En 2024, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) a célébré ses vingt ans d’existence. L’occasion, pour cette institution clef de la politique de la ville, de faire le point sur deux décennies de transformation urbaine : 600 quartiers prioritaires concernés, 23 milliards d’euros engagés, plus de cinq millions d’habitants touchés.
Le rapport d’activité 2024 revient en détail sur ces chiffres, les projets emblématiques, les dispositifs activés (PNRU, NPNRU, PNRQAD) et les partenariats noués. Mais une lecture attentive soulève une question essentielle : quelle part les territoires ultramarins occupent-ils dans ce vaste chantier national ?
—
Une présence officielle mais peu documentée
Les Outre-mer sont bien inclus dans le périmètre d’intervention de l’ANRU. Le rapport mentionne ainsi que les 448 quartiers en transformation sont répartis sur 400 communes « en métropole et en outre-mer ».
Toutefois, aucun chiffre spécifique ne vient préciser la part réelle des territoires ultramarins dans cette dynamique. Ni le nombre de quartiers concernés, ni les montants investis, ni même les opérations achevées n’y sont détaillés.
Parmi les nombreuses réalisations mises en avant, une seule opération concerne un territoire ultramarin : à Pointe-à-Pitre, la Maison de quartier Nicaise Ako, inaugurée en 2024, marque la reconversion d’un bâtiment en un lieu de solidarité et d’accueil de services publics.
Ce projet, bien que significatif localement, reste une exception dans un rapport où les exemples se concentrent massivement sur la métropole.
Un constat de faible visibilité
La sous-représentation des Outre-mer ne se limite pas aux exemples de terrain. Les données chiffrées agrégées ne sont jamais déclinées par région, ce qui rend difficile l’appréciation de l’efficacité ou de l’impact de la politique de renouvellement urbain dans les DOM. Aucune référence n’est faite à Mayotte, à la Martinique, à la Guyane ou encore à la Nouvelle-Calédonie.
Ce décalage interpelle, d’autant plus que les enjeux y sont lourds : habitat indigne, vulnérabilité accrue face au changement climatique, tension foncière, précarité énergétique. Des contextes qui mériteraient une attention ciblée et des dispositifs d’accompagnement renforcés.
Des opportunités à renforcer
Le rapport rappelle l’existence de plusieurs dispositifs transversaux qui s’appliquent aussi aux territoires ultramarins : le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), le Programme National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD), ou encore les appels à projets « Quartiers Fertiles » et « Quartiers Résilients ».
Par exemple, les journées régionales « Construire ensemble les quartiers de demain » ont fait étape en 2024 à Cayenne et à Saint-Denis de La Réunion. Ces rencontres ont permis de rassembler les acteurs locaux et de favoriser le partage de bonnes pratiques.
Mais là encore, l’analyse reste générique : aucun retour d’expérience ultramarin n’est développé, et les projets innovants en Outre-mer ne bénéficient d’aucune mise en valeur particulière.
Dans la perspective d’un nouveau programme à lancer en 2025, les marges de progression sont claires. Un meilleur suivi statistique, une représentation plus équilibrée des territoires, et la mise en avant de réalisations emblématiques permettraient de renforcer la portée nationale des politiques de rénovation urbaine.
RAPPORT D’ACTIVITÉ 2024 DE l’ANRU
Le rapport d’activité 2024 de l’ANRU dresse un bilan solide de deux décennies d’action publique en faveur de la transformation des quartiers prioritaires. Mais il met aussi en lumière, par son silence partiel, une lacune persistante : la faible visibilité accordée aux territoires d’outre-mer. Si l’inclusion est actée sur le papier, la documentation et la valorisation des projets ultramarins restent trop marginales.
Le prochain programme annoncé pour 2025 pourrait être l’opportunité de corriger cet écart. En dotant les Outre-mer de moyens spécifiques, en suivant finement les impacts locaux, et en associant plus visiblement leurs habitants et leurs projets, l’ANRU pourrait écrire une nouvelle page, plus inclusive et plus représentative, de la politique de renouvellement urbain en France.