Chaque cyclone rappelle la vulnérabilité des constructions à La Réunion. Située en plein océan Indien, l’île est régulièrement exposée à des vents extrêmes et des pluies diluviennes qui mettent à l’épreuve les infrastructures existantes.
En 2022, face à ce constat, les acteurs du BTP réunionnais ont soumis 12 propositions concrètes au Préfet pour améliorer la sécurité et la résilience des bâtiments. Pourtant, ces recommandations n’ont toujours pas été intégrées à la réglementation. Pourquoi ces mesures sont-elles cruciales ? Que pourraient-elles changer ?
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BTP et cyclones : des règles à revoir d’urgence
À La Réunion, la réglementation en matière de construction inclut déjà certaines exigences paracycloniques.
Toutefois, les événements météorologiques récents démontrent que ces normes sont souvent insuffisantes face à l’intensification des phénomènes climatiques.
Certaines structures, bien que conformes aux réglementations en vigueur, présentent des fragilités critiques lorsqu’elles sont soumises à des vents dépassant les 200 km/h ou à des précipitations massives pouvant provoquer des inondations et des glissements de terrain.
Le passage du cyclone Garance en février a mis en évidence des failles structurelles majeures dans les bâtiments et infrastructures de La Réunion. Les vents violents, atteignant jusqu’à 234 km/h, ont causé d’importants dégâts aux habitations mal ancrées, aux toitures non sécurisées et aux réseaux d’approvisionnement en eau et électricité.
La nécessité d’adapter la réglementation devient impérative pour anticiper la montée en puissance des phénomènes extrêmes et pour garantir des constructions plus sûres et plus durables.
12 propositions pour un bâti plus résistant
1. Revoir les normes paracycloniques et renforcer les exigences structurelles
Les critères de conception doivent être recalibrés en fonction des nouvelles données climatiques. Les structures doivent être dimensionnées pour résister aux rafales de vent dépassant 250 km/h et aux charges dynamiques induites par des pluies torrentielles. Il est essentiel d’imposer des tests de résistance sur les nouveaux matériaux de construction et de renforcer les exigences en matière de conception des charpentes et des ancrages au sol.
2. Contrôler rigoureusement les matériaux et techniques de construction
L’utilisation de matériaux de construction certifiés et conformes aux normes paracycloniques doit être strictement encadrée. Des inspections systématiques doivent être mises en place pour garantir l’application des bonnes pratiques et pour éviter les fraudes. En 2021, une étude a révélé que 30 % des bâtiments endommagés lors des tempêtes présentaient des failles liées à l’emploi de matériaux de qualité insuffisante.
3. Sécuriser les infrastructures stratégiques (hôpitaux, écoles, centres de secours)
Les infrastructures critiques doivent être conçues comme des zones de repli sûres, capables d’accueillir des populations en détresse. La mise en œuvre de structures en béton armé et de systèmes de ventilation autonomes permettrait d’assurer leur autonomie en cas de coupure prolongée du réseau électrique ou d’inondation.
4. Enterrer les réseaux électriques et moderniser l’approvisionnement en eau
La majorité des dégâts post-cycloniques à La Réunion sont aggravés par la coupure des réseaux d’électricité et d’eau potable. Enterrer les lignes à haute tension et renforcer les canalisations permettrait de limiter la vulnérabilité des infrastructures. Lors du cyclone Dumile, plus de 130 000 foyers réunionnais ont été privés d’électricité pendant plusieurs jours, illustrant les limites du réseau aérien actuel.
5. Construire des refuges cycloniques adaptés dans chaque commune
Les communes doivent disposer de bâtiments spécifiquement conçus pour résister aux conditions climatiques extrêmes et capables d’accueillir temporairement des habitants déplacés. Ces refuges doivent être équipés de groupes électrogènes autonomes, de systèmes de purification d’eau et de stocks de vivres, assurant une autonomie d’au moins 72 heures après le passage d’un cyclone.
6. Former les professionnels du BTP aux techniques de construction résiliente
Une formation obligatoire des artisans, ingénieurs et promoteurs aux méthodes de construction paracyclonique permettrait d’élever le niveau général des constructions et de garantir l’application effective des normes existantes. Des formations similaires ont été organisées en Guadeloupe en 2020, mais aucune donnée officielle ne permet d’affirmer une réduction précise des dommages sur les nouvelles constructions.
7. Intégrer la gestion des risques climatiques dans l’urbanisme
L’aménagement du territoire doit être repensé en tenant compte des zones à risques, notamment les zones inondables et les couloirs de vent. Un zonage précis et des restrictions d’urbanisation doivent être instaurés pour éviter de nouvelles constructions dans des zones trop exposées aux phénomènes climatiques extrêmes.
8. Encourager le développement et l’utilisation de matériaux innovants
Les recherches sur des matériaux plus résistants, légers et écologiques doivent être encouragées. Les panneaux en fibres de bambou, par exemple, ont démontré une résistance accrue aux vents violents et pourraient constituer une alternative durable. L’État et les collectivités doivent soutenir ces innovations par le biais de subventions et d’incitations fiscales.
9. Mettre en place un fonds de prévention et de reconstruction
Un fonds dédié à la résilience des bâtiments doit être instauré afin de financer les projets de rénovation et de mise aux normes des constructions anciennes. En Nouvelle-Calédonie, des financements ont été alloués à la reconstruction après des cyclones, mais il n’existe pas de données précises prouvant une réduction de moitié des délais de reconstruction.
10. Offrir des incitations fiscales aux constructions résilientes
Les propriétaires et promoteurs qui investissent dans des bâtiments renforcés devraient bénéficier d’un crédit d’impôt ou d’une TVA réduite sur les matériaux et équipements certifiés. À Maurice, des mesures fiscales existent pour l’investissement immobilier en général, mais elles ne ciblent pas spécifiquement la résilience aux cyclones.
11. Sensibiliser la population aux comportements à adopter avant, pendant et après un cyclone
Des campagnes de prévention régulières et des simulations grandeur nature doivent être organisées pour mieux préparer les habitants aux situations d’urgence. En Martinique, des initiatives de sensibilisation existent, mais aucune donnée chiffrée ne prouve leur impact direct sur la réduction des pertes matérielles.
12. Clarifier et renforcer l’application des réglementations existantes
L’absence de contrôles stricts et de sanctions dissuasives favorise le non-respect des réglementations actuelles. Il est impératif d’augmenter la fréquence des inspections et d’instaurer des amendes substantielles en cas de non-conformité.
Face à la montée en puissance des phénomènes cycloniques, il est impératif d’adopter une approche proactive pour garantir la sécurité des habitants et la durabilité des infrastructures. Ces 12 propositions fournissent une base solide pour renforcer la résilience des constructions à La Réunion. La question demeure : les pouvoirs publics saisiront-ils l’opportunité des assises du BTP pour enfin passer à l’action ?