Après une année 2023 marquée par de fortes variations, le secteur du gros œuvre semble connaître une légère reprise en 2024. Les carnets de commandes des entreprises de gros œuvre ont enregistré une hausse de 0,3 % en juillet 2024, après plusieurs mois de fluctuations importantes. Mais que cachent ces variations mensuelles ? Quelles sont les causes sous-jacentes de ces mouvements ?
Une année 2023 sous le signe de la volatilité
Le début de l’année 2023 avait pourtant bien démarré avec une hausse notable de +2,8 % en janvier. Cet élan a rapidement été freiné par une série de baisses successives, atteignant un creux de -3,3 % en juin 2023. Ces variations peuvent être expliquées par plusieurs facteurs, notamment l’augmentation des coûts des matières premières et les incertitudes économiques liées à la conjoncture mondiale.
En parallèle, les entreprises ont dû faire face à des retards dans les appels d’offres publics et à une augmentation significative des coûts de production. Selon l’INSEE, l’Indice du coût de production dans la construction (ICP-F) a augmenté de manière continue, passant de 104,3 au 1er trimestre 2022 à 111,9 au 1er trimestre 2024. Cette hausse des coûts a considérablement impacté la capacité des entreprises à maintenir un flux constant de commandes.
Une reprise progressive à partir d’octobre 2023
À partir du 4e trimestre 2023, les carnets de commandes ont montré des signes de reprise, avec une augmentation modérée de +0,9 % en octobre et +1 % en novembre. Cette remontée peut être attribuée à la volonté des entreprises de clôturer des projets avant la fin de l’année fiscale, ainsi qu’à une stabilisation des coûts des matériaux après plusieurs mois de hausse.
En juillet 2024, les carnets de commandes ont encore progressé de +0,3 %, marquant une légère reprise. Toutefois, cette hausse reste modeste par rapport aux niveaux d’avant 2023, témoignant des défis persistants pour le secteur.
Pourquoi les entreprises de construction font face à des coûts explosifs
Les coûts de production dans la construction ont joué un rôle majeur dans ces fluctuations. L’INSEE rapporte une augmentation continue de l’Indice du coût de la construction (ICC), qui est passé de 101,7 au 4e trimestre 2021 à 120,1 au 1er trimestre 2024. Cette hausse a directement impacté les prix des matériaux tels que l’acier, le béton et le bois, poussant les entreprises à revoir leurs stratégies tarifaires.
De même, l’Indice de prix des travaux d’entretien et d’amélioration (IPEA) a augmenté de 16,6 % depuis 2021, affectant les travaux de rénovation et d’entretien, qui constituent une partie importante des carnets de commandes des entreprises de gros œuvre. Cette augmentation des coûts réduit la rentabilité des projets, entraînant une hésitation des clients à investir dans de nouveaux chantiers.
Projets publics et privés : Des lueurs d’espoir malgré les incertitudes
Les projets publics, souvent moteurs de l’activité dans le gros œuvre, ont également connu des retards en 2023, contribuant aux baisses de commandes. Les budgets publics, plus serrés en raison de l’inflation et de la réallocation des ressources, ont retardé les appels d’offres dans certaines régions. Cependant, la fin de l’année 2023 a vu une reprise de ces projets, en partie grâce à des plans de relance et à de nouvelles politiques d’infrastructure, ce qui a stimulé les carnets de commandes.
Du côté de la demande privée, bien qu’elle ait chuté au milieu de l’année 2023 en raison des incertitudes économiques, on observe un retour de la demande à partir de fin 2023, notamment dans le secteur résidentiel et commercial. Les entreprises plus grandes ont su capter cette reprise, tandis que les plus petites ont dû composer avec des marges réduites et des coûts plus élevés.
Régulations environnementales et transition écologique
Les régulations environnementales ont également eu un effet sur les carnets de commandes. Les nouvelles normes, notamment celles liées à la construction durable et à la réduction de l’empreinte carbone, ont imposé aux entreprises d’adapter leurs processus et de choisir des matériaux plus coûteux, ce qui a temporairement ralenti certains projets. Toutefois, celles qui ont su s’adapter à ces nouvelles exigences ont pu tirer parti des subventions et des incitations gouvernementales.
Vers une reprise solide ou un rebond éphémère pour le secteur du gros œuvre
Bien que les carnets de commandes aient montré des signes de reprise en 2024, la hausse de 0,3 % en juillet reste modeste. Les conditions économiques, notamment l’inflation et les taux d’intérêt élevés, continueront d’influencer la capacité des entreprises à maintenir ou à augmenter leur carnet de commandes dans les mois à venir.
Toutefois, la stabilisation des coûts des matériaux et la reprise des investissements publics pourraient offrir un soutien modéré au secteur. L’évolution des indices de coûts et de prix dans la construction, notamment l’ICP-F et l’ICC, sera un facteur décisif pour déterminer si cette reprise peut se poursuivre ou non.
Capacités d’adaptation des entreprises
Les entreprises de gros œuvre devront redoubler d’efforts pour s’adapter à ce nouveau contexte. Celles qui sauront ajuster leurs stratégies de tarification, anticiper les fluctuations des coûts, et profiter des subventions publiques pour la transition écologique seront mieux positionnées pour maintenir un carnet de commandes solide. À l’inverse, les entreprises qui ne parviennent pas à absorber ces coûts pourraient voir leurs carnets de commandes stagner.
Conclusion
L’évolution des carnets de commandes dans le secteur du gros œuvre entre janvier 2023 et juillet 2024 révèle des défis majeurs liés à la hausse des coûts de construction et à l’incertitude économique. Bien qu’une reprise soit perceptible en 2024, elle reste modeste et fragile. Les mois à venir seront cruciaux pour les entreprises du secteur, qui devront continuer à s’adapter aux fluctuations des coûts et aux nouvelles exigences environnementales pour tirer parti des opportunités du marché.