Repenser l’espace urbain : pourquoi donner la priorité aux piétons ?

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    priorité aux piétons

    Dans les villes d’outre-mer, où l’on cherche constamment à améliorer le cadre de vie et à s’adapter aux défis climatiques, la question de l’espace urbain prend une place centrale. Fort-de-France, en Martinique, en est un exemple frappant : ici, l’espace public est majoritairement consacré aux voitures, laissant peu de place aux piétons. En fait, 80 % de cet espace est réservé aux véhicules, ne laissant que 20 % aux piétons. Cette disproportion a des conséquences directes sur la sécurité, la convivialité et même l’environnement. Alors, pourquoi ne pas envisager une nouvelle répartition de l’espace urbain, en accordant plus de place aux piétons ? Réfléchir à cette question pourrait bien transformer la vie urbaine dans les Outre-mer.

    La situation actuelle : trop de place pour les véhicules

    À Fort-de-France, comme dans de nombreuses villes d’outre-mer, l’espace urbain est dominé par les voitures. Actuellement, environ 80 % de cet espace est dédié aux véhicules motorisés, ne laissant que 20 % pour les piétons, les cyclistes et les espaces verts. Cette disproportion crée un environnement où les déplacements sont majoritairement motorisés, au détriment de la marche, de la convivialité et de la sécurité des habitants. Loin de n’être qu’une question de circulation, cette répartition a des conséquences importantes sur la vie urbaine, la qualité de l’air et même le bien-être des résidents.

    Impact sur l’environnement

    Ce modèle centré sur la voiture a entraîné une forte imperméabilisation des sols urbains. Concrètement, le bitume, le béton et les infrastructures routières occupent la majeure partie de la surface, empêchant le sol d’absorber les eaux de pluie. Dans les villes tropicales comme Fort-de-France, où les pluies peuvent être abondantes et soudaines, l’imperméabilisation des sols amplifie les risques d’inondation. Les rues, n’ayant pas la capacité d’absorber l’eau, se transforment rapidement en zones à risque, ce qui entraîne des dégâts matériels et met en péril la sécurité des habitants.

    Un espace public peu accueillant

    L’organisation des espaces urbains, centrée sur les véhicules, fait que les zones piétonnes sont souvent réduites à des trottoirs étroits, parfois en mauvais état, et dépourvues de mobilier urbain confortable. Les résidents, surtout les plus vulnérables (enfants, personnes âgées), se trouvent contraints de marcher dans des conditions peu sécurisées. De plus, le bruit et la pollution générés par le trafic rendent l’expérience urbaine désagréable, réduisant l’envie de s’attarder dans les rues et d’y créer une vie de quartier dynamique.

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    Les bénéfices d’une meilleure répartition de l’espace public

    Redistribuer l’espace urbain pour consacrer 50 % aux piétons pourrait transformer en profondeur la vie dans les villes d’outre-mer. Cette nouvelle approche aurait des impacts directs et positifs sur la sécurité, la convivialité et l’attractivité des centres urbains. Voici comment une meilleure répartition de l’espace public pourrait profiter à tous :

    • Amélioration de la sécurité : Moins de voitures signifie une réduction des risques d’accidents pour les piétons. En créant des zones de rencontre et en limitant la vitesse des véhicules, on réduit aussi les risques pour les cyclistes et les utilisateurs de mobilité douce.
    • Convivialité accrue : Avec plus d’espace pour les piétons, les centres-villes deviennent des lieux de vie où les habitants peuvent se retrouver, flâner, et profiter des commerces locaux. Des bancs, des espaces ombragés et des fontaines d’eau potable encourageraient les gens à rester plus longtemps dans ces espaces publics.
    • Dynamisation de l’économie locale : Une ville accueillante pour les piétons attire plus de visiteurs et de clients dans les commerces locaux. Les centres-villes piétonnisés favorisent également l’émergence de marchés et d’événements culturels, ce qui dynamise l’économie locale.
    • Réduction de l’empreinte écologique : Une meilleure répartition de l’espace public peut inclure l’intégration de végétalisation et d’aménagements bioclimatiques, pour atténuer l’impact environnemental des villes. En remplaçant le béton par des espaces verts et des arbres, les villes d’outre-mer pourraient réduire les îlots de chaleur et limiter les effets de la pollution de l’air.
    • Création d’espaces de détente et de loisirs : Des zones réaménagées avec des équipements publics permettent aux familles et aux habitants de profiter d’espaces de loisirs accessibles. Ces espaces peuvent inclure des jeux pour enfants, des installations sportives, ou encore des espaces pour pique-niquer.

    Repenser l’espace urbain en faveur des piétons n’est pas qu’un simple aménagement ; c’est une refonte de la dynamique urbaine qui place les habitants au cœur de la ville, en transformant des zones de passage en lieux de vie agréables et accueillants.

    Exemples inspirants dans les Outre-mer

    Les territoires d’outre-mer, bien qu’encore largement dominés par les véhicules dans l’organisation de leurs villes, voient apparaître des initiatives innovantes qui favorisent les modes de déplacement doux et redonnent de l’espace aux piétons. Ces exemples inspirants montrent qu’il est possible d’imaginer des villes plus conviviales et plus durables.

    Mayotte – Aménagement du front de mer de Bandrélé

    À Bandrélé, une ville de Mayotte, un projet ambitieux de réaménagement du front de mer est en cours. Ce projet a pour objectif de créer une liaison piétonne continue qui relie les principales attractions de la ville, tout en intégrant des espaces de détente et de loisirs. On y retrouve des places publiques pour se retrouver, des zones ombragées pour se détendre, et même des aires de jeux pour les enfants. Ce réaménagement rend la ville plus attractive et renforce le lien social en créant un espace agréable, sécurisé et accessible pour tous.

    Guyane – Écoquartier Palika à Cayenne

    En Guyane, l’écoquartier Palika à Cayenne mise sur le développement durable en intégrant des pistes cyclables et des sentiers piétons pour connecter les différents équipements publics. Ce projet vise à limiter la dépendance à la voiture en favorisant des trajets sécurisés pour les piétons et les cyclistes. L’écoquartier Palika montre qu’une approche réfléchie et intégrée de l’aménagement urbain permet de créer un espace de vie agréable et écologique, tout en répondant aux besoins de déplacement des habitants.

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    Source : LinkedIn / EPFA Guyane

    Ces initiatives démontrent qu’il est possible, même dans les territoires où l’organisation urbaine est encore très orientée vers la voiture, de réaménager les espaces en faveur des piétons et des cyclistes. En donnant la priorité aux modes de transport doux, ces projets encouragent une nouvelle vision de la ville, plus humaine et plus proche de la nature.

    Vers des aménagements durables et inclusifs

    Réorganiser les villes pour donner plus de place aux piétons ne se limite pas à une question d’espace ; il s’agit aussi d’adopter une vision globale d’aménagement durable et inclusif. Cela implique d’intégrer les besoins de tous les usagers et de prendre en compte les particularités de chaque territoire pour créer des villes où il fait bon vivre.

    Favoriser la végétalisation et les espaces multifonctionnels

    Les espaces urbains peuvent être transformés en zones agréables et polyvalentes, offrant des espaces verts, des zones de détente, et des lieux de rencontre. En plantant des arbres adaptés aux climats tropicaux, tels que des tamariniers et des manguiers, on peut créer des espaces ombragés qui rendent la ville plus supportable pendant les heures les plus chaudes. Ces zones permettent aux habitants de se détendre, tout en améliorant la qualité de l’air et en réduisant les îlots de chaleur urbains.

    Encourager la mobilité douce et la participation citoyenne

    La réussite des aménagements urbains passe aussi par la participation des habitants. En impliquant les citoyens dans les projets d’aménagement, les villes peuvent répondre aux besoins réels de la population et renforcer le sentiment d’appartenance des habitants. La création de pistes cyclables, de chemins piétons et de zones de rencontre doit être pensée avec les citoyens, pour garantir que les infrastructures répondent aux attentes de tous et facilitent la transition vers une mobilité douce.

    Anticiper les défis climatiques et favoriser la résilience urbaine

    Les villes d’outre-mer sont particulièrement vulnérables aux aléas climatiques, qu’il s’agisse de fortes pluies, de tempêtes, ou de vagues de chaleur. En adoptant des aménagements résilients, tels que des sols perméables et des infrastructures capables de supporter les intempéries, les villes peuvent réduire les risques d’inondation et garantir la sécurité des habitants. Ces mesures sont essentielles pour s’adapter aux défis climatiques et renforcer la durabilité des espaces urbains.

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    Vers des aménagements durables et inclusifs

    Redonner la priorité aux piétons ne signifie pas seulement réorganiser l’espace urbain, mais adopter une vision d’aménagement plus durable et inclusive. Cela implique de répondre aux besoins de tous les usagers et d’intégrer des solutions adaptées aux particularités locales.

    • Végétalisation et espaces polyvalents : En intégrant des arbres et des zones de verdure, les villes d’outre-mer pourraient offrir des espaces ombragés, réduire les îlots de chaleur et améliorer la qualité de l’air. Ces espaces deviennent des lieux de détente et de rencontre, favorisant la convivialité.
    • Participation citoyenne et mobilité douce : En impliquant les habitants, les projets urbains répondent mieux aux attentes locales et encouragent une transition vers la marche et le vélo. La création de pistes cyclables et de chemins piétons, pensés avec les citoyens, renforce le sentiment d’appartenance.
    • Résilience face aux défis climatiques : Avec des infrastructures adaptées pour gérer les intempéries, les villes se protègent contre les risques d’inondation et garantissent la sécurité des habitants, contribuant ainsi à une durabilité accrue.

     

    Repenser l’aménagement urbain pour redonner la priorité aux piétons n’est pas seulement une question de réorganisation de l’espace, mais une opportunité de transformer les villes en lieux de vie plus sûrs, plus conviviaux, et mieux adaptés aux défis climatiques. En adoptant une approche globale qui intègre la végétalisation, la participation citoyenne, et des infrastructures résilientes, les territoires d’outre-mer peuvent concevoir des centres-villes où chaque habitant trouve sa place. Il est essentiel que les décideurs locaux, les urbanistes, et les citoyens se mobilisent ensemble pour soutenir et accélérer cette transition, afin de construire des villes où il fait bon vivre aujourd’hui et demain.

    Source : Consacrer 50 % de l’espace public aux piétons, par David Fontcuberta, architecte et fondateur de l’agence Abité, dans l’article publié par EWAG « Les 8 aménagement urbain qui peuvent tout changer« 

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