulations favorisent les infiltrations, les remontées capillaires et la détérioration des enduits en pied de mur.

Quant à la récupération des eaux de pluie, bien qu’ancrée culturellement, elle reste souvent mal maîtrisée : cuves à l’air libre, absence de trop-plein, contamination par déchets organiques. Ces configurations génèrent des risques sanitaires avérés (prolifération de moustiques, leptospirose) et des problèmes structurels lors de séismes si la cuve est placée en toiture.

Enfin, le rejet direct des eaux de toiture à proximité des façades, sans canalisation ou infiltration contrôlée, entraîne érosion des sols, saturation du drainage et conflits de voisinage dans les zones en pente.

Défaillances en toiture

La pose d’éléments de fixation, notamment des tire-fonds sur les couvertures en tôle, présente souvent des défauts : serrage insuffisant, alignement défectueux, corrosion avancée. Ces failles fragilisent l’étanchéité et compromettent la tenue face aux vents cycloniques.

Les points singuliers de toiture (raccords, chiens assis, murs mitoyens) sont également sujets à des traitements défaillants : absence de contre-solin, bandes d’étanchéité mal posées, matériaux inadaptés. Les infiltrations résultantes touchent directement la charpente et les parois intérieures.

Autre erreur : une orientation déficiente des capteurs thermosiphons, parfois imposée pour des raisons esthétiques, diminue drastiquement leur rendement, occasionnant une surconsommation d’appoint électrique.

Rénovations qui nuisent à la ventilation naturelle

Le réaménagement intérieur, s’il ne tient pas compte des flux d’air existants, perturbe la ventilation traversante historiquement présente dans l’habitat antillais. Cloisons pleines, menuiseries pleines, absence d’impostes ou de jalousies coupent le passage de l’air, accentuant la dépendance à la climatisation. Ce changement d’usage entraîne une augmentation des charges et une perte de confort thermique.

 



 

Les solutions correctives et les bonnes pratiques à adopter

L’ensemble de ces situations appelle une réponse technique structurée. Dès la phase de conception, les solutions de rafraîchissement doivent être anticipées :

  • étudier les courants d’air dominants,
  • réserver des emplacements ventilés et ombragés pour les compresseurs,
  • prévoir l’usage combiné brasseur d’air + climatisation,
  • installer des jalousies, impostes ou systèmes traversants chaque fois que possible.

Sur les toitures, les tire-fonds doivent être posés dans le respect des recommandations professionnelles : alignement, couple de serrage adapté, matériaux traités anti-corrosion. Les points singuliers doivent bénéficier d’une double protection : étanchéité + protection mécanique (contre-solin).

Pour les eaux de pluie, le choix de cuves en polyéthylène au sol, équipées de filtres, trop-plein, clapets anti-insectes et systèmes de vidange est préférable. Quant à l’évacuation des eaux de toiture, elle doit être dimensionnée selon les normes techniques en vigueur et orientée à distance des pieds de mur.

Enfin, les rénovations intérieures doivent toujours intégrer la circulation de l’air : maintien d’une porosité des cloisons, ouverture haute (impostes), ventilation croisée. Cela permet de préserver un confort thermique passif et de limiter le recours aux systèmes actifs.

Zoom sur un point encore en discussion : les poteaux courts en zone sismique

Le dernier enseignement, encore en cours de fiabilisation, concerne la présence de poteaux courts dans les constructions en pente. Ces poteaux, trop rigides pour se déformer lors d’un séisme, concentrent les efforts à leur base, augmentant les risques de fissuration ou de rupture. Si cette configuration ne peut être évitée, un renforcement systématique par entretoises ou contreventement est recommandé. Des experts doivent encore valider pleinement cet enseignement, qui reste pour l’instant un point de vigilance.

Ce que ces enseignements impliquent pour les professionnels

Au-delà des problèmes techniques, ces retours d’expérience mettent en évidence un enjeu plus large : celui de la compétence technique adaptée au contexte ultramarin. Il ne s’agit pas seulement d’appliquer des règles hexagonales, mais de savoir les adapter. Cela suppose une formation continue des acteurs, une meilleure circulation des bonnes pratiques et une valorisation des solutions issues de l’architecture vernaculaire locale.

Les outils ne manquent pas : guides techniques, calepins d’autocontrôle, retours d’expérience illustrés sur la plateforme Pergola. Encore faut-il que ces ressources soient connues, partagées, et surtout intégrées dans les pratiques professionnelles au quotidien.


 

Récapitulatif des 12 enseignements techniques : problèmes et solutions

  1. Problème : les unités extérieures de climatisation sont souvent mal placées, exposées au soleil ou trop proches des ouvertures. Solution : prévoir des emplacements ombragés, bien ventilés, éloignés des zones de ventilation naturelle.
  2. Problème : les fixations de toiture en tôle présentent des défauts (tire-fonds corrodés ou mal alignés). Solution : respecter les recommandations professionnelles sur l’alignement, le serrage et les matériaux utilisés.
  3. Problème : les eaux pluviales stagnent sur les terrasses à cause de pentes mal conçues ou de piscettes défaillantes. Solution : concevoir des pentes adéquates et des exutoires efficaces dès la phase de conception.
  4. Problème : l’étanchéité des points singuliers (chiens assis, murs mitoyens) est souvent mal réalisée. Solution : mettre en place une double protection avec bandes d’étanchéité et contre-solin adapté.
  5. Problème : les unités extérieures créent des mini-îlots de chaleur qui nuisent au confort intérieur. Solution : les installer dans des zones naturellement ventilées et protégées du soleil direct.
  6. Problème : les brasseurs d’air sont mal positionnés, trop hauts ou trop éloignés. Solution : respecter les hauteurs et distances d’implantation recommandées pour un bon brassage.
  7. Problème : les réservoirs d’eau de pluie sont mal sécurisés, exposés à la contamination. Solution : utiliser des cuves au sol avec trop-plein, filtres, clapets anti-insectes et systèmes de vidange.
  8. Problème : les capteurs thermosiphons sont mal orientés, ce qui limite leur performance. Solution : respecter l’orientation optimale selon la pente et l’exposition solaire.
  9. Problème : les rénovations intérieures bloquent la ventilation naturelle existante. Solution : maintenir une porosité de l’air avec des impostes, jalousies et ouvertures traversantes.
  10. Problème : les brasseurs d’air sont implantés sans tenir compte de la configuration des pièces. Solution : les positionner pour favoriser une diffusion homogène et efficace de l’air.
  11. Problème : les eaux de toiture sont rejetées trop près des façades, causant des infiltrations. Solution : canaliser les eaux à distance des murs et prévoir des dispositifs d’infiltration ou de drainage.
  12. Problème : la présence de poteaux courts en zone sismique augmente les risques structurels (enseignement en discussion). Solution : éviter cette configuration ou renforcer avec entretoises et contreventements si elle est inévitable.

 


Les douze enseignements présentés ici ne prétendent pas à l’exhaustivité, mais à la pertinence. Chacun d’eux repose sur des observations réelles, dans des logements réels, soumis aux contraintes concrètes du climat martiniquais. Ensemble, ils forment un socle utile pour réorienter les pratiques de la construction et de la rénovation en Martinique, et plus largement dans les territoires ultramarins confrontés aux mêmes enjeux.

Le rapport thématique complet, en cours de finalisation, viendra prochainement compléter ces enseignements par des schémas, des fiches pratiques et des références techniques détaillées.

2 Commentaires

  1. je prends connaissance des différents points soulevés concernant la construction .
    Dans différents articles j’ai déjà évoqué plusieurs de ces points, j’ai aussi exprimé mes regrets concernant ce métier qui n’évolue pas. la construction traditionnelle a atteint ses limites ,à mon humble avis volontairement.
    Notamment, la pression des majors du bâtiment qui empêche les initiatives techniques
    via les organismes certificateurs .
    pour rappel c’est une des rares activités où la norme européenne n’est pas SUPRA.
    Alors que de multiples systèmes constructifs répondent efficacement aux problématiques

  2. EM2REUNION
    vous invite à visiter son site un système constructif innovant avec utilisation partielle de materiaux bio sourcés.
    Depuis +40ans exerce dans des pays sismiques et cycloniques avec des résultats positifs.De multiples avantages ecologie/ rapidité/cout/ facilité mise en œuvre…

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