16,7 milliards d’euros. C’est le chiffre d’affaires enregistré par le marché de la rénovation énergétique en 2022, soit une hausse de 15 % en deux ans. Avec les nouvelles réglementations et les aides publiques, le secteur du BTP voit la demande croître, mais cela suffira-t-il pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030 ?
Depuis plusieurs années, la rénovation énergétique est au cœur des politiques publiques, portée par des dispositifs comme MaPrimeRénov’, les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) et la réglementation environnementale RE2020.
Ces mesures incitent les particuliers et les professionnels à investir dans des travaux de rénovation afin d’améliorer la performance thermique des bâtiments et réduire leur impact carbone. Pourtant, malgré une dynamique positive, des défis structurels persistent et pourraient ralentir l’essor du marché.
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Un marché en forte croissance, mais des disparités
La dynamique est réelle : entre 2020 et 2022, le chiffre d’affaires du secteur a bondi, porté par l’isolation thermique, l’installation d’équipements performants et les audits énergétiques. Toutefois, tous les segments ne progressent pas au même rythme.
- Isolation thermique : malgré son rôle central dans la transition énergétique, la croissance de ce segment reste modérée. La demande reste élevée, mais les coûts des matériaux et la complexité des travaux freinent parfois les projets.
- Pompes à chaleur et chauffe-eau thermodynamiques : en hausse de 79 % en deux ans, ces équipements connaissent une explosion du marché. L’essor des solutions de chauffage renouvelables est directement lié aux incitations financières et aux objectifs de sortie des énergies fossiles.
- Remplacement des fenêtres et portes : bien que nécessaire pour améliorer la performance énergétique des logements, ce marché progresse plus lentement, notamment en raison de coûts élevés et de priorités budgétaires des ménages orientées vers d’autres travaux.
Le segment des pompes à chaleur et des chauffe-eau thermodynamiques a atteint 7,9 milliards d’euros en 2022, devenant un pilier de la transition énergétique dans le bâtiment. Les chiffres montrent que cette croissance repose sur une politique d’incitation ambitieuse et une adoption croissante par les ménages et les entreprises.
Plus de 117 000 emplois, mais un secteur sous tension
Avec 117 670 emplois directs en 2022, le marché de la rénovation énergétique se positionne comme un moteur de l’emploi dans le BTP. Toutefois, la dynamique s’essouffle et les besoins en main-d’œuvre qualifiée se font sentir.
- Isolation thermique : ce segment reste un fort employeur, mais le nombre d’emplois a légèrement reculé en 2022 (-6 %), ce qui traduit un ralentissement des chantiers.
- Pompes à chaleur et audits énergétiques : la demande en installateurs et en techniciens ne cesse d’augmenter, mais le secteur peine à former suffisamment de professionnels pour répondre aux besoins croissants.
- Difficultés de recrutement : les entreprises du BTP peinent à recruter des artisans et techniciens spécialisés, ce qui allonge les délais de réalisation des travaux et ralentit la transition énergétique.
Le marché de l’isolation thermique reste le premier employeur avec 77 000 emplois en 2022, mais sa progression ralentit. D’après la Synthèse des marchés et emplois dans la transition énergétique (ADEME, 2024), ce constat met en évidence la nécessité d’investir davantage dans la formation et l’attractivité des métiers du BTP.
Quels défis pour l’avenir ?
Si la croissance est au rendez-vous, plusieurs obstacles freinent encore la transition énergétique du bâtiment :
- Coûts des matériaux et inflation, rendant certaines rénovations moins accessibles pour les ménages et les professionnels.
- Lenteur administrative pour l’obtention des aides et subventions, ce qui complexifie les démarches et peut décourager certains porteurs de projet.
- Dépendance aux importations pour certains équipements, notamment les pompes à chaleur et les panneaux solaires, ce qui expose le marché aux tensions géopolitiques et aux fluctuations des prix.
- Pénurie de main-d’œuvre, un problème structurel qui pourrait ralentir les chantiers et compromettre l’atteinte des objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas-Carbone et la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie.
Pour atteindre les objectifs de 2030, le secteur devra accélérer la formation des professionnels, faciliter l’accès aux aides publiques et développer une production locale des équipements essentiels. L’industrialisation de la rénovation énergétique et l’essor de nouveaux modèles économiques, comme la massification des rénovations groupées, pourraient permettre de répondre à ces défis.
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Le marché de la rénovation énergétique progresse, mais le rythme est-il suffisant pour tenir les engagements climatiques ? Si la croissance du chiffre d’affaires et des emplois est encourageante, les professionnels du BTP devront surmonter plusieurs défis pour que la transition énergétique devienne une réalité à grande échelle.
Avec une main-d’œuvre sous tension, des coûts en hausse et une demande croissante, le secteur du bâtiment est à un tournant. Les prochaines années seront décisives pour savoir si la rénovation énergétique pourra véritablement s’imposer comme un levier majeur de la transition écologique. Le marché est en plein essor, mais il doit encore franchir plusieurs étapes pour assurer sa pérennité et son efficacité.